Justice | Seine-Saint-Denis | 17/12
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La justice de Seine-Saint-Denis cherche des structures pour encadrer les peines de travail d’intérêt général (TIG)

La justice de Seine-Saint-Denis cherche des structures pour encadrer les peines de travail d’intérêt général (TIG)

Romainville a accueilli la première “Fabrique du TIG” en Seine-Saint-Denis. Objectif : réunir magistrats, collectivités et associations pour promouvoir le travail d’intérêt général comme alternative à l’incarcération. Face à un taux de récidive qui dépassent les 60% dans le cas de sorties sèches après la prison, tout l’enjeu est de favoriser la création de postes pour inciter les juges à prononcer des peines de TIG.

“Il n’y a pas assez de peines de travail d’intérêt général (TIG) prononcées. Il faut que cela devienne une peine de référence. Tous les délits ne peuvent pas être traités par des TIG, mais quand ils correspondent à des petites peines fermes et que la personne condamnée est d’accord, c’est une alternative plus adéquate que l’incarcération. C’est un levier d’insertion quand on sait que les taux de réussite du TIG sont de 85%“, résume Nacéra Bensaïd référente territorial en Seine-Saint-Denis de l’ATIGIP, l’Agence territoriale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle.

Il n’y a pas assez de postes de TIG pour tout le territoire

Nacéra Bensaïd organisait ce jeudi matin, au siège de l’intercommunalité Est Ensemble, à Romainville, la première “Fabrique du TIG” en Seine-Saint-Denis. “L’idée est de réunir nos partenaires qui mettent à dispositions des postes de TIG et d’en rencontrer d’autres. Il n’y a pas assez de postes pour tout le territoire. Pour quelqu’un qui est condamné, le fait d’être obligé d’aller à l’autre bout du département peut handicaper l’application de la peine. Nous cherchons aussi à diversifier les postes pour multiplier les chances d’insertion“, souligne-t-elle.

La Seine-Saint-Denis compte, en effet, 325 postes de TIG, dont 238 destinés aux condamnés majeurs relevant du Service de probation et d’insertion professionnelle (Spip) et 87 pour les mineurs dépendants de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Un chiffre qui n’est pas à la hauteur, alors que la juridiction de l’application des peines a confié 5 150 personnes au Spip 93 en 2024. Les mesures de TIG représentent 513 dossiers. À l’échelle nationale, seules 3,5% des peines prononcées sont des peines de TIG, selon les données nationales du ministère de la justice.

Le pari est de proposer au délinquant de se réparer en réparant les dégâts causés par l’infraction commise

Pourtant, comme le rappelle Hervé Monnet, directeur du SPIP 93, la peine de TIG a été instituée par une loi de 1983, inspirée du modèle anglo-saxon. Celle-ci s’adresse “en priorité aux primo-délinquants, de façon à travailler autrement la prévention de la récidive. Le pari est de proposer au délinquant de se réparer en réparant indirectement et parfois directement les dégâts causés par l’infraction commise“, décrit-il. L’Agetip sera, quant elle, créée en 2018 dans un contexte de surpopulation carcérale, avec le constat que les aménagements de peine limitent la récidive, en comparaison avec les sorties sèches après la prison qui conduisent à un taux de récidive de 60%.

Dans la pratique, le TIG est une peine qui peut être prononcée à titre principal, mais aussi dans le cadre d’un sursis probatoire ou en aménagement de peine. En termes de durée de travail, la peine peut aller de 20 hà 400 heures depuis 2019, (au lieu de 200 heures auparavant). Une extension “pour insister sur le fait que le TIG n’est pas destinée qu’aux petites infractions de vol à l’étalage, mais peut aussi être possible pour des infractions plus importantes. De façon à éviter l’incarcération quand on peut mettre le pied à l’étrier à une personne“, précise Muriel Eglin, juge des enfants au tribunal judiciaire de Bobigny, venue témoigner de son expérience devant un parterre d’élus et de représentants d’associations. Dans les faits, ce sont en moyenne 100 heures de TIG qui sont prononcées. “Au-delà de 40 heures, c’est compliqué. Dans le cadre d’un TIG, cela représente une durée de deux semaines, voire plus si c’est fractionné. Si c’est trop long et trop lourd, on finit par perdre le sens du travail et par mettre les condamnés en situation de risque de ne pas arriver au bout et d’avoir une révocation à la clé. On veut que cela fonctionne. Quand on prononce une peine de TIG, on est très attentif à ne pas envoyer les personnes à l’échec“, souligne toutefois Muriel Eglin. À noter qu’une majorité de jeunes condamnés sont majeurs au moment du prononcé de la condamnation ou de l’exécution, le tribunal pour enfants délivrant des TIG pour les personnes qui était mineures au moment des faits.

Grâce au TIG on peut être dans une spirale positive

Le manque de postes entrave néanmoins le développement du TIG. “Il faut aussi prêcher la bonne parole auprès des magistrats. Certains se disent qu’il n’y a pas assez de postes de TIG et hésitent à prononcer une peine TIG par crainte qu’elle ne soit pas exécutée. Nous avons des postes. C’est tout une boucle qu’il faut casser“, souligne Nacéra Bensaïd.

Une position que défend Muriel Eglin. “L’incarcération a une valeur rétributive quand quelqu’un a commis une infraction. La société attend qu’il paye pour l’infraction commise. Le TIG permet de transformer cette notion-là, notamment dans un contexte territorial où la maison d’arrêt de Villepinte est actuellement pleine à plus de 200%“, explique-t-elle. Alors que les capacités de réinsertion de la prison sont déjà relativement limitées, “le TIG permet de prendre la question de la condamnation sous un autre angle, et de permettre à un condamné de payer sa dette à la société en produisant quelque chose pour ses concitoyens. Grâce au TIG, on peut être dans une spirale positive d’insertion“, développe-t-elle.

Pour Muriel Eglin, cette sanction vise aussi à reconnecter les condamnés dans leur citoyenneté. “Les jeunes qui sont condamnés par le tribunal pour enfants ont souvent un rapport aux institutions qui est compliqué. C’est eux que l’on voit commettre des dégradations, et qui n’ont même pas l’idée de ce que peut être un projet associatif ou les missions d’une collectivité territoriale. Le TIG est aussi l’occasion de se sentir citoyen. C’est certes une peine, mais le TIG fait partie aussi de la dimension éducative de la justice des mineurs“, considère la juge. “Il faut venir sur le terrain pour se rendre compte du désœuvrement de certains jeunes, qui sont TIG ou pas laissés complètement seuls à l’abandon”, observe, pour sa part, Lynda Mechat de l’association BNR à Bobigny qui est justement active dans l’insertion professionnelle et sociale, et qui s’intéresse à obtenir un agrément pour accompagner des peines de TIG. Reste qu’il existe une grande différence entre la justice des mineurs et celles des majeurs en termes d’accompagnement. Un éducateur de la PJJ accompagne environ 25 jeunes quand les conseillers d’insertion pénitentiaire suivent 85-90 personnes en milieu ouvert.

Est Ensemble veut accueillir plus de “tigistes”

À l’occasion de cette première “Fabrique du TIG” en Seine-Saint-Denis, Est Ensemble a annoncé vouloir augmenter ses postes de “tigistes” dès 2025. 132 sont actuellement à exécuter par le Spip sur le territoire d’Est Ensemble où sept communes accueillent des “tigistes” avec une offre de 30 postes. “Nous avons décidé d’élargir le dispositif. Nous avons déjà identifié des équipements publics du territoire qui pourront accueillir de nouveaux postes de TIG“, fait savoir Richard Galera, vice-président chargé de la jeunesse et de l’enseignement supérieur. Les postes concernent le secteur de l’eau et de l’assainissement, celui des déchets, les loisirs (projectionniste, agent d’accueil au cinéma, au conservatoire ou dans les médiathèques).

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