Urbanisme | Ile-de-France | 04/03
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Ile-de-France : l’association Appuii dénonce une rénovation urbaine non démocratique

Ile-de-France : l’association Appuii dénonce une rénovation urbaine non démocratique © CH

Franc-Moisin à Saint-Denis, Cordon à Saint-Ouen ou La Noue à Montreuil : la liste des quartiers en “rénovation urbaine” est longue en Seine-Saint-Denis mais aussi ailleurs en Ile-de-France. Des opérations de transformation radicale qui impliquent insuffisamment les habitants, estime l’association Appuii (Alternative pour des projets urbains ici et à l’international). L’association a créé son propre observatoire des “projets urbains imposés et contestés” et en fait la liste et l’analyse.

Démolition de logements sociaux, expropriation, relogements imposés, bétonisation, concertation bidon… Les villes françaises se transforment sous l’effet de grands projets, souvent au détriment des plus pauvres et de l’environnement“, affirme l’Appui. Depuis 2012, l’association soutient des habitants affectés par des projets de rénovation urbaine. Elle s’appuie pour cela sur un réseau de militants d’associations, architectes, urbanistes, chercheurs et collectifs d’habitants.

Dans le premier rapport de son observatoire maison, l'”Observatoire des projets urbains imposés et contestés”, l’association entend montrer “les formes d’imposition et les pratiques de répression auxquelles sont confrontés les habitants qui veulent faire entendre leur voix” mais aussi “comment les dynamiques citoyennes rendent visibles les écueils des projets urbains et préfigurent des alternatives pour une ville plus juste.”

Un manque réel de concertation

Quarante-quatre cas de mobilisations face à des projets urbains, dont 23 en Ile-de-France, sont recensés afin de mettre en évidence ce qui, dans la fabrique ordinaire de la ville, “tend à exclure les habitants des décisions sur leur avenir“. Si 28 concernent des opérations financées par l’Anru (Agence nationale de la rénovation urbaine), l’étude porte également sur des projets de réhabilitation menés directement par des offices HLM ou des promoteurs privés dans des quartiers d’habitat social, des projets de transformation de foyers de travailleurs migrants et des projets liés à la création d’infractructures comme le Grand Paris Express, la préparation des Jeux olympiques ou l’urbanisation d’espaces verts.

De son étude, l’Appuii tire deux enseignements majeurs. D’une part, elle constate que dans 39 cas sur 44, la contestation porte sur le contenu même du projet, dont plus de la moitié contre la démolition de logements sociaux (24). D’autre part, dans 41 cas sur 44, c’est la manière dont les projets sont concertés qui est critiquée par les habitants.

Si l’association convient que cette forte proportion découle du sujet propre à l’étude (les projets imposés), elle met aussi en perspective la parole des habitants sollicités avec une “échelle de l’imposition” allant du “passage en force” comme dans le cas des relogements de la cité Marcel Paul à l’Ile-Saint-Denis, à la “concertation limitée” comme dans le cas de la dalle Robespierre à Vitry-sur-Seine. Pour l’Appuii, le cas des habitants de Bondy confrontés au prolongement de la ligne 15 relève de la “désinformation”, pour ceux de la Pièce pointue au Blanc-Mesnil de la “simple information” et pour ceux du Clos français à Montreuil de la simple “consultation“, sans tenir compte des avis exprimés.

Lire : Expropriations et nuisances liées au chantier du métro 15 Est à Bondy : la demande d’un projet alternatif demeure

“Climat démobilisateur”

Malgré les avancées en faveur de la “co-construction” des projets, et les dispositions de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 2014, pour ce qui est des projets portés par l’Anru, “l’information tardive et partielle, l’absence de concertation et la non prise en compte des propositions des habitants sont encore la norme“, estime l’Appuii. Selon elle, “les porteurs de projets de rénovation urbaine parviennent à aménager les dispositifs légaux pour s’assurer de la mise en place de leur projet quand bien même l’avis des premiers concernés serait défavorable.”

Dans les quartiers étudiés, un “climat démobilisateur” peut par ailleurs freiner le développement de la participation citoyenne, qu’il résulte d’une stratégie de pourrissement, de la lassitude générée par la longue durée des projets, du rapport de force défavorable avec les institutions, ou d’un “manque de confiance suscité par le clientélisme.” “Le bailleur a laissé les choses se dégrader. Il y a des infestations de rats, de cafards, des moisissures partout. Le ménage des parties communes n’est plus fait. Les ascenseurs sont cassés. […]. Ils ont laissé le patrimoine se dégrader délibérément pour justifier la démolition et pouvoir ramener des gens plus riches. Nous, on est trop pauvres“, rapporte un témoignage à l’Ile-Saint-Denis

Par ailleurs, presque tous les collectifs interrogés (39 sur 44) témoignent avoir été victimes de répression. Celle-ci peut aller d’attaques discursives et disqualifications à des restrictions matérielles et financières comme la suppression de subventions ou d’accès à des locaux, à des attaques juridiques et réglementaires.

Démocratiser la rénovation urbaine

Pour favoriser l’émergence d’une réelle participation des habitants, le premier rapport de l’observatoire formule trois conditions. Il appelle à favoriser un “climat d’engagement, notamment en promouvant une culture du débat chez les maîtres d’ouvrage“, en soutenant la structuration d’organisations indépendantes des pouvoirs locaux et des bailleurs sociaux, et en rétablissant la confiance avec les institutions publiques.

En dehors d’un soutien public aux conditions matérielles et financières de la participation, l’Appuii préconise une réflexion sur l’octroi d’un “statut protecteur” à celles et ceux qui s’engagent dans la co-élaboration et dans la contestation des projets urbains.

Enfin, l’association recommande de garantir l’application du droit à l’information en matière d’urbanisme, à faciliter l’accès à la contre-expertise des projets, à “instituer un pouvoir d’initiative sur les projets urbains” qui pourrait prendre la forme d’un référendum local“, et à généraliser les réunions d’étape permettant aux décideurs des projets de rendre compte de leurs actions.

L’Appuii a par ailleurs présenté le 24 février une proposition de loi pour “démocratiser la rénovation urbaine” et l’accès au logement reprenant une partie de ces propositions.

Voir le rapport de l’Appuii

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