À peine un peu plus d’un an après l’annonce du projet de commune nouvelle, les conseils municipaux de Pierrefitte-sur-Seine et de Saint-Denis ont scellé jeudi soir leur “mariage”. Une union qualifiée de “fusion” pour ses partisans, d’”absorption” pour ses opposants. Reste au préfet de Seine-Saint-Denis à valider la légalité du projet.
“Ce soir, nous allons vivre un moment solennel, un moment historique“, a lancé Mathieu Hanotin, le maire (PS) de Saint-Denis en préambule des débats. “L’histoire ne repasse pas les plats. Il existe des moments où il faut faire des choix qui engagent“, les a quant à lui, conclu Michel Fourcade, le maire (PS) de Pierrefitte. Au terme de trois heures de débats d’un côté, quatre de l’autre, les conseillers municipaux ont voté. La création de la “commune nouvelle” a été adoptée dans les deux villes avec 45 voix pour et 10 contre à Saint-Denis ; et 26 pour, 10 contre et 3 abstentions à Pierrefitte. Quelque jours auparavant les syndicats ont de leur côté donné leur accord. Dès ce vendredi à 16h00, leurs maires (PS) respectifs, enverront un courrier de saisine officielle au préfet de la Seine-Saint-Denis et au Premier Ministre.
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Deux communes déléguées pour la transition
Dans sept mois, au 1er janvier 2025, la commune nouvelle de Saint-Denis deviendra donc la deuxième ville d’Ile-de-France avec 150 000 habitants. Elle verra le jour avec deux communes déléguées dans un premier temps, celle de Saint-Denis et celle de Pierrefitte-sur-Seine. Seule la seconde continuera d’exister après le 1er janvier 2026.
Durant cette année de transition, la nouvelle municipalité sera administrée par un “super” conseil municipal réunissant les 94 élus. Les adjoints au maire travailleront en binôme “pour continuer à piloter l’ensemble des projets sur lesquels ils ont été élus, à l’exception notable des finances, de la commande publique et des ressources humaines, de l’urbanisme et de la sécurité, [domaines] qui seront exercés de manière plus unifiés“, a précisé Mathieu Hanotin. Mais seuls 61 conseillers municipaux seront élus lors des prochaines élections municipales de 2026. “C’est un acte de courage politique bien loin des manigance électoralistes supposées dont on nous a taxé“, s’est félicité l’édile.
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“Ensemble nous seront plus fort“
De part et d’autre, les exécutifs ont détaillé, avant la mise aux voix, les “bénéfices” de la fusion des deux villes. Des changements vont ainsi très rapidement se matérialiser pour les habitants de Pierrefitte : gratuité de la cantine pour les élèves de CM2 dès la rentrée de septembre prochain et service de la police municipale 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à partir du 1er janvier 2025. Dès cette date, le taux de la taxe foncière de Pierrefitte sera abaissé de près de 19% pour l’aligner avec celle de Saint-Denis qui reste inchangé
Au volet financier, les deux maires ont vanté les capacités supplémentaires que doit générer la création de la commune nouvelle. Pierrefitte et Saint-Denis pourront ainsi compter sur 4,5 millions d’euros d’épargne brute supplémentaire et sur 6,6 millions d’euros dotations de l’Etat qui passent de 6 à 15 euros par habitants grâce au projet de loi de finances de la fin 2023. Mathieu Hanotin a estimé les “moyens additionnels” de la future commune nouvelle à “270 millions d’euros d’ici à 2028 en investissement, soit 40 millions d’euros de plus que si nous étions restés séparés“. “C’est un projet de solidarité, d’entraide, de partage, de fédération, en bref c’est un projet de gauche“, a-t-il fait valoir. De son côté, Michel Fourcade a cherché à rassurer : “Les intérêts de Pierrefitte et des Pierefittois seront mieux défendus au sien d’une ville de 150 000 hab car ensemble nous seront plus fort et le rapport de force nous sera tout simplement plus favorable“, a-t-il affirmé.
“Je ne comprends pas la précipitation“
Autant d’arguments qui n’ont pas convaincu les oppositions. “Ces 39 élus ont dans les mains l’instrument qui va décider de la vie ou de la mort d’une ville de plus de 30 000 habitants“, a tenté de défendre avant le vote Farid Aid, président groupe Communistes, Insoumis, et citoyens, à Pierrefitte, alertant sur le risque de disparition de l’identité de la ville. “Cette fusion risque d’entrainer une réorganisation des services souvent synonyme de coupe budgétaire et de réduction des prestation“, a-t-il martelé. Pour lui “les enjeux financiers d’une telle fusion sont sous-estimés“. “N’ayant plus confiance en votre capacité à redresser les choses, bel aveu de lucidité, vous préférez vassaliser Pierrefitte à Saint-Denis“, a, de son côté fustigé Romain Potel (groupe Rassemblés pour changer Pierrefitte), en s’appuyant sur le rapport 2023 de la Chambre régionale des comptes.
Pour Bakary Soukouna, élu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis au cœur), cette fusion est une “manœuvre politicienne entre deux édiles qui sont en difficulté que sont Michel Fourcade, dont la gestion fut épinglée par la Cour des comptes et vous pour votre politique sociale contestée par les habitants. Comment prétendre vouloir diriger une ville de 150 000 habitants lorsque l’on peine déjà à satisfaire près de 114 000 administrés de notre commune ?“, a-t-il lancé à l’adresse de Mathieu Hanotin.
“Je ne suis toujours pas convaincu de ce projet, ni de la méthode. Je ne comprends pas la précipitation de ce processus“, a argumenté l’élu et député (PCF) dyonisien Stéphane Peu qui reproche que les citoyens n’aient pas été invités à se prononcer sur la fusion lors des élections municipales de 2026 ou par référendum. “On parle d’une fusion, on parle bien d’une absorption la commune s’appellera Saint-Denis ,demain les Pierrefittois s’appelleront des Dionysiens“, a-t-il également souligné, déplorant “un aller sans retour“.
“Ce sera forcément un aller sans retour. J’en suis convaincu parce que les bénéfices seront tellement évidents que personne n’osera même proposer le retour en arrière lors de la prochaine élection municipale. Mais juridiquement c’est possible“, lui a rétorqué Mathieu Hanotin qui signale au passage que le processus de fusion s’étend au total sur 23 mois contre 11 pour celle d’Evry-Courcouronne. Alors que la réforme territoriale de 2010 a simplifié la procédure de création des communes nouvelles, le maire de Saint-Denis assume “jouer pleinement le jeu de la démocratie représentative parce qu’il y a des décisions qui ne sont pas basés sur des choix uniquement simple (…) avec une construction administrative pour vérifier leur pertinence“.
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