Imaginons qu’un enseignant d’un collège de Seine-Saint-Denis et qu’un autre d’un collège parisien veuillent emmener leurs élèves voir une exposition. Seront-ils informés de la même manière ? Leur origine géographique aura-t-elle une influence dans la réponse qui leur sera apportée ? C’est la question que s’est posée l’Observatoire départemental contre les discriminations et pour l’égalité du 93. L’observatoire a également testé les réponses d’hébergement touristique. Dans les deux cas, les résultats sont édifiants.
Concernant l’accueil des collégiens, le protocole était simple : une professeure fictive d’une classe de 4ème envoie une demande d’information. La campagne de testing a été menée en décembre 2023 auprès de 300 établissements culturels franciliens.
Des réponses plus bienveillantes pour les classes parisiennes
Résultat : selon la localisation, le contenu et la qualité de la réponse diffèrent. 11% des réponses adressées au collège de Seine-Saint-Denis sont de moins bonne qualité que celles envoyées au collège de Paris. Dans un exemple donné pour une demande concernant la même exposition, l’institution testée propose un créneau de visite guidée à la classe parisienne. En revanche, elle fait savoir à la professeure séquano-dyonisienne que l’exposition n’est “pas adaptée” pour des élèves de 4ème et, même, qu’aucune visite guidée n’est possible, en argumentant que la thématique de l’exposition “ne figure pas au programme scolaire” de ce niveau.
Autre cas de figure, la professeure parisienne reçoit des réponses détaillées à ses demandes d’information et, de manière générale, plus bienveillantes que sa consœur (fictive) de Seine-Saint-Denis qui est invitée à consulter le site internet de l’établissement. Pour l’Observatoire départemental contre les discriminations et pour l’égalité, “ces résultats mettenten évidence des inégalités d’accès aux offres culturelles en Île-de-France, limitant l’accès des élèves de Seine-Saint-Denis à une information de qualité égale et à des opportunités culturelles comparables.” Au-delà, ils mettent en évidence la nécessité “d’encourager des pratiques d’accueil plus inclusives et équitables“.
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Pour réserver ses vacances, mieux vaut ne pas avoir un nom d’origine africaine
Les enquêteurs se sont par ailleurs attaqués aux réservations d’hébergements touristiques. Entre mai et juin 2024, ils ont émis 1 404 demandes auprès de campings, hôtels et chambres d’hôtes, pour réserver deux chambres à la mi-août, période de forte affluence. Trois régions étaient couvertes : la Bretagne, les Pays de la Loire et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).
À l’analyse, être domicilié en Seine-Saint-Denis “n’a pas d’impact négatif sur les chances de voir aboutir une demande de réservation (constat constant dans les trois régions et pour chaque type d’hébergement, quel que soit leur niveau de gamme).” En revanche, la consonance présumée du nom du client met en évidence une différence de traitement. Les chances de recevoir une réponse positive baissent ainsi de plus de 20% lorsque le profil du client a un nom qui suggère une origine d’Afrique de l’Ouest, par rapport à celui dont le nom est perçu comme d’origine française (et ce, qu’il habite en Seine-Saint-Denis ou pas). “L’effet discriminatoire apparaît d’autant plus fort que l’hébergement est de gamme élevée“, souligne l’Observatoire départemental contre les discriminations et pour l’égalité qui s’est appuyé, pour cette nouvelle campagne de testing, sur des chercheurs spécialisés dont Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’Université Gustave Eiffel et expert de l’évaluation des politiques publiques, Denis Anne, professeur en sciences sociales et Sylvain Chareyron, maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC).
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