Environnement | Ile-de-France | 22/02
Réagir Par

Le défi vert de l’aéroport d’Orly : moins de voitures mais quid des avions ? et du bruit ?

Le défi vert de l’aéroport d’Orly : moins de voitures mais quid des avions ? et du bruit ? © Fb

Le groupe ADP a présenté ce mercredi 21 février son projet pour l’aéroport d’Orly à l’horizon 2035. L’ambition ? Décarboner l’activité – au sol. Le groupe table aussi sur une croissance de 16% des passagers. Des annonces qui arrivent en plein bras de fer entre les professionnels de l’aérien et les territoires locaux à propos du nombre quotidien de décollages-atterrissages et des horaires de couvre-feu pour réduire le nombre de décibels la nuit.

À l’heure de l’indispensable transition énergétique, le secteur de l’aérien doit se repenser à grande vitesse pour se verdir tout en maintenant son modèle économique. Pour sa part, le groupe Aéroports de Paris, détenu essentiellement par l’État, a sa feuille de route : “2025 Pionneers”. Celle-ci prévoit notamment une diminution moyenne de 10% des émissions de CO2 lors du roulage des avions (à Orly et Roissy), le développement des transports en commun et des modes doux pour accéder aux aéroports et encore des constructions aéroportuaires bas-carbone.

Dans ce contexte, ADP a dévoilé ce mercredi les grandes lignes de sa stratégie pour l’aéroport d’Orly, dont la particularité est d’être situé à proximité immédiate du tissu urbain, à seulement 15 km du centre de Paris.

“Futur durable”, “décarbonation”, réduction des impacts”, “transition environnementale”, “sobriété”... le vocabulaire est clair : il s’agit de verdir.

Zéro émission nette de gaz à effets de serre – au sol –

Concrètement, l’objectif à Orly est d’atteindre le zéro émission nette – au sol – dès 2030. À défaut de maîtriser les émissions de ses clients dans le ciel, l’opérateur entend donc faire le maximum à terre, en partenariat avec les entreprises qui travaillent à l’aéroport. Une “alliance environnementale” qui regroupe 40 partenaires agit donc en ce sens, avec 5 objectifs chiffrés. Voir ci-dessous.

5 engagements pour réduire l’empreinte environnementale au sol

  • 0 émission de CO2 nette au sol à l’horizon 2030
  • 30% de surfaces dédiées à la biodiversité
  • -6 décibels en bords de nuit (22h – 23h30)
  • -40% sur les consommations d’électricité, de chaud et de froid en 2030 dans les aérogares
  • 80% de déchets non dangereux valorisés en 2030.

Pour réduire la voiture : le métro et des navettes

“Une première révolution aura lieu dès le mois de juin avec l’arrivée de la ligne 14 du métro au cœur de l’aéroport, préfigurant la transformation totale des accès”, anticipe Augustin de Romanet, président du groupe, dans un communiqué. Actuellement, en effet, “près de 70% des passagers et 90% des salariés viennent en véhicule individuel faute de transports collectifs alternatifs”, chiffre ADP, précisant que “plus de 40% des émissions au sol de CO2 de l’aéroport sont aujourd’hui liées aux accès routiers.”

La ligne 14 du métro, dont la gare aéroportuaire devrait accueillir 95 000 voyageurs chaque jour, L’aéroport sera ensuite desservi par la ligne 18 (boucle vers Massy TGV en 2027 puis Saclay et Versailles en 2030). Le tramway T7, qui dessert déjà Orly depuis Villejuif, se prolongera par ailleurs jusqu’à Juvisy en 2029. “Nous projetons de doubler la part de passagers accédant à l’aéroport par les transports collectifs et de quadrupler celle des salariés”, indique ADP.

Au-delà de ces transports collectifs, ADP compte développer son propre système de navettes “pour desservir les terminaux et faciliter l’accès aux différentes zones d’activité.” En parallèle, seront créés quatre parkings à 1 km de l’aéroport, reliés par navette. Les déposes-minutes s’effectueront alors depuis ces parkings distants. L’accès direct en voiture au terminal sera en revanche réservé aux publics prioritaires (personnes handicapées, stationnement de longue durée) et conditionné au “critère de verdissement du véhicule”. Concernant l’accès au dernier mètre des taxis et VTC, “des travaux vont s’ouvrir avec les représentants des professions pour définir les règles de circulation”, indique ADP.

Biodiversité

Concernant la biodiversité, elle est encouragée depuis déjà plusieurs années sur les terrains qui entourent les pistes. Sur le sujet, ADP annonce la plantation de 900 arbres supplémentaires et de 17 000 m2 de haie champêtre.

Lire : Comment l’aéroport d’Orly évite les collisions d’avions avec les oiseaux
Et : De la biodiversité des friches qui longent les pistes d’aéroport : l’exemple d’Orly

Développement du réseau de chaleur

D’ores et déjà, l’aéroport s’appuie sur un réseau de chaleur alimenté par un puits de géothermie (30% de la chaleur de l’aéroport) ou encore récupération de la chaleur issue de l’incinérateur de déchets Rungis (35% de la chaleur de l’aéroport). En complément de ces installations, ADP prévoit demettre en service un second puits de géothermie et de construire une usine de méthanisation à partir des biodéchets de l’aéroport, du marché de Rungis, et de 10 communes riveraines pour alimenter un réseau de chaleur partagé avec ces dernières.

Cap sur l’hydrogène

En termes d’énergie, l’enjeu majeur, car il ne concerne cette pas que le sol, mais bien la pollution aérienne des avions, qui reste très majoritaire, concerne le virage vers l’hydrogène, qui devrait faire partie du mix énergétique futur pour décarboner l’aviation. Ce qui implique d’en organiser la logistique. Dans ce contexte, ADP prévoit de réserver 20 hectares pour “le déploiement de l’hydrogène”.

+16% de passagers en 2035, par rapport à 2023

Si le groupe indique en préambule que son projet Paris-Orly 2035 “n’est pas un projet de développement conçu pour accueillir davantage de trafic”, il table néanmoins sur “une augmentation modérée du nombre de passagers accueillis, de l’ordre de +16% en 2035 par rapport à 2023.” Ceci “sans mouvements supplémentaires” (atterrissages et décollages), par rapport à 2018, date à laquelle ce nombre s’établissait à 229 000. Ceci grâce à des avions plus grands mais aussi mieux remplis, indique l’aéroport. “Le nombre moyen de passagers par aéronef a déjà beaucoup progressé ces dernières années, il était de 158 en 2023, contre 116 en 2020”, compare ADP.

Mouvements et créneaux : une interprétation différente de l’arrêté officiel

Concernant le nombre de mouvements (atterrissages ou décollages), le sujet fait débat depuis des années entre les élus de villes riveraines et l’aéroport, chacun interprétant à sa façon l’arrêté de 1994 destiné à réglementer le volume d’activité. L’article 1 de cet arrêté fixe, en effet, à 250 000 le nombre maximum de créneaux horaires par an, tout en indiquant dans ces considérants “qu’il convient, pour protéger les riverains contre les nuisances sonores, de fixer le trafic de l’aéroport d’Orly à environ 200 000 mouvements par an.” Voir l’arrêté de 1994

“À l’époque, pour limiter le trafic d’Orly à 200 000 mouvements, il fallait prévoir 250 000 créneaux, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Actuellement, Heathrow arrive, par exemple, à quasiment autant de mouvements que de créneaux”, défend Didier Gonzales, maire LR de Villeneuve-le-Roi et fervent défenseur d’une limitation du trafic aéroportuaire au côté des associations de riverains.

ADP, de son côté, s’appuie sur l’article 1 du règlement et non ses considérants.

Le nombre de 250 000 créneaux a depuis été gravé dans le marbre de la loi, en 2019.
Lire : Une loi pour limiter le trafic à l’aéroport d’Orly

Concernant l’amélioration du service aux passagers, ADP se fixe comme priorité d’assurer un taux d’avions au contact (accessible par passerelle et non par navette) de 90% pour tous les types de vol. Ce taux, de 88% au global, est actuellement de 56% pour les vols internationaux. Cela passera notamment par la création d’une nouvelle salle d’embarquement connectée à Orly 2, “permettant de transformer 6 postes avions à embarquement par bus en 6 postes avions à embarquement par passerelle au contact.”

Enjeu foncier

Alors que l’aéroport dispose de 80 hectares de réserves foncières (auxquelles s’ajoutent quelques bâtiments à convertir) désormais desservies par le métro, le gros enjeu d’ADP à Orly est aussi de valoriser cette surface. Une opportunité d’aménagement qui sera réfléchie avec les territoires voisins, pour développer l’emploi et le “dynamisme économique”, promet ADP.

Le sujet qui fâche : la grosse pollution sonore

Dans ce nouveau chapitre vert qui s’ouvre à l’aéroport d’Orly, reste “le” sujet qui fâche le plus les populations avoisinantes : le bruit des avions qui décollent et atterrissent. Une plaie pour les riverains qui entendent ces vrombissements à quelques minutes d’intervalle de 6h à 23h30 chaque jour. Le maigre couvre-feu, de 23h30 à 6h, n’offre ainsi que 6h30 de répit, au grand dam des habitants qui rêveraient de quelques heures supplémentaires dans le calme.

Alors que les conséquences de la pollution sonore sur la santé publique sont documentées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et que le bruit des avions d’Orly dépasse le seuil recommandé dans le secteur avoisinant, l’État a lancé une Étude d’impact selon l’approche équilibrée (EIAE) pour réduire le bruit de 6 décibels la nuit autour de l’aéroport.

Cette étude, menée par CGX Aero, spécialiste des traitements de données aéronautiques, a abouti à trois scénarios dont deux modifieraient les horaires de couvre-feu.

Encourager financièrement les avions moins bruyants

Le scénario A consisterait essentiellement à encourager les avions les plus silencieux et à interdire les modèles les plus bruyants le soir. “Autant dire de la flûte”, fustige Luc Offenstein, président de l’association OYE 349, ANA et vice-président du Drapo. Une hypothèse qui aurait en revanche la préférence des professionnels de l’aérien. Sur la question du bruit, ADP rapelle du reste ses actions pour encourager les avions moins bruyants, comme l’incitation au renouvellement des flottes “via une modulation des redevances aéroportuaires en fonction des performances acoustiques des avions”. ADP explique aussi avoir lancé un groupe de travail sur les sorties retardées de trains d’atterrissages.

Vers un allongement du couvre-feu

Le scénario B ferait commencer le couvre-feu décollage dès 23 heures, mais sans modifier les atterrissages. Le scénario C irait plus loin en fixant le couvre-feu à 23 heures, pour les atterrissages comme les décollages. Dans cette hypothèse, qui a la faveur des associations de défense des riverains et des élus locaux, 6 600 vols seraient alors décalés en journée. La “moins mauvaise des hypothèses”, pour Didier Gonzales, qui plaide pour ce couvre-feu total à partir de 23 heures tout en réclamant le respect de l’esprit de l’arrêté de 1994, qui tablait sur 200 000 mouvements. L’élu regrette, en effet, que le cabinet CGX ait choisi de partir de l’hypothèse des 230 000 mouvements de 2018 et non de l’objectif de 200 000 mouvements. Un regret partagé par Luc Offenstein, dont les associations réclament de manière constante 1 heure de couvre-feu en plus et le respect des 200 000 mouvements. “Sans compter que des avions sont régulièrement en retard et arrivent hors couvre-feu”, ajoute le président d’OYE 349.

Après plusieurs réunions entre les différentes parties prenantes, la balle est désormais dans le camp de l’État à qui il reviendra de trancher. De leur côté, élus et associations ont cosigné un courrier à la préfète, demandant d’allonger le couvre-feu d’une heure et de respecter les 200 000 mouvements.

Voir le courrier

Les élus ont aussi prévu d’organiser une votation du 11 au 17 mars, avant la Journée nationale du sommeil (17 mars). “Cela fait 23 ans que l’on nous promet de diminuer le bruit mais il ne fait qu’augmenter, motive Luc Offenstein. Dans mon jardin, à Sucy-en-Brie, ma station de mesure du bruit fait état en moyenne de 75 décibels lorsque les avions passent, et monte jusqu’à 90. Je peux vous dire qu’on ne peut pas s’installer pour déjeuner dehors ! “

Didier Gonzales rappelle de son côté le coût social du bruit. “On oppose toujours l’argument économique pour maintenir le statuquo à l’aéroport d’Orly, sans jamais tenir compte du coût social. Or, sur la base des cartes de Bruitparif, ce coût social est estimé à 1,9 milliard d’euros !”

Concernant le plan Paris Orly 2035, ADP prévoit d’en partager les orientations lors d’ateliers avec la population, de février à mai, avec un site dédié à l’appui. Une première réunion publique se tiendra le lundi 26 février à 19 heures à la mairie d’Orly. “Nous concevons l’avenir à travers une vision territoriale, en nous projetant avec nos partenaires et notre riveraineté”, insiste Justine Coutard, directrice de l’aéroport Paris-Orly.

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
2 commentaires

N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

Ajouter une photo
Ajouter une photo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous chargez l'article suivant