Loisirs | Val-de-Marne | 31/05
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La Marne sportive, de l’école de Joinville aux Jeux olympiques de 2024

La Marne sportive, de l’école de Joinville aux Jeux olympiques de 2024 © James Rassiat

La baignade dans la Marne, à proximité de Paris, on rêve de nouveau pour 2025. En attendant, la rivière reste sportive, qui abrite de nombreux clubs d’aviron et de kayak. Des pratiques qui ont animé le cours d’eau dès la fin du 19e siècle, avec l’éclosion des guinguettes. Petite histoire de la Marne sportive, aux portes de Paris.

“Les premiers à utiliser la Marne à des fins sportives sont les membres l’École normale de gymnastique de Joinville-le-Pont”, cadre Vincent Villette, directeur du musée intercommunal de Nogent-sur-Marne. Cette école, qui a d’abord une vocation militaire, ouvre en 1852 à la redoute de la Faisanderie du Bois de Vincennes (qui n’existe plus). Son objectif : former des professeurs de gymnastique selon les préceptes du colonel Amoroso, pour entraîner les militaires afin de les préparer physiquement à endurer la guerre. Cette école, qui s’est ensuite diversifiée, est l’ancêtre de l’actuel Insep, école qui forme les sportifs de haut niveau, dans un autre site du bois de Vincennes. Dès 1856, l’école obtient la jouissance d’un ponton sur la Marne, afin d’apprendre à plonger et à nager. “Dans l’esprit du colonel Amoroso, la natation était capitale pour le corps.”

(L’image de couverture représente la Baignade l’Asacienne-Lorraine de Paris, au Perreux-sur-Marne, peinte par l’artiste James Rassiat, œuvre conservée au Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne.)


Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série d’articles sur la Marne, réalisés avec le soutien de Val-de-Marne Tourisme et Loisirs, qui propose des croisières thématiques sur la Marne durant toute la belle saison. Voir le programme complet
Profitez également des randonnées culturelles lors de La Grande Aventure les 8 et 9 juin

Lire aussi : La biodiversité retrouvée des bords de la Marne : un joyau de nature à savoir observer

Carte postale issue de la Collection de Jean-François Loth, acquise par le musée intercommunal de Nogent-sur-Marne

Pour en savoir plus sur l’Ecole nationale du sport de Joinville, ancêtre de l’Insep, voir l’exposition qui lui est intégralement consacrée au Musée intercommunal de Nogent, et regorge de photos et documents spectaculaires.
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C’est aussi à cette époque, au milieu du 19e siècle, que se développent les loisirs en bords de Marne, stimulés par l’arrivée du train, notamment l’ouverture de la ligne de la Bastille en 1859, et l’annexion par Paris de sa banlieue proche (quartiers de la Bastille, de Bercy…), déplaçant d’autant la frontière à partir de laquelle le vin n’est plus taxé, et donc une partie des cabarets. En rejoignant les bords de Marne, on trouve la nature et les guinguettes.

Baignade de Louis Bergee, Musée intercommunal de Nogent-sur-Marne

À la fin du 19e siècle, les baignades se développent, sauvages ou aménagées. De Maisons-Alfort à Champigny-sur-Marne et au-delà, les lieux de villégiature se succèdent, des plages à la bonne franquette aux plus huppées, comme chez Convert à Nogent où encore au terminus ou au banc de sable à Joinville. Plages de sable, cabines de plage… pas besoin d’aller à Deauville.

On nage, on plonge, on fait la course ou bien l’on barbote, lorsqu’on ne sait pas nager. En tout cas, il y a foule, comme en témoigne le film de Marcel Carné, Nogent, l’eldorado du dimanche, qui a immortalisé ces instants.

Jusqu’en 1970, la rivière continue d’attirer du monde l’été, même si les baignades ferment progressivement, comme les guinguettes. “Les piscines municipales en dur prennent le relais”, indique Vincent Villette. Le coup d’arrêt définitif intervient en 1970, avec l’interdiction de se baigner dans la Marne, devenue trop polluée.

Le retour de la baignade en 2025

Cinquante ans plus tard, la Marne s’apprête à retrouver ses baignades, promises pour l’été 2025, si la pollution reste maitrisée. Dans un premier temps, au moins, ce ne seront plus des dizaines de plages et l’on ne pourra pas se baigner n’importe où, mais sept sites ont d’ores et déjà été identifiés en bord de Marne, dans le département.

  • Le Perreux-sur-Marne : Plage Montaigne
    Ancienne baignade, au niveau de la passerelle de Bry et du Centre des Bords de Marne à l’amont.
  • Nogent-sur-Marne : Promenade Yvette Horner – Île de Beauté
    Un caisson de baignade est prévu au niveau du petit terrain de sport. Des gradins de bois ont déjà été installés.
  • Joinville-le-Pont : Plage du banc de sable
    Ancienne plage
  • Champigny-sur-Marne : Rue de la plage
    Ancienne plage, qui dispose encore de ses installations, et qui accueille actuellement un club nautique et Champigny Plage
  • Saint-Maur-des-Fossés : Plage du Beach
    Le beach club accueille déjà le big jump tous les ans en juillet.
  • Maisons-Alfort
    Ancienne baignade
  • Saint-Maurice
    Ancienne baignade

En bateau sur la Marne

Les sports nautiques à la rame apparaissent à peu près à la même époque que la natation, au mi-temps du 19e siècle. Le canotage suit les guinguettes, de Paris aux bords de Marne. “Très vite, deux pratiques se côtoient, les sportifs qui pratiquent la compétition et les rameurs du dimanche, qui louent une barque pour faire “le tour de Marne”. On fait aussi appel au passeur de rives pour franchir la rivière”, relate Ivan Denat, guide conférencier, passionné par la Marne et son histoire. Deux mondes qui ne s’apprécient pas forcément. “Les sportifs des sociétés nautiques regardent avec un certain mépris les Parisiens du dimanche qui viennent canoter. Ils se distinguent par leur costume rayé et empruntent au vocabulaire anglais, qualifiant par exemple leur garage à bateaux de boat house”, illustre Vincent Villette. De leur côté, les canotiers du dimanche n’hésitent pas à railler les sportifs qui se prennent au sérieux. Mais tout se monde coexiste sur la Marne. “Des régates sont organisées, mais aussi des compétitions de décoration de bateaux”, souligne Ivan Denat.

Les bords de Marne vus par Lucien Genin, en 1930. Collection du musée intercommunal de Nogent-sur-Marne

Premières sociétés nautiques

Dès la fin de la guerre de 1870, des premières sociétés nautiques parisiennes s’installent. Ainsi nait la Société nautique de la Marne, en 1876, qui disposera bientôt de son boat house sur l’ile Fanac. Fusionnée ensuite avec le Club Nautique de Paris (qui a lui-même intégré la Société Nautique En Douce), elle a donné lieu à l’actuel Aviron Marne et Joinville. Le club, qui fêtera bientôt ses 150 ans, entraîne 1600 pratiquants, en compétition comme en loisirs. La Société d’Encouragement du Sport Nautique (l’Encou) voit pour sa part le jour en 1879. Le club est à l’époque celui où pratique le baron Pierre de Coubertin, l’historien et pédagogue qui a fondé le Comité international olympique en 1894. Aujourd’hui, l’Encou est toujours debout, sur l’île aux loups, tenant son rang parmi les fabriques de champions olympiques.

Une régate à Joinville. Le Départ (1881, collection particulière) de Ferdinand Gueldry (1858-1945), qui était à la fois peintre et sportif lui-même, cofondateur de la Société nautique de la Marne et arbitre international d’aviron.

À la découverte des rivières

Le canoë-kayak arrive un peu après l’aviron. Le Canoë club de France naît ainsi en 1904, sous la houlette d’Albert Glandaz, qui a l’a créé comme une section nautique du Touring Club de France. “Au départ, les membres sont plutôt des Parisiens adultes, hommes, bourgeois”, indique Jean-Pierre Frère, son président actuel. La compétition ne fait pas alors partie de l’objet du club. Ses membres naviguent plutôt pour explorer. “L’heure est à la découverte des rivières de France. Beaucoup de guides pratiques et d’ouvrages sur les rivières sont édités à cette époque, pour prévenir, par exemple, s’il y a un moulin… une glissière pour permettre au poisson de remonter… L’objectif est de permettre aux pionniers de découvrir les rivières, pas de faire de la compétition“, poursuit le président du club. “La compétition commence aux Jeux olympiques de 1936 à Berlin, avec le kayak de ligne.” Le Canoë Kayak Club de France (CKCF), lui, se met à la compétition dans les années 1950. “Nous avons fait de notre spécialité la descente jusqu’en 1988, avant de passer au slalom.”

Le monotype Nogent-Joinville met les voiles

La voile connaît aussi quelques adeptes. “Mais la rivière s’y prête mal, car elle n’est pas assez large. Il y en eut donc peu, en dehors du monotype Nogent Joinville, explique Vincent Villette. Il y a même un club de renom, la Société de la voile de Nogent Joinville (puis Cercle de Nogent-Joinville), pour le pratiquer.

Le monotype Nogent-Joinville, sur la Marne. Collection Louis Pillon

Les femmes, puis les enfants

Ces sports nautiques sont d’abord masculins. “Les clubs commencent à se féminiser après la guerre de 14-18”, indique Ivan Denat. C’est après la Seconde Guerre mondiale que les enfants rejoignent les clubs. Au Canoë-Kayak Club de France, est créée une école de pagaie dès huit ans. Ces dernières années, les adultes affluent aussi en pratique amateur. “Les gens se tournent de nouveau vers la rivière. Cela fait vingt ans que je fais le Forum des associations et ce n’était pas le cas au début. La pratique s’est aussi fortement féminisée. Il y a quinze ans, nous avions quatre-cinq femmes pour une trentaine d’hommes. Aujourd’hui, on est 80, dont 40% de femmes, et elles sont majoritaires lorsque l’on organise des sorties”, témoigne Jean-Pierre Frère.

Si la pratique amateur sportive se développe, le canotage du dimanche a aussi commencé à retrouver des couleurs, avec des petits bateaux à louer aux beaux jours, avec ou sans moteur, ou sous une autre forme, de nouvelle génération, comme le beach paddle. De nouvelles pratiques promises à un bel avenir avec le retour de la baignade.

Lire aussi : A Champigny-sur-Marne, retour de la plage et avant-goût de la vraie baignade

La Marne, destination olympique de Paris 2024

Les clubs sportifs, eux, n’ont pas périclité, bien au contraire, fournissant chaque saison leur lot de champions, régulièrement médaillés aux Jeux olympiques. “Aujourd’hui, la zone de la boucle de la Marne est encore celle qui concentre le plus de clubs nautiques de toute la France”, indique Ivan Denat, rappelant que la Fédération française d’aviron a toujours son siège à Nogent, en place de l’ancienne Maison Convert. Quand au club Aviron Marne et Joinville, il sert de centre d’entraînement olympique à l’équipe de France féminine. Les épreuves d’aviron et de canoé-kayak de Paris 2024 se tiendront du reste sur la rivière, à la base nautique de Vaires-sur-Marne.

Pour en savoir plus, participez à la croisière La naissance du sport sur les bords de Marne, le dimanche 30 juin à 16 heures.

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