La cour d’appel de Paris a confirmé en grande partie, ce lundi, les peines prononcées en première instance par le tribunal de Bobigny, à l’encontre de l’entreprise Urbaine de travaux (groupe Fayat). Un soulagement plus qu’une véritable victoire pour la famille de Jérémy Wasson. Cet étudiant ingénieur avait perdu la vie en chutant par une trémie sur le chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien à Pantin.
C’est le dénouement d’un procès fleuve démarré en novembre 2021, pour Frédéric et Valérie Wasson, les parents de Jérémy, mort à 21 ans, et son frère jumeau Tanguy également partie civile. L’étudiant de l’ESTP (École spéciale des travaux publics) effectuait son premier stage sur le chantier du centre de pilotage de la ligne E du RER à Pantin, confié à la SAS Urbaine des travaux, filiale du groupe de BTP Fayat. Au 3ème jour, le 28 mai 2020, il chute d’une trémie de désenfumage. Un trou carré de 60cm par 60 cm à plus de 5 mètres de hauteur, au-dessus duquel le jeune homme n’aurait jamais dû se trouver. 72 heures plus tard, il décédera à l’hôpital de la Salpêtrière.
Négligence sur la sécurité
À l’appui du témoignage d’une inspectrice du travail venue sur place peu après les faits, démonstration est établie devant le tribunal de Bobigny en mars 2022 que cette trémie était mal protégée et que l’élève stagiaire n’avait pas la formation requise en termes de sécurité pour travailler sur ce toit. L’Urbaine de travaux et la responsable directe de sa sécurité, madame C, sont alors condamnés. En tant que personne morale, la première écope de 200 000 euros plus 20 000 euros par faute, à savoir l’absence de sécurisation de la trémie, qui était simplement recouverte d’une planche en bois non fixée, et l’absence de formation. Madame C se voit infliger trois ans avec sursis. Appel est fait par les deux parties.
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Peine confirmée en appel
Dans son jugement rendu ce lundi 23 septembre, la cour d’appel de Paris a commencé par rejeter la demande d’une expertise technique sur les circonstances de la chute de Jeremy Wasson, réclamée par les avocats de la SAS Urbaine des travaux et madame C. La juridiction confirme sa “culpabilité puisque les infractions de la SAS Urbaine des travaux déclarée coupable ont été commises par madame C., titulaire d’une délégation de pouvoirs agissant pour le compte de la société“. En plus de l’amende de 240 000 euros infligée en première instance, la cour d’appel de Paris a condamné l’entreprise à faire publier la décision de justice dans des organes de presse pendant un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Au civil, elle devra aussi payer la somme de 3 000 euros pour chacune des parties civiles, soit 12 000 euros au total.
Seule l’ingénieure en chef du chantier voit sa peine allégée de 2 ans à 12 mois avec sursis. “C’est un décision qui est très décevante en droit“, a réagi son avocat, Me Thomas Amicot, qui déplore notamment que la délégation de pouvoir de madame C. n’ait pas été considérée.
“Chaque petite victoire c’est un message que l’on peut envoyer aux entreprises“
“Cela fait quatre ans que l’on se bat pour notre fils pour que cela puisse servir à d’autres. Pour nous, c’est un soulagement parce que sinon, nous aurions été sans recours“, témoigne à chaud Frédéric Wasson. À ses côtés, Valérie Wasson, la mère de Jérémy, se montre elle aussi soulagée, mais reste désabusée. “Chaque petite victoire, c’est un message que l’on peut envoyer aux entreprises : tous les morts comptent. Les écoles [d’ingénieurs] ne se rendent pas compte. Celle de Jérémy était aux abonnés absents. Ils n’ont pas du tout compris“, déclare-t-elle.
Reste à savoir si les avocats de la SAS des Travaux et de madame C. se pourvoiront en cassation. “On attend de lire l’arrêt de la cour d’appel, mais leur culpabilité est maintenant reconnue et un pourvoi en cassation ne suspend pas cette décision“, pointe Me Pappo, l’avocate de la famille Wasson qui se concentre sur le suivi de l’affaire au pôle social du tribunal de Nanterre. “Aussi ubuesque que cela puisse paraître, le dossier de Jérémy a été bien suivi. Mais, j’ai des dossiers [d’accidents du travail] où je n’ai pas de rapport de l’inspection du travail“, souligne-t-elle. Si le jugement de l’affaire Wasson est une avancée, beaucoup reste à faire pour la reconnaissance des infractions à loi sur la protection des salariés et employés temporaires au travail, estime-t-elle.
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