Le témoignage d’un policier avait été un point de bascule dans cette affaire. De quatre à huit mois de prison avec sursis ont été requis vendredi contre des policiers accusés d’avoir porté des coups de poing et de pistolet à impulsion électrique à un jeune homme en 2021 dans le Val-d’Oise.
“Là, on est dans de la violence pure, ce que devra reconnaître votre tribunal en considérant que ces violences étaient illégitimes”, a déclaré la procureure, considérant que le policier auteur des coups de pistolet à impulsion électrique “ne s’était senti en danger à aucun moment”.
D’après elle, le “nombre de déclenchements était important et pas justifié par la situation”.
Elle a requis à son encontre 8 mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer sur la voie publique de 10 mois.
A l’encontre des deux autres policiers accusés d’avoir porté chacun un coup de poing, elle a requis 4 et 6 mois de prison avec sursis, également avec des périodes d’interdiction d’exercice sur la voie publique.
La procureure a en revanche requis la relaxe pour les deux autres fonctionnaires qui comparaissaient pour s’être abstenus d’empêcher les violences.
La décision sera rendue le 1er août.
En janvier 2021, les cinq membres du groupe de sécurité de proximité du commissariat d’Argenteuil sont en patrouille dans un quartier plutôt calme de Cormeilles-en-Parisis.
Lors d’un contrôle dans les parties communes d’un immeuble, ils déverrouillent grâce à la reconnaissance faciale le téléphone d’un jeune homme. S’affiche alors la photo d’un de leurs collègues, vêtu d’un bas résille.
Depuis quelques jours, cette photo privée circule sur les réseaux sociaux.
La situation se tend.
Durant cette intervention qui dure 40 minutes, “il y a eu deux coups de poing, des coups de pied au niveau du genou et des coups de taser… une quinzaine”, décrit à la barre le jeune homme, âgé de 19 ans à l’époque des faits.
Voûté, il regarde souvent au sol, visiblement mal à l’aise dans la salle pleine de policiers en civil et de proches des prévenus.
“J’avais tellement peur qu’à aucun moment je me suis débattu”, assure-t-il
Il n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’une interpellation mais a été destinataire d’amendes forfaitaires délictuelles envoyées après le contrôle.
Sur les caméras de vidéosurveillance placées à l’extérieur de l’immeuble, le jeune homme apparaît marcher en boitant, aidé par un ami.
Les examens médicaux constateront de multiples hématomes et contusions au niveau du visage et de la jambe gauche, ainsi que des retentissements psychologiques sans pour autant délivrer de jours d’interruption temporaire de travail.
“Traître”
A l’audience, les trois fonctionnaires poursuivis pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique ont réfuté avoir porté des coups à la victime.
Le chef du groupe, qui utilisait le pistolet à impulsion électrique, a lui expliqué ne l’avoir utilisé qu’une seule fois “en mode contact” – directement sur le jeune homme.
Les autres utilisations, dont il ne se souvient pas du nombre exact, étaient purement dissuasives, grâce à leur bruit caractéristique, affirme-t-il.
“C’était en réaction, lorsque j’ai craint pour la sécurité” d’un collègue, justifie le policier aux vingt ans de carrière.
“J’aurais peut-être pas dû utiliser autant le taser”, concède-t-il en fin d’audience.
L’analyse de l’arme a fait état de 27 déclenchements, 26 d’une seconde et un de cinq secondes.
Face aux déclarations parfois allusives des prévenus, la présidente note un “fonctionnement identique à d’autres: surtout ne rien balancer sur les autres, surtout ne rien dire”.
Dans ce dossier, la bascule a été le témoignage de l’un d’eux lors de ses auditions.
Un collègue “a mis un coup de poing”, un autre “plusieurs coups de taser sans aucun motif”, a déclaré un policier lors de l’enquête.
“Des coups ont été portés par un de mes collègues mais vous comprendrez que je ne peux pas dire lequel, a-t-il ajouté. Mes déclarations vont être relues, pour quoi je vais passer au service après ?”.
“Une balance”, “un traître”, se répond-il à la barre vendredi.
Ostracisé, il a demandé à être mis en détachement de la police – malgré son attrait pour la fonction – et a déménagé dans une autre région.
“Je n’ai pas su affronter cette affaire, j’ai préféré fuir”, confie celui qui exerce désormais comme policier municipal.
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