Ile-de-France | 06/02
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Ile-de-France : les enseignants s’inquiètent des futurs groupes de niveaux

Ile-de-France : les enseignants s’inquiètent des futurs groupes de niveaux © IR

Au-delà des revendications sur les salaires et le statut des assistants d’élèves handicapés, les enseignants qui ont manifesté début février, et s’apprêtent à refaire grève ce mardi, s’inquiètent particulièrement des groupes de niveaux.

Cette réforme, baptisée “choc des savoirs” par l’ancien ministre de l’Éducation nationale et désormais Premier ministre Gabriel Attal, vise à regrouper les élèves de sixième et de cinquième par groupes de niveaux en français et en mathématiques. Une réforme “terrible, abominable et complètement contraire aux valeurs des enseignants” pour Camille Ferdinand, professeure de français au lycée Albert Camus du Plessis-Trévise et co-secrétaire départementale du syndicat SNES-FSU 94 “Nous ne sommes pas là pour mettre des étiquettes sur la tête des enfants“, poursuit l’enseignante syndicaliste, “il faut réveiller les familles pour qu’elles se rendent compte que l’année prochaine, on créé l’école de la stigmatisation ! Et ça, c’est très grave.

“Quand on a 15 élèves faibles, il n’y a aucune émulation. Certains ont des handicaps et des besoins spécifiques. Les enseignants sautillent d’un élève à l’autre pour essayer de faire cours, mais ce sont des classes très compliquées à gérer”, témoigne pour sa part Sandrine, qui travaille au collège de Beaumont à Villemomble, en Seine-Saint-Denis.

“Dans les groupes de niveaux, il va y avoir le groupe des forts, celui de moyens et celui des “nuls, regrette encore Janelle, enseignante au lycée Galilée de Genneviliers, dans les Hauts-de-Seine. Dès qu’on est dans une ville un peu mixte socialement, ça va être le groupe des familles défavorisées. Cela va amplifier les inégalités qui existent déjà.”

“On est censé former des citoyens et on a l’impression qu’un tri se fait et qu’on forme des gens pour les usines”, souffle Gabriela Cruz, professeure d’espagnol en lycée professionnel, pour qui la mesure contribue à “une perte de sens” du métier.

Crainte de voir des cours en demi-groupe disparaître, en sciences et en langues étrangères

Au-delà du principe, les enseignants s’inquiètent de la logistique, pour coordonner les plannings des classes de sixièmes et de cinquième. Concrètement, les cours par niveau seront organisés en “barrettes”, dispensés le même jour, à la même heure. Pour trois ou quatre groupes de niveaux, il faudra mobiliser le même nombre de professeurs dans une même matière au même moment de la journée. S’il n’y a pas assez de professeurs disponibles, les établissements feront appel à des enseignants extérieurs à l’établissement, engagés à temps partiel, explique Manuela. L’enseignante s’inquiète d’une réduction du nombre d’heures allouées aux autres matières, car la dotation horaire globale (DHG) n’est pas extensible.

💡 La DHG est l’enveloppe d’heures attribuée à un établissement par la direction académique. Les collèges et lycées répartissent ensuite ces heures entre les classes et les professeurs.

Les professeurs craignent ainsi que cours en demi-groupe ne soient sacrifiées au profit de ces nouveaux cours de mathématiques et de français. En particulier, ils pensent aux cours de sciences et de langues. “C’est très difficile d’enseigner l’anglais à une classe de trente”, souligne Camille Ferdinand. “C’est la mort de toutes les petites options et des projets interdisciplinaires. Jusque là, on avait une petite marge d’heures qui nous permettait de faire des choses différentes, des plus petits groupes ou des options. Ce ne sera plus possible avec la mise en place des classes de niveaux”, estime Emilie Benoit, enseignante en Seine-Saint-Denis.

“En Seine-Saint-Denis, il y a déjà beaucoup d’heures de cours non remplacées, ajoute la professeure. On nous dit que des enseignants des écoles pourraient venir au collège, mais je n’y crois pas du tout. Il y en a très peu qui peuvent se le permettre à cause de leur travail et de leur vie de famille.”

“L’uniforme ne changera rien”

Dans la rue ce jeudi 1er février, la généralisation du port de l’uniforme à l’école dès la rentrée 2026, après une expérimentation dans quelques écoles à la rentrée 2024, ne suscite pas l’enthousiasme non plus. “L’uniforme, on l’a déjà avec le niveau de vie… il ne changera rien. C’est une dépense qu’on ferait mieux d’attribuer aux postes de prof“, lâche Camille Ferdinand. “Ce n’est qu’une manière de cacher le vrai problème : les effectifs des classes”, estime Gabriela Cruz.

Salaires

En attendant le détail des nouvelles mesures, les enseignants promettent de continuer leur lutte jusqu’au retrait de la réforme prévue pour la rentrée 2024. “On continue de se battre en interne par les idées, en communiquant avec les parents et en tenant bon auprès de nos élèves“, prévient Myriam Descamps, professeure d’arts plastiques à Antony.

Propos recueillis par Idriss Riquet et Jessica Quaresma Da Costa

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