Rendre plus attractif les collèges pour favoriser la mixité sociale tel est l’objectif du plan lancé ce lundi au collège Joséphine Baker à Saint-Ouen par le département de la Seine-Saint-Denis et l’Éducation nationale. Une urgence face à l’évitement croissant de certains établissements.
“Le sujet est grave. En arrivant au collège, mon fils a perdu une partie de ses amis parce que le choix était d’éviter le collège de secteur“, déplore Yassir Fichtali. Depuis 2022, le constat de ce parent d’élève du collège Joséphine Baker s’appuie sur une mesure statistique, l’indice de position sociale (IPS), que l’Éducation nationale a dû rendre public en 2022. Elle permet d’évaluer le statut social des élèves à partir des professions et des catégories sociales de leurs parents. En Seine-Saint-Denis, elle met en lumière les disparités de mixité scolaire et sociale. Dans les collèges publics, l’IPS s’établit en moyenne à 91,81 contre 103,36 en moyenne à l’échelle nationale. 70% d’entre eux ont un IPS moyen inférieur à 90, contre seulement 9% des collèges parisiens. À Joséphine Baker, il est de 82,7.
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“On voyait peu de blancs”
“En dépit de l’évolution sociologique de Saint-Ouen, il y a des stratégies d’évitement dans les catégories sociales élevées CSP+ et même de ceux qui n’ont pas forcément les moyens. C’est un phénomène que j’ai observé à l’école et qui se confirme au collège”, observe pour sa part Fernande Ntsamé Abegue, parente d’élève élue en élémentaire. “Dans les classes [où ses enfants ont fait leur scolarité], on voyait peu de blancs. Ce ressenti que nous avions sans vraiment d’objectivité a été confirmé par la publication des IPS“, témoigne-t-elle.
Plan d’attractivité des collèges
Face à cette tendance tenace, le département de la Seine-Saint-Denis et l’Éducation nationale annoncent un plan d’attractivité des collèges. Concrètement, l’académie de Créteil a débloqué 2 500 heures pour les 11 premiers établissements concernés par ce plan dès cette rentrée scolaire. Il s’agit “de répondre aux besoins particuliers de chaque établissement et à partir des projets déjà portés par les équipes“, explique la rectrice, Julie Benetti.
Ces moyens supplémentaires permettront l’ouverture de classes à horaires aménagées, de sections internationales ou sportives, d’excellence mathématiques ou encore d’ateliers pédagogiques. Au collège Joséphine Baker, une section internationale a ainsi vu le jour, dont les premiers élèves, auront, en plus de l’enseignement général, quatre heures supplémentaires de littérature et civilisation américaine. Une autre section sportive, à dominante basket, sera aussi créée. Le déploiement du dispositif 8h-18h sera par ailleurs déployé dans l’établissement.
“Effet bifidus“
Tout comme les enseignants, les parents d’élèves ont été étroitement associés à l’élaboration de ces mesures. “Tout l’intérêt de la démarche engagée ces derniers mois, réside dans la rencontre entre des parents mobilisés et des politiques publiques“, souligne Yassir Fichtali qui préfère positiver. “On cherche un effet bifidus : il y a plein de choses bien dans les collèges, mais on est les seuls à le savoir. Donc il y a un sujet de communication“, analyse-t-il. De fait, Julie Benetti veut aussi “renforcer la liaison avec des écoles de secteur pour construire, dès l’école primaire, cette image positive du collège“. L’élargissement de l’offre de formation élargie doit ainsi “permettre aux parents de la regarder comme étant de grande qualité pour leur enfant“, espère-t-elle.
40 collèges en deux ans
Pour autant, la mise en œuvre de ce plan d’attractivité reste conditionnée par les moyens humains et matériels sur le terrain. Le professeur d’éducation physique et sportive, qui anime depuis neuf ans la section natation du collège, a profité de la présentation du plan pour interpeller les élus présents sur les manques de créneaux disponibles pour la piscine ou la vétusté du plateau d’évolution sportif situé juste en face de l’établissement. “Il y a cette question des professeurs absents qui revient énormément“, a, de son côté, pointé Fernande Ntsamé Abegue.
“Dans le 2d degré, il reste ca et là des heures d’enseignement à couvrir, mais globalement dans les collèges et les lycées du département, tous les postes sont couverts. Nous avons également renforcé nos brigades de remplacement“, assure Julie Benetti qui précise aussi que dans le 1er degré, tous les postes de professeurs des écoles sont pourvus.
Une quarantaine de collèges d’ici à 2026
Le plan d’attractivité des collèges de la Seine-Saint-Denis couvrira progressivement les quatre niveaux du collège (de la 6ème à la 3ème). Suivront 15 autres collèges en 2025 et 15 autres en 2026. Soit, au global, un tiers des établissements du département. Interrogée sur ce plan, Isabelle Lacroix, co-présidente de la FCPE 93, souligne “le manque de filière attractive en Seine-Saint-Denis, ce qui créé des fuites vers les autres départements”, et rappelle la nécessité de développer la continuité des filières artistiques (musique, danse, théâtre) des classes à horaires aménagés (CHAM, CHAD, CHAT).
Les 11 premiers collèges du plan d’attractivité
Collèges | Communes | Sections financées par l’Éducation nationale |
Pablo Neruda | Aulnay-sous-Bois | Section d’excellence maths Section sportive rugby Atelier sciences |
Federico Garcia Lorca | Saint-Denis | Atelier théâtre |
Elsa Triolet | Saint-Denis | Classe à horaire aménagé théâtre Section sportive tennis |
Joséphine Baker | Saint-Ouen | Section sportive Basket Section internationale américaine |
Victor Hugo | Noisy-le-Grand | Section d’excellence mathématiques |
Jean Jaurès | Villepinte | Section européenne anglais |
Louise Michel | Clichy-sous-Bois | Classe à horaire aménagé musique |
Jean Moulin | Montreuil | Atelier anglais renforcé |
Irène et Frédéric Joliot-Curie | Pantin | Classe à horaire aménagé musique |
Jean-Jacques Rousseau | Pré-Saint-Gervais | Classe bilingue allemand |
Alfred Sisley | L’Ile-Saint-Denis | Section sportive atelier aviron |
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