Depuis 2016, l’association Metishima, dont le siège est basé à Chevilly-Larue, aide les personnes contraintes à l’exil à s’intégrer dans la société, et sensibilise sur les préjugés qui les visent. Après huit ans d’activité, l’organisme a aidé plus de 700 exilés à rebondir. Reportage.
Metishima, c’est la contraction de Métis et Heshima, dignité en Swahili, la langue maternelle de Marie Doué Gossan, à l’initiative de l’association il y a huit ans. Arrivée de Côte d’Ivoire une quinzaine d’années plus tôt, la fondatrice a expérimenté les difficultés de faire sa place dans un pays dont on ne connaît pas le fonctionnement, la culture, les opportunités d’accompagnement. D’où l’enjeu, pour elle, de transmettre le mode d’emploi, pour que l’intégration soit réussie.
Les compétences indispensables : “le français et l’informatique”
Sise à Chevilly-Larue, l’association propose à la fois de l’accompagnement personnel et collectif, par des conseillers d’insertion socio-professionnel (CIP). Pendant les séances en groupe, les “talents”, ainsi nommés par les membres de l’association, apprennent à rédiger leur CV et lettres de motivation. “Lors des séances individuelles, on entre plus dans le détail : gestion du stress, confiance en soi, définition du projet professionnel si ce n’est pas déjà fait“, détaille Edouard Nkurunziza, chargé de projet chez Metishima. “Avant qu’ils intègrent notre programme d’accompagnement global, nous faisons passer un test de français et d’informatique aux “talents”. En fonction de leur niveau en français, on les redirige vers des organismes de formation plus compétents sur ces questions, ou on les intègre directement dans notre programme d’accompagnement. Pour ceux qui ont un niveau intermédiaire, nous dispensons des cours de français, langue étrangère. Concernant les cours d’informatiques, ils sont inclus dans notre programme d’accompagnement digital uniquement si les “talents” n’ont pas encore les bases“, précise Baptiste Ramond, chargé marketing et communication de l’association. “Le français et l’informatique sont des compétences indispensables pour entrer dans le monde professionnel en France !”
Prévenir les préjugés
L’association sensibilise par ailleurs sur les préjugés qui visent les personnes exilées, essentiellement en milieu scolaire. “L’idée, c’est de déconstruire les préjugés, c’est de montrer que les exilés et les immigrés ne sont pas des terroristes ou que la théorie du “grand remplacement”, par exemple, est totalement fausse et infondée“, défend Edouard Nkurunziza. Selon Baptiste Ramond, cette prévention est nécessaire dès le plus jeune âge pour que les idées reçues ne se propagent pas, “on veut ouvrir l’esprit des élèves et des enseignants, et montrer que tout le monde vient de partout“.
Hors de l’hexagone, l’association s’occupe depuis 2018 de la construction et de la rénovation d’établissements scolaires en Côte d’Ivoire. “Après la guerre civile de 2010, l’accès à l’éducation dans le pays d’origine de la fondatrice de Métishima ne s’est pas amélioré. Le manque d’enseignants et de classes a continué à s’accroître“, explique Edouard Nkurunziza. Pour l’heure, cette initiative a permis d’agrandir une maternelle. L’école, qui ne comptait qu’une classe de 35 enfants, accueille désormais une centaine d’élèves grâce à trois classes supplémentaires.
De réfugié politique à entrepreneur dans la logistique
“On a tous des statuts et des parcours différents, mais je crois qu’on peut tous dire que Metishima nous a apporté quelque chose“, confie Rachel, qui fait partie des six talents qui assistent au cours d’informatique organisé sur le campus Censier, à Paris. Metishima, comme un bon nombre d’associations, s’est installée ici temporairement avant la destruction de l’ancien campus de Paris 3. “Cela fait trois mois et demi que je suis là. Et j’ai déjà appris beaucoup de choses, notamment en informatique. Maintenant, je sais comment utiliser Excel par exemple“, poursuit Rachel. Gouraissi, lui, vient tout juste d’intégrer la structure. “Je suis arrivé de Guinée Conakry en mars 2021, et j’ai pu avoir le statut de réfugié politique. J’ai intégré le programme il y a deux semaines.” Ladine encore, a voyagé du Congo jusqu’en France pour bénéficier de soins. “Une fois soignée, j’ai perdu le statut d’étranger malade. Il fallait que je travaille, mais je n’avais pas les compétences requises. C’est ce que m’apporte Metishima.”
Jean-Ghislain Amougou, un des conseillers de l’association, se souvient des parcours marquants de certains usagers, à l’instar de Merab, ayant fui la Géorgie pour l’Ukraine en 2014, pour raison politique, avant de venir en France en 2018. “Il s’est mis à niveau et a fait deux ans d’étude dans la logistique. Son parcours est remarquable parce qu’il avait déjà l’équivalent d’un bac +5 lorsqu’il est arrivé en France. Malgré cela, il a tenu à refaire ses études pour mieux s’intégrer. Aujourd’hui, il a créé son entreprise de logistique !” Des parcours inspirants dont les exilés laissent une trace dans la rubrique cahier d’exil du site internet de l’association.
700 exilés suivis
Depuis le début de son dispositif d’accompagnement en 2019, Metishima a pris en charge quelque 700 exilés. Rien que sur ces deux dernières années, l’organisme a accueilli près de 500 personnes en situation d’exil. “Un peu plus de la moitié d’entre elles ont trouvé une sortie positive, c’est-à-dire une formation ou un emploi“, affirme le chargé de projet de l’association. “Au total, 75 % des talents qui ont obtenu une sortie positive occupent un emploi et les 25 % restants sont en formation“.
Pour recruter ses “talents”, l’association répond aux appels à projet des départements franciliens ou de la région. Les institutions comme France Travail, anciennement Pôle Emploi, et des associations d’aide à l’entrepreneuriat comme l’Adie redirigent aussi les exilés qui cherchent à s’insérer professionnellement.
“L’association est active dans toute l’Île-de-France, mais Paris, la Seine-Saint-Denis ainsi que le Val-de-Marne sont les plus représentés puisque 62 % des “talents” proviennent de ces départements“, explique Baptiste Ramond. L’association bénéficie en contrepartie de subventions de ces collectivités, mais aussi d’entités comme France Active. En dehors de ses partenaires financiers, elle développe aussi ses actions grâce aux dons de particuliers.
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