Environ 240 des photographies en noir et blanc de Tina Modotti (sur environ 400 recensées), sont exposées du 13 février au 12 mai 2024 au musée du Jeu de Paume, à Paris. Elles retracent en cinq parties la vie de cette artiste, actrice, photographe et révolutionnaire, née à Udine, en Italie, en 1896 et décédée à Mexico en 1942.
Tina Modotti fut mannequin et comédienne de théâtre et de cinéma sur la côte ouest des États-Unis, où elle a immigré en 1913, avant de devenir la compagne du photographe Edward Weston. De son passé ouvrier, elle a sans doute mûri son regard singulier de femme des années 1920 sur les plus démunis au Mexique, apportant une contribution majeure à la photographie.
“Elle pose pour lui à partir de 1920, avant de le convaincre de se rendre au Mexique post-révolutionnaire et d’y rester un certain temps”, explique la commissaire de l’exposition, Isabel Tejeda Martin. “Il lui offrira son premier appareil photo en échange de son travail dans leur studio-photo et à la maison”, avant de repartir seul aux Etats-Unis fin 1926.
Intitulée “L’Oeil de la Révolution”, avec une affiche reproduisant sa célèbre “Femme au Drapeau” (1927) au regard rivé sur l’horizon, l’exposition “s’applique en partie à montrer leurs photographies côte à côte, révélant la grande modernité de Modotti”, qu’il s’agisse de natures mortes, d’architecture ou de portraits, souligne la commissaire.
Durant ses années au Mexique, poursuit-elle, l’artiste “vit ce qu’on a appelé la “Renaissance” artistique et culturelle du pays et en devient une figure incontournable qui va transformer la photographie”.
“Elle va apporter un regard plein d’empathie, qui va changer la photographie en dénonçant d’une manière très personnelle les injustices sociales”, à travers des scènes de rue, des manifestations, dont la première du 1er mai dans le pays, et la vie des paysans sans terre, retrace Isabel Tejeda Martin.
Tina Modotti documente aussi le travail des muralistes, comme Diego Rivera et José Clemente Orozco.
Affirmant de plus en plus son engagement politique, elle est publiée de son vivant dans nombre de parutions communistes aux États-Unis, en Europe, surtout en Allemagne et en Union Soviétique.
Après son adhésion au parti communiste en 1927, elle intègre le Secours rouge international (équivalent communiste de la Croix-Rouge) et collabore au journal “El Machete”, qui s’adresse aux populations paysannes, qui le lisent placardé sur les murs faute de pouvoir l’acheter.
Après avoir utilisé parfois le photomontage, elle déclare dans un manifeste “ne pas chercher à produire de l’art mais des photographies honnêtes, sans avoir recours à des truquages ou à des artifices”.
Son style, qui influencera ses homologues mexicains de Manuel Alvarez à Graciela Iturbide, évolue vers “l’allégorie, comme lorsqu’elle tend à montrer l’unité du monde paysan avec des gens en chapeaux pris du dessus, comme une mer, et le symbolisme, avec des photographies d’épis de maïs, de cartouchières et de guitares, aux côtés de la faucille et du marteau”, détaille la commissaire.
En 1930, Tina Modotti est expulsée du Mexique, après avoir été accusée à tort d’avoir participé à un attentat contre le président Pascual Ortiz Rubio, mais y reviendra pour mourir en 1942.
Elle séjournera brièvement à Berlin puis en Union Soviétique, où le parti communiste l’enverra en Espagne républicaine.
Elle participera au IIe congrès international des écrivains pour la défense de la culture à Madrid, Valence et Barcelone, aux côtés d’André Malraux, Anna Seghers, Ernest Hemingway, Alexis Tolstoï, Octavio Paz ou Robert Capa.
par Sandra BIFFOT-LACUT
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