Depuis plusieurs jours, presque aucun collégien ne franchit les grilles du collège Jean Jaurès à Pantin. A l’initiative des parents, l’opération “collège désert” dure dans cet établissement, dans un contexte d’intense protestation enseignante initiée en Seine-Saint-Denis il y a près d’un mois.
D’après Imen, mère d’une adolescente en classe de 5e, le déclencheur a été l’intrusion dans le collège d’un parent d’élève qui a agressé l’équipe pédagogique. Pour la communauté éducative, c’était un nouvel exemple du manque de surveillants et de CPE (conseiller principal d’éducation) dans l’établissement, dont ils réclament sans succès de nouvelles embauches. S’en sont suivis droits de retrait des enseignants, grèves et depuis mardi l’opération “collège désert”.
“On n’est pas considérés parce qu’on est des enfants du 93”
“On pénalise nos enfants, mais pas le choix, pour se faire entendre il n’y a que ça”, affirme Imen, devant le collège. D’après des enseignants, environ 98% des élèves sont absents ces derniers jours. Jeudi, aucun n’a franchi la grille.
“Mon fils m’a dit “on n’est pas considérés parce qu’on est des enfants du 93″, je ne veux pas qu’il pense comme ça”, regrette Imen, habitante du quartier populaire des Courtillières où se trouve le collège.
“J’ai les moyens de mettre mon fils dans un collège privé, mais je ne veux pas, on a de bons professeurs dans les écoles publiques”, défend la fonctionnaire.
“Mon fils ne va pas aux toilettes au collège, il court à la maison”
Pour les parents d’élèves rencontrés par l’AFP ce jeudi matin, outre les manques d’effectifs et les non-remplacements de personnels, problèmes criants en Seine-Saint-Denis, la vétusté du bâti est alarmante.
Fatim-Zohra fait défiler les photographies sur son téléphone. Murs décrépits, humidité apparente, fissures aux plafonds, tuyauterie en mauvais état…
“Mon fils ne va pas aux toilettes au collège, il court à la maison”, témoigne cette mère d’un élève de 5e. “L’état sanitaire est catastrophique”, atteste Fatim-Zohra.
“Comment voulez-vous que les professeurs et nos enfants travaillent correctement dans ces conditions ?”, s’emporte Imen. “J’invite Mme (Brigitte) Macron aujourd’hui à venir voir notre collège, si elle arrive à rester une heure dedans, chapeau !”, s’amuse-t-elle.
“Ca fait du bien de se sentir soutenus”, témoigne, sous couvert d’anonymat, une enseignante d’anglais, en poste dans l’établissement depuis huit ans. “On n’est pas juste des gens qui viennent là en début de carrière, on reste parce qu’on aime être ici”.
Pour les enseignants, voir les couloirs vides “ne met pas en joie”. “Ca nous inquiète car on accumule du retard mais on est obligés pour se faire entendre“, regrette une autre enseignante d’anglais. Présents dans le collège, les professeurs préparent et transmettent numériquement des devoirs pour leurs élèves et en profitent pour mettre en œuvre ce qu’ils n’ont jamais le temps de faire, jusqu’à nettoyer leurs classes.
“se mobiliser : ça fait partie de la formation de citoyen”
Des journées “collège désert” ont eu lieu dans deux autres collèges publics de Pantin sur les quatre de la commune, sans toutefois la même intensité qu’à Jean Jaurès.
Mardi, le maire PS Bertrand Kern a exprimé dans un communiqué son “soutien aux parents d’élèves, enseignants et syndicats mobilisés depuis plusieurs semaines pour demander des moyens pour la Seine-Saint-Denis et mettre fin à la fracture territoriale dont nos enfants et nos enseignants sont victimes”.
Il était également signataire d’une tribune dans ce sens portée par plusieurs élus du département publiée jeudi sur le site de Libération.
Expo photo, tête du cortège des enseignants lors de la manifestation parisienne, vidéo sur le délabrement des établissements… Depuis un mois, le département est en tête de la mobilisation contre la réforme du “choc des savoirs” et dénonce avec force les manques dans le territoire. Jusqu’à présent les revendications des syndicats sont restées lettre morte, faute de budget au ministère.
À Pantin, d’après une enseignante d’histoire géographie, “les enfants sont pénalisés dans leur scolarité mais ils apprennent aussi que quand il y a une injustice, les adultes sont capables de se mobiliser : ça fait partie de la formation de citoyen”.
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