Au tribunal de Nanterre, la séance s’ouvre, la présidente expose froidement les faits. J, 34 ans, est poursuivi pour avoir agressé physiquement W, 29 ans, son ex-compagne, dans la nuit 8 au 9 février dans un hôtel de Gennevilliers. En plus des coups, W accuse J de chantage à la vidéo intime.
La présidente partage avec les magistrats du parquet des photos prises par un médecin au moment où W a porté plainte. Le rapport médical décrit des abrasions sur le visage, des marques de strangulation et un appareil dentaire endommagé. Autre preuve : des draps tachés de sang.
“Quand il n’est pas jaloux, il est adorable”
W a un piercing sur le nez, il brille lorsqu’elle secoue la tête de dépit. Elle porte un trench-coat beige qu’elle resserre régulièrement autour d’elle comme pour se rassurer. Au moment de prendre la parole, ses mains tremblent. Elle fixe un point droit devant elle et n’accorde aucun regard à son ex-concubin dans le box des accusés. “Il voulait contrôler tout ce que je faisais. Mais, tout a été progressif.” Les insultes pleuvent dès que W fait quelque chose qui déplait à J : “Il est très nerveux et jaloux, parfois, il rentre dans une paranoïa totale”. W raconte au tribunal comment même prendre un taxi sans se faire insulter, était devenu compliqué à cause de la jalousie de son compagnon. “Mais, deux jours après, il s’excusait.” Alors W lui pardonne. “Quand il n’est pas jaloux, il est adorable, il est très câlin.”
“Depuis le début, c’est toxique, on a une relation malsaine”
Tout est allé très vite pour le couple. Un premier rendez-vous grâce à une application de rencontre, de longues journées passées en compagnie l’un de l’autre dans l’hôtel dans lequel J vit depuis trois mois. Une suspicion de grossesse. Trois semaines de hauts et beaucoup de bas. Pour J, la situation est claire : “Depuis le début, c’est toxique. On avait une relation malsaine”. Pour lui, W est une jeune femme instable “Un soir, elle est venue avec un couteau dans son sac. Elle l’a mis sur son ventre, devant moi, et a menacé de se suicider.” Il avoue à la cour avoir voulu mettre fin à cette relation plusieurs fois. “Je n’en pouvais plus, elle débarquait à 4h ou 6h du matin. Elle m’énervait tellement. J’en avais marre, c’est pour ça que je la menaçais.”
Mais, quand la présidente lui demande la raison pour laquelle il continue à voir W, il répond stoïquement : “Peut-être que j’ai commencé à avoir de l’attachement. Et, entre l’amour et la haine, vous savez …” Cette explication ne passe pas. Énumérant une longue liste d’insultes que J adresse à W, la présidente raille sa conception de l’amour
“Parfois je dis des choses qui me dépassent”
Pendant une grande partie de leur relation, J menace W de divulguer des photos intimes d’elle. “J’ai une famille conservatrice, il sait que c’est mon point faible. J’étais désorientée, j’ai menacé de me tuer” explique la jeune femme. Le chantage de J est régulièrement accompagné d’intimidations “Si je veux, je fais de ta vie un enfer” reçoit la jeune femme par SMS. Interrogé par la cour de justice, J peine à justifier son comportement. Il commence d’ailleurs par nier : “Je n’ai jamais fait ça” , assure-t-il. Puis, quand la cour lui fait remarquer qu’il a déjà été inculpé pour ce type d’acte sur une ex-compagne, il s’explique : “Parfois je dis des choses qui me dépassent, c’est mon défaut.”
Une soirée à huis clos
Le soir des violences, une caméra capture le début de l’altercation entre les deux ex-compagnons. W en a marre, elle veut le quitter et récupérer les affaires qu’elle a laissées dans sa chambre d’hôtel la veille. À 3h52, J tire W dans sa chambre, son pull s’accroche sur la poignée de la porte, sous le coup de la brutalité, il se déchire. Préfiguration de la violence à venir. Début du huis clos. W raconte que J la jette sur le lit et commence à l’accabler de “dix coups de poing et de gifles.” Au moment où J se dit qu’elle ne va pas sortir de cette chambre vivante, tout s’arrête. “Il redevient normal et il me dit : tu es venue chercher tes affaires, mais, et moi ?“
“Elle s’est giflée toute seule”
Le récit de la soirée est tout autre du côté de J. “Elle criait dans les couloirs, alors je l’ai faite rentrer et je l’ai poussée sur le lit pour qu’elle arrête de me parler.” Il dit avoir mis sa main sur son visage pour qu’elle se taise et l’avoir malencontreusement glissé dans la bouche de W, d’où l’appareil dentaire cassé. “Je me suis blessé”, plaide-t-il en montrant son doigt. “Le sang sur les draps était le mien !” Et, pour expliquer les traces de violence sur le corps de la jeune femme, il lâche laconiquement. “Elle s’est giflée toute seule, c’est déjà arrivé”. Quant aux marques de strangulation, J répond vaguement “J’ai juste voulu me défendre, j’étais fatigué en plus”. Lorsque l’assesseur lui fait remarquer qu’il est impossible de s’étrangler tout seul, il répond ne pas se souvenir de cette partie de la soirée.
“Je veux voir la même peur dans tes yeux que la dernière fois”
Après cette nuit-là, les messages de menace s’intensifient “Je veux voir la même peur dans tes yeux que la dernière fois. Je vais finir ce que j’ai commencé”. La directrice lit à voix haute les messages que J a envoyé à W : “T”as provoqué, je t’ai dit que je voulais pas te voir”, “tu m’as dit arrête tu vas me tuer, ça m’a fait mal”, “Je veux revoir la peur dans tes yeux comme la dernière fois”, “Je vais finir ce que j’ai commencé”.
Des violences en série
J. n’en est pas à son coup d’essai. Il l’avoue lui-même dans un message qu’il envoie à W : “Je montre rarement mon autre visage, parce que je sais qu’il est dangereux pour moi et les autres. T’as voulu jouer ce soir-là. La dernière fois que ça s’est passé, c’était la mère de mon fils, et elle s’est fait dessus.”
Ce père de deux enfants, qu’il a décidé d’abandonner, est décrit par les psychiatres comme une personne “incapable de se remettre en question”, qui “banalise la violence” ce qui le rend “difficilement réadaptable.” Il est alcoolique depuis ses 18 ans et il lui arrive de boire régulièrement 1 litre d’alcool par jour. Ce qui ne vient pas améliorer son rapport difficile aux femmes. Le jour de son arrestation, il confie aux policiers : “Il suffit qu’une femme porte plainte pour que je me retrouve en garde à vue. Tout ça parce que je suis un homme.” J s’est rendu quatre fois responsable de faits de violence à l’encontre de compagnes successives. Quatre “hystériques” selon ses mots.
L’avocate du prévenu tente de justifier son caractère violent par une mère suicidaire qui l’a abandonné à un jeune âge. Mais ce ne sera pas suffisant. Le tribunal de Nanterre le rend coupable des deux chefs d’accusation. J est condamné à 18 mois de prison dont 12 mois de sursis pour une période probatoire de 2 ans. Son obligation de soin se double du suivi d’un stage de prévention aux violences conjugales.
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