Justice | | 12/01
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Procès des policiers dans l’affaire Théo : des témoins absents par “peur d’avoir des problèmes”

Procès des policiers dans l’affaire Théo : des témoins absents par “peur d’avoir des problèmes”

Ils ont “peur d’avoir des problèmes avec la police”, a confié jeudi un jeune homme pour expliquer l’absence d’autres témoins devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, où trois gardiens de la paix sont jugés pour l’interpellation violente en 2017 de Théo lors d’un contrôle d’identité.

Ce jour du 2 février 2017, les quatre fonctionnaires de la BST (brigade spécialisée de terrain) d’Aulnay-sous-Bois avait contrôlé tout un groupe de jeunes dans la cité des 3 000. Mais seul K. C. est venu témoigner à la barre. L’absence des autres a suscité l’étonnement de la présidente, Caroline Jadis-Pomeau.

Ils ont “peur d’avoir des problèmes avec la police. (Moi-même) j’évite de traîner dans mon quartier depuis l’affaire”, explique le jeune homme qui a tenu à venir témoigner car il est l'”ami d’enfance” de Théo. Le jour de son interpellation, la victime venait “le saluer” sur la dalle avant de déposer une course pour sa sœur.

“Ce n’est pas parce qu’il y a du trafic qu’on est tous des trafiquants

Cet endroit est “connu pour être un lieu de revente de stupéfiants”, selon les fonctionnaires de police qui procèdent aux contrôles d’identité. “Leur attitude est hostile”, assure le témoin. “Ce n’est pas parce qu’il y a du trafic qu’on est tous des trafiquants. J’ai jamais vendu de la drogue”, s’emporte le chauffeur-livreur à la carrure imposante.

“Désolé de vous le dire, mais c’est un quotidien d’avoir des contrôles abusifs”, poursuit l’habitant d’Aulnay.
“Je ne me suis jamais fait contrôler inopinément”, note Me Antoine Vey, avocat de la partie civile.
“Je me suis fait contrôler avant-hier”, répond du tac au tac le jeune homme noir.

Il y a presque sept ans, le contrôle de police de son ami avait été capté par la vidéosurveillance.
Alors que Théo est dos au mur et pris en étau, un fonctionnaire porte un violent coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers son caleçon. Le coup va provoquer une rupture de son sphincter. La victime sera opérée à deux reprises. Il est depuis porteur d’un handicap à vie. L’auteur du coup de matraque, Marc-Antoine Castelain, est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente, avec la circonstance aggravante de sa qualité de personne dépositaire de l’autorité publique. Il encourt jusqu’à quinze ans de prison.

“Ce n’est pas parce que c’est un geste acquis en formation que de facto cela va porter un caractère légitime”

Avant sa grave blessure à l’anus, Théo “rigolait tout le temps”, décrit son ami. “Il nous emmenait au foot, nous motivait dans le sport. Il était joyeux, un très bon joueur de foot”.

La cour d’assises de Seine-Saint-Denis est longuement revenue jeudi sur l’enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui avait conclu à “un usage disproportionné de la force”.
Dans son rapport, la “police des polices” établit que “les deux violents coups d’estoc du BTD” sont portés à un moment où “Théo ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs”.
Des “conclusions sévères, c’est vrai”, reconnaît son co-auteur, en visioconférence depuis Fort-de-France où il est en poste. De mémoire du commissaire divisionnaire de l’IGPN, “nous n’avions jamais eu de telles accusations portées à l’encontre des forces de l’ordre”.
“Il faut arrêter avec l’image d’Épinal d’un geste qu’on a appris à l’école (…). Ce n’est pas parce que c’est un geste acquis en formation que de facto cela va porter un caractère légitime”, “une stricte proportionnalité en ce qui concerne l’usage des armes”. Des propos qui vont provoquer l’ire du banc des accusés.

Le procès se poursuit vendredi avec les expertises médicales de la blessure de Théo. Ce dernier souffre d’une incontinence annale.

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