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Justice | | 16/09
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Procès du blanchiment de trafiquants de drogue par des grossistes en textile d’Aubervilliers : un sac de nœuds difficile à démêler

Procès du blanchiment de trafiquants de drogue par des grossistes en textile d’Aubervilliers : un sac de nœuds difficile à démêler © Isaac74

Au tribunal de Bobigny, qui s’attèle à démêler les flux de deux larges systèmes de blanchiment entre l’Europe et la Chine, même le procureur a considéré jeudi “qu’on ne comprendra pas tout après les 13 jours d’audience.” En cause : les vendeurs du Centre international de commerce de gros France-Asie (le marché Cifa) d’Aubervilliers et des trafiquants de cannabis. Les premiers sont accusés d’avoir contribué au blanchiment du trafic de drogue des seconds via un savant système de compensation d’une rive à l’autre de la méditerranée.

Vêtu tout de noir, Keqiang Z. grossiste textile à AUbervilliers, garde le plus souvent les bras croisés en répondant aux questions de la juge et écarquille ostensiblement les yeux à l’énoncé de faits dont il assure n’avoir aucun souvenir. Le tribunal lui rappelle par exemple que l’expert-comptable mandaté par le juge d’instruction n’a “pas été en mesure de retracer deux tiers des opérations” de deux de ses sociétés françaises. “Tout est dans les 20 classeurs qu’on a remis aux enquêteurs”, rétorque Keqiang Z.

Alors que 19 hommes sont poursuivis pour leur présumée participation à deux réseaux de blanchiment, mis en lumière par Tracfin à compter d’avril 2021, le nom d’un grand absent a souvent résonné jeudi en salle d’audience. Selon Keqiang Z., Djammal C. l’aurait abordé fin 2019 pour intégrer un système de “décaisse”, qui permet le blanchiment d’argent liquide via des sociétés écrans et des fausses factures.

Cet homme de 37 ans, accusé d’avoir blanchi 29,5 millions d’euros, raconte au tribunal que “c’est le Covid qui a tué le business” d’import-export dans lequel il exerçait au Centre international de commerce de gros France-Asie (Cifa) d’Aubervilliers. Regroupant plus de 250 boutiques et sociétés, le Cifa est réputé dans les services d’enquête comme l’une des plaques tournantes du blanchiment d’argent en Île-de-France.

“Djammal C. vous propose de faire transiter des fonds par vos sociétés, sans réelles prestations de travail”, résume la présidente du tribunal. “Oui, je suis un simple exécutant, mon rôle, c’est recevoir les fonds, je retransfère : j’appuie sur le bouton et ça repart à Hong Kong”, résume le prévenu, en détention dans ce dossier depuis 17 mois.

Alors que Djammal C. décède du Covid en septembre 2021, le système perdure pourtant : les virements bancaires entre la France, l’Allemagne et la Chine s’enchainent sans que Keqiang Z. ne puisse dire qui les lui demandaient. Dirigeant ou actionnaire d’une myriade de sociétés en Europe, dont 12 rien qu’en France, il peine à fournir des explications sur des factures et impute toute éventuelle erreur à son comptable. “On peut se demander si vous n’avez pas créé trois sociétés qui font la même chose pour rester en-deçà de la désignation d’un commissaire aux comptes”, suggère le procureur, fatigué de ces réponses évasives. “Pas du tout”, s’indigne Keqiang Z. en levant théatralement les bras.

Vrai banquier à mi-temps

Comme lors de l’instruction, Rémi P. reconnait, lui, sa participation au réseau frauduleux. Profil atypique, ce quadragénaire était alors conseiller bancaire à la BRED, à mi-temps. En relation avec Keqiang Z., il admet avoir été payé 1 000 euros en espèces pour ouvrir et gérer un compte bancaire d’une des sociétés poursuivies dans le dossier. Lui, qui se dit “motivé par l’appât du gain”, confesse n’avoir “pas trop cherché à savoir ce qu’il y avait derrière”, confesse-t-il au tribunal. Quand les flux qui transitent par ce compte, toujours à destination de Chine, dépassent les 5 millions d’euros, il s’inquiète et affirme alors avoir clôturé le compte de sa propre initiative. Cela ne l’empêchera pourtant pas de devenir dans la foulée gérant de paille d’une société allemande de Keqiang Z, un rôle rémunéré entre 500 et 1 000 euros par mois. Les enquêteurs savent que les millions d’euros envoyés sur les comptes bancaires chinois revenaient dans l’économie française via des “colis d’espèces” sortant du Cifa d’Aubervilliers. S’il a géré factures et transferts de fonds pour plusieurs sociétés “un peu pour rendre service”, Rémi P. affirme n’avoir jamais participé à ces transferts physiques d’argent. Le tribunal a prévu d’interroger cette semaine les dirigeants des entreprises en demande de ce cash, voué à régler leurs propres activités non déclarées ou leur collection d’œuvres d’art et de vêtements de haute couture.

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