Près de 37 millions d’euros, c’est le montant global du programme d’investissement prévu pour restructurer le quartier du Mont d’Est à Noisy-le-Grand. Construit autour de la gare du RER A dans les années 1970-1980 pour devenir un pôle d’affaires de l’est parisien, il n’attire plus d’investisseurs. Pour muscler son réaménagement, la ville vient d’associer deux acteurs déjà impliqués localement : le groupe Klépierre, propriétaire du centre commercial des Arcades, et la filiale immobilière de Carrefour.
Neuf mois après le premier coup de pioche donné par Brigitte Marsigny, la maire (LR) de Noisy-le-Grand, la vaste dalle minérale du Mont d’Est est criblée de trous. Après la rénovation des abords du lac de Mares-Dimanche, la ville s’est attaquée à la restructuration de l’Esplanade de la Commune de Paris. Des travaux d’un montant global de 37 millions d’euros, dont 8 millions d’euros abondés sur le budget communal. L’enjeu est de taille : avec ses 13 000 emplois, son centre commercial des Arcades et ses 350 000 mètres carrés de bureaux, le Mont d’Est est encore un pôle d’activité économique qui pèse dans l’est parisien. Mais son dynamisme s’érode.
“Enrayer la transformation systématique de bureaux en 100% logements“
Près de 20% des surfaces de bureau seraient, en effet, vacantes. Quand elles ne trouvent pas preneur, elles sont reconverties en logements, à l’image de l’ancien siège de l’assureur Groupama qui a déménagé en 2017 à Nanterre. Le bâtiment de 31 000 mètres carrés, dit “Le Marne-Astorg”, est ainsi devenue une résidence de coliving pour étudiants et jeunes actifs, inaugurée en septembre 2022.
L’objectif “est d’enrayer la transformation systématique de bureaux en 100% logements et de recréer de l’activité économique“, résume Jean-Baptiste Rey, directeur de la SPLA-IN (société publique d’aménagement d’intérêt national) Noisy Est chargée de piloter les études de pré-aménagement du Mont d’Est. Le phénomène n’est pas nouveau. À l’origine, la résidence Paris-Noisy était aussi un vaste ensemble de bureaux qui s’est transformé en hôtel pour le tourisme d’affaires. Mais, faute de touristes, elle s’est tournée vers l’hébergement social d’urgence et la mairie bataille aujourd’hui récupérer la maitrise foncière du site.
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Quelque 3 500 habitants vivent aujourd’hui au Mont d’Est. Un dédale de couloirs sombres et délaissés pour sortir du RER, une circulation complexe pour les piétons et les automobilistes, une dalle urbaine anachronique… Il n’y a qu’à déambuler autour des Arcades pour comprendre les dysfonctionnements de l’aménagement initial du quartier. Que ce soit sur l’esplanade ou au pied du fantasque complexe de logements Abraxas, l’impression d’isolement est saisissante. “On est confronté à une double difficulté : ceux qui vivent ici ne bénéficient pas d’un espace public adapté et ceux qui travaillent ici n’ont pas envie de venir. Quand vous sortez de la gare, on n’est pas dans une expérience client qualitative. On assume ce terme, que ce soit pour l’usager RATP ou l’habitant qui doit bénéficier de commerces en surface ou de cheminements urbains plus simples”, analyse Jean-Baptiste Rey qui est aussi le directeur adjoint de l’EPA Marne. C’est cet établissement public qui a aménagé le Mont d’Est dans les années 1970 dans le cadre de la ville nouvelle de Marne la Vallée, pour rééquilibrer la croissance économique francilienne à l’Est.
“Tout s’organise autour du centre commercial“
Pour restructurer le quartier, la ville de Noisy-le-Grand a opté pour un projet partenarial d’aménagement (PPA), conclu en mai 2023 avec plusieurs organismes publics (l’État, la région Île-de-France, la Métropole du Grand Paris, l’intercommunalité Grand Paris Grand Est, l’établissement public foncier d’Ile-de-France et l’EPA Marne). Mais, ce PPA n’a pris tout son sens que le 11 septembre dernier, avec la signature d’un avenant marquant l’arrivée du groupe Klépierre, propriétaire des Arcades, de Carrefour Property, propriétaire des murs de l’hypermarché qui est implanté là depuis 40 ans, ainsi que du groupe RATP. “Tout s’organise autour du centre commercial qui a été construit en premier. On ne peut pas réfléchir à la réorganisation des espaces publics autour sans avoir une ambition commune“, explique Laura Sangouard, directrice du projet à la ville de Noisy-le-Grand.
“C’était une évidence pour nous de rejoindre ce PPA, parce que nous sommes au cœur de la ville. Les gens consomment chez nous, travaillent chez nous, se baladent chez nous“, observe de son côté Louis Bonelli, directeur général de Klépierre, qui évalue à 15 millions de visiteurs la fréquentation annuelle des Arcades. Le groupe a d’ailleurs investi ses cinq dernières années près de 20 millions d’euros pour “fluidifier et simplifier” les cheminements dans le centre commercial. “Ce n’est pas un hasard si une entreprise comme Zara vient de tripler sa surface de vente“, pointe-t-il. Mais, reconnait-il, “l’environnement craspouille ne nous arrange pas du tout“.
Commerces de bouche et ferme urbaine
Un constat partagé, au fond, par Brigitte Marsigny. “Fin 2025, nous devrions disposer d’un plan guide qui nous permettra d’avancer vers un PPA opérationnel. Nous écrirons ainsi la poursuite des projets de préfiguration déjà engagés“, se réjouit l’édile. Le projet rénovation de l’Esplanade de la Commune de Paris “met en exergue l’ascension, celle qui mène à dalle “basse”, à l’Esplanade, par une rampe monumentale qui se plie et se tortille. Au nord, des façades commerciales strictes et ordonnancées créent une horizontale de référence – un manque aujourd’hui. Orientées au sud, elles pourront accueillir les commerces de bouche du bord du lac”, peut-on lire sur le site de l’architecte-urbaniste Maaru.
Au-dessus du centre commercial, sur la dalle Gustave Courbet, la ville a aussi achevé les travaux pour créer une ferme urbaine de 5 000 mètres carrés, portée l’entreprise “Ma salade à toit”. Coût global du projet : 2,7 millions d’euros.
Urbanisme transitoire
L’autre enjeu majeur du projet, “est de conforter la place du Mont d’Est par rapport à Noisy Champs et au centre-ville. Il faut que le réaménagement du Mont d’Est soit complémentaire, sur le plan économique, avec le pôle gare qui va émerger avec l’arrivée des lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express. Si on rate ce défi, on va créer une concurrence qui sera très difficile à assumer par rapport au reste de l’Ile-de-France. Le marché de l’activité économique est très difficile et plus encore celui de l’activité bureaux“, prévient Jean-Baptiste Rey. Mais le directeur de la SPLA-IN Noisy Est veut aussi miser sur le rôle moteur du campus Descartes. “Le Mont d’Est peut avoir une plus-value pour attirer des écoles de formations et des start up“, observe-t-il.
En attendant, c’est par des projets d’urbanisme transitoire que doit passer la relance de l’attractivité du quartier, “pour developper des services ou de l’ESS (économie sociale et solidaire)“, envisage Jean-Baptiste Rey. Dans ce but, l’intercommunalité Grand Paris Grand Est (GPGE) doit lancer trois appels à manifestation d’intérêt, dont un courant 2025 pour l’occupation des locaux de la RATP qui déménage aussi. Avec la signature du premier avenant au PPA, la maquette financière des études de préfiguration est d’ailleurs passée de 1,4 à 2,4 millions d’euros environ pour notamment mettre l’accent sur la communication sur le projet. Signe de l’intérêt plus large que suscite la “renaissance” du Mont d’Est, Patrick Ollier, le président (LR) de la Métropole du Grand Paris, a quant lui annoncé une enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros hors PPA.
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