Culture | Val-de-Marne | 04/10
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Street-art en Val-de-Marne : techniques et styles

Street-art en Val-de-Marne : techniques et styles © Emyart's

Bombe, pochoir, collage, craie, mosaïque, lettrage, figuratif, anamorphose… le street-art a ses styles et ses techniques, hybridés ensuite de manière unique par les artistes. Repères pour ne pas tout confondre.

D’abord surgi dans l’espace public sans autorisation, de manière spontanée, le street-art a dû s’appuyer sur des techniques rapides et efficaces, comme la bombe aérosol, le pochoir ou les collages, qui permettent d’obtenir un résultat bien visible rapidement.

Bombe aérosol

La bombe aérosol reste de loin l’outil principal des street artistes. Des simples tags signature aux grandes fresques colorées, une grande majorité des représentations de street-art sont réalisées à la bombe aerosol.

“Il y a quelque chose de satisfaisant dans cette technique qui permet de recouvrir rapidement un mur, juste avec un petit jet de peinture. Dès que l’on commence à maitriser cet outil, c’est génial pour travailler sur du grand format”, témoigne l’artiste Dark. Un outil qui permet des techniques variées, en fonction de ses embouts (caps). “Il y a les petits caps qui projettent la peinture avec des traits fins et précis, d’autres de manière large et diffuse, d’autres encore qui dispersent des gouttes”, détaille Dark. “On peut aussi obtenir un rendu très différent à partir d’un même cap, en fonction de la pression exercée par exemple.”

Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série d’articles sur le street-art réalisés avec le soutien de Val-de-Marne Tourisme et Loisirs qui organise un festival dédié au street-art, Phénomen’Art du 11 au 13 octobre.

Plusieurs ateliers d’initiation au pochoir et au graffiti, ainsi qu’au pastel et à l’huile, seront proposés à cette occasion, avec aussi, cette année, de l’impression en linogravure, à Maisons-Alfort. L’artiste chilien Jotapé expliquera pour sa part comment mettre à l’échelle sur un mur. À noter aussi, en parallèle du festival, lexposition Graffbox de Cristobal Diaz à Bonneuil. L’artiste plasticien inventorie le geste créatif des street-artistes en les filmant en train de dessiner sur une feuille de calque posée sur du plexiglas, lui permettant ensuite de restituer le tracé en mouvement. Voir le programme complet.

Craie – Pastel

La craie a aussi ses adeptes, qui revête elle aussi des textures très différentes. C’est le matériel préféré d’un Philouwer avec ses “craie-à-tures”, à voir notamment à Vitry, ou d’un Philippe Baudelocque, qui dessine en blanc sur noir. Il a notamment réalisé un immense poulpe à Vitry, rue Saint-Germain, que l’on peut encore distinguer. Emyart’s qui travaille au pastel, en apprécie particulièrement la texture. “J’aime travailler les murs directement à l’huile, cela résiste bien à la pluie et il n’y a pas besoin de beaucoup de craie. Je me sers du fond comme un dessin, avec des crayons de couleur”, explique-t-elle.

Pochoir

Le pochoir permet de reproduire des motifs plus sophistiqués rapidement, après les avoir préparés dans son atelier. Artiste emblématique de cette technique en Val-de-Marne : C215, qui a fait sienne cette technique en procédant en plusieurs étapes. L’artiste qui eut longtemps son atelier à Vitry avant de migrer à Ivry, a même publié un Manuel du pochoir. C’est le cas aussi de Stew, également visible à Vitry.

“La technique du pochoir a beaucoup évolué en quarante ans, entre les premières œuvres de Miss Tic, Banksy ou Blek le rat, qui prenaient des risques et devaient agir vite, et des artistes d’aujourd’hui comme Logan Hicks, qui réalise des grands paysages urbains avec un niveau de technique et de finesse énorme.”

© CD
Rétrospective Miss Tic proposée au Palais des Papes à Avignon en 2024

Dans le Val-de-Marne, le pochoiriste new-yorkais a réalisé, avec Joe Iurato, une fresque mettant en scène le corbeau d’Edgar Allan Poe sur le mur de la librairie Le Point Millepages, à l’occasion du festival America 2022. Depuis, la librairie a changé de décor, désormais entouré d’une fresque dessinée par Mahn Kloix en hommage à Noam Chomsky.

Collage

Comme le pochoir, le collage présente l’intérêt d’une mise en place rapide. Parmi les icônes de cette technique, JR a réalisé plusieurs œuvres dans le Val-de-Marne. L’artiste, qui assortit souvent les citoyens à sa démarche (voir le film réalisé avec Agnès Varda, Visages, Villages), avait lancé il y a quelques années un projet, Inside Out, pour afficher les habitants d’un quartier, auquel s’étaient associées plusieurs librairies et associations du département. Lire notre article.

Les portraits d’habitués de la librairie Points Communs, à Villejuif, affichés en 2018, dans le cadre du projet Inside Out.

À Valenton, JR a travaillé sur un support moins éphémère, des grandes bâches, pour habiller les cuves de la station d’épuration du Siaap de yeux géants.

Mosaïque

La mosaïque, popularisée par la série de Space invaders, personnages pixellisés inspirés du jeu vidéo éponyme, réalisée par Invader dans les métropoles. Dans le Val-de-Marne, il y aussi des artistes comme Pancho Quilici à Arcueil. En 2020, il a réalisé une œuvre monumentale à l’entrée Sud de la cité du Chaperon-Vert, composée de cinq panneaux en béton et mosaïque.

Région de convergences, une fresque de Pancho Quicili réalisée à Arcueil (Carrefour Voltaire /Jaurès), en 2022, après trois ans de préparation en atelier.

Dans un autre esprit, Brikx, artiste de Charenton-le-Pont, recourt aux Legos, inspiré par les jeux de ses enfants. Lire notre interview.

Relief, sgraffite

D’autres techniques encore, s’attaquent à la matière brute déjà en place pour faire apparaitre les motifs. “Certains artistes enlèvent de la matière au lieu d’en ajouter, à l’instar de Vhils qui va creuser la matière et compose son œuvre au marteau et au burin, parfois même à la perceuse dans des endroits plus reculés”, explique Sabine Meyer, présidente de l’association Art‘Murs, qui fait découvrir les street-artistes locaux et organise des projets avec eux. En Val-de-Marne, l’artiste portugais a réalisé la fresque qui orne la nouvelle station de métro ligne 14 de l’aéroport d’Orly. Une fresque de 245 m2 réalisée cette fois en carreaux de céramique (11 132 carreaux d’azulejos ont été nécessaires). Il suffit de descendre dans le métro pour l’admirer.

Vhils devant une de ses oeuvres réalisées au burin, à Beja au Portugal

Laine

Plus fragile, la laine s’est aussi invitée dans la rue ces dernières années, avec des tricots entourant du mobilier urbain. Ce street-art de laine (Yarn bombing) a par exemple habillé la place Lénine de Champigny-sur-Marne il y a quelques années, à l’occasion du festival d’art urbain Arts en cœur de villeà l’initiative de Nadège Lavot et Sarah Behdenna, créatrices du café couture Bobine home.

À Vincennes, c’est à Noël qu’une association confectionne chaque année une série de personnages de laine qu’elle enfile sur les potelets.

© CD
A Vincennes, Noël 2023

L’artiste portugaise Aheneah, elle, fait carrément du point de croix sur mur. “Elle fixe des vis à égale distance et ensuite, elle fait des points de croix à la laine, technique elle a appris avec sa mère et sa grand mère”, explique Sabine Meyer. L’artiste a été invitée à Bonneuil en 2021, à l’occasion d’une exposition mettant en valeur le travail des street-artistes femmes.

Autant de techniques, loin de constituer une liste exhaustive, qui nourrissent l’art dans la rue, bien souvent hybridées par les artistes, en fonction des circonstances. Au-delà de la technique, ce sont surtout les styles qui différencient les artistes.

Le lettrage, l’inspiration d’origine

Parmi les premières formes d’expression, le lettrage figure en bonne position car avant même de se vivre comme un art, les premières expressions apparues sur les murs, et qui continuent, sont les tags, bombés vite fait en mode furtif, pour laisser une trace de son pseudo ou de celui de son collectif. Il s’agit d’abord d’une “signature”, rappelle Sabine Meyer. Une manière de s’affirmer, de s’approprier des lieux souvent impersonnels ou en déshérence. De cette expression écrite, va néanmoins naitre un véritable courant, le lettrage, qui travaille sur la composition des caractères, avec des styles très différents. Rien à voir entre le style Wilstyle 3D d’un Brok, à découvrir dans le quartier Joliot-Curie de Vitry-sur-Seine, et le Calligraffiti de Vusuel, à Vitry aussi. Il y a mille manières de composer les caractères, commes les affichistes et typographes l’ont exploré de longue date. “Aujourd’hui, les formes du street-art ont explosé dans tous les sens, mais la lettre existe toujours et certains en ont fait leur spécialité. Ils travaillent la calligraphie en étirant et déformant les lettres pour les rendre abstraites, à l’instar de Papa Mesk à Fontenay-sous-Bois.” À Créteil, des artistes comme Nubs et Henry Hang ont utilisé cette technique pour intégrer des messages et des formes abstraites sur des murs de bâtiments publics, mélangeant souvent lettrage et art figuratif.

Le lettrage, c’est aussi le point de départ de Dark, qui l’a transfomé en art abstrait. “J’ai démarré en autodidacte quand j’étais au collège et lycée. J’avais un ami grafeur, qui dessinait aussi beaucoup sur ses cahiers. J’ai commencé à dessiner aussi, puis il m’a emmené faire des graffitis à Paris et en banlieue, dans des friches. C’est comme cela que j’ai découvert la bombe aérosol. Mon pseudo, je l’ai trouvé en faisant des cadavres exquis en cours. Un jour, il y a un mot cool qui est apparu, “Dark”. Je l’ai repris plus tard comme pseudo d’artiste. Après, j’ai découvert la calligraphie. De là est né mon univers. J’ai un peu étudié l’arabe et je trouve que c’est l’un des alphabets les plus jolis, mais je transpose dans des formes abstraites. Je crée une centaine de glyphes chaque année, qui constituent des répertoires dans lesquels je puise. Je sélectionne une lettre et la transforme en personnage de la pop culture, par exemple”, explique l’artiste à 94 Citoyens.

Fresque au sol, de Dark

Abstrait, figuratif… chacun son univers

L’abstrait, issu ou non du lettrage, et le figuratif, s’expriment aussi largement, dans des styles mûris par les artistes, après leurs propres recherches. “Au départ, j’étais designer en haute joaillerie, après avoir fait l’école Boulle. J’ai rejoint un atelier d’artistes dans un squat, car je souhaitais me mettre à mon compte et c’est à leur contact que j’ai commencé à dessiner sur les murs, fin 2020. Mon premier dessin, c’était à Montreuil, un visage sur le mur devant une cour d’école. J’ai testé beaucoup de techniques. Ensuite, on a reconnu mon style car j’ai une façon très reconnaissable de faire les visages avec beaucoup de couleurs. Petit à petit, j’ai développé un univers futuriste car je suis passionnée par l’espace et l’univers SF. Je fais beaucoup d’anamorphoses en 3D. J’en ai fait une à la Cité des sciences l’an dernier. Je travaille à la fois sur commande et dans la rue. J’ai déjà été interpellée mais cela n’a jamais été trop loin car la craie a un caractère éphémère. La rue permet aussi de se faire un nom. Je laisse ma signature et mon Insta et ai souvent été contactée grâce à cela.” L’an dernier, l’artiste a réalisé une fresque géante au port de Bonneuil (photo de une), dans le cadre du festival Phenomen’Art. Une fresque de 50 mètres de long sur le mur de l’entreprise Béton Vicat, dans la darse, visible depuis le quai du Rancy.

Du vandalisme aux galeries d’art : quel périmètre pour le street-art ?

Quel que soit le style ou la technique, très différent d’un street-artiste à l’autre, c’est plutôt le parcours qui offre des similitudes, avec un démarrage dans la rue, à la hussarde, et, pour ceux qui sont reconnus, des premières commande et des passages en galerie, en exposition. Est-ce toujours du street-art ? “Le street-art, c’est l’art dans la rue, par définition. Dès que cela n’est plus dans la rue, ce n’est plus du street-art, même s’il s’agit du même travail”, tranche Dark. Lorsque l’on expose en galerie, c’est de l’art.” Un nouveau courant de l’art contemporain, plus accessible esthétiquement ? “Ce n’est pas un courant comme le cubisme ou autre, qui avaient leur manifeste. On peut faire de l’abstrait, de l’illustration hyper précise, de l’hyper réalisme… Ce n’est pas un mouvement bien défini.” D’où le vocable commun de street-art, mis en avant dans les galeries ou les expositions. Une dénomination peut-être impropre, mais qui englobe des travaux d’artistes qui ont commencé, et continuent parfois, par prendre la rue comme terrain d’expression. “Une étiquette marketing qui marche aussi très bien dans les galeries.”

Pour Sabine Meyer “Qu’importe la technique, ce qui compte, c’est l’émotion.”

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