Les griffes de l’iguanodon doivent être rabotées et l’ammonite a la tête à l’envers. Au Jardin des Plantes de Paris, Gaël Clément traque la moindre inexactitude avant l’ouverture mercredi des illuminations consacrées cette année au Jurassique.
L’an dernier, l’exposition nocturne “En voie d’illumination” – de monumentales lanternes chinoises installées dans les allées du jardin – avait attiré 280 000 spectateurs sur le thème de la jungle.
“Vraie exposition scientifique” au-delà de son aspect féérique, cette sixième édition a mobilisé 25 chercheurs du Muséum d’histoire naturelle (MNHM) pour sa préparation, dit à l’AFP Gaël Clément, un de ses commissaires.
Lui-même paléontologue, il ambitionne de déboulonner quelques idées reçues sur le monde tel qu’il était il y a entre 201 et 140 millions d’années.
“De toutes les époques du passé, le Jurassique est l’une des plus connues du public, en particulier des enfants”, à travers films et séries à succès, note-t-il.
Mais il y a pourtant “beaucoup de choses incomprises, de méconnaissances”. “On imagine un monde terrestre avec des dinosaures qui ne pensent qu’à se dévorer les uns les autres dans des paysages magnifiques. Et puis rien d’autre”, regrette-t-il.
L’idée de l’exposition, qui se tient jusqu’au 19 janvier, “c’est de montrer la diversité de ce monde”, résume le chercheur. Un monde coloré, foisonnant de vie aussi bien sous l’eau que sur terre, où des espèces désormais éteintes en côtoyaient d’autres dont les descendants peuplent toujours la planète, le tout dans des interactions complexes.
“Nous avons par exemple des preuves scientifiques que certains dinosaures avaient des comportements parentaux très forts. On a ainsi trouvé des pistes où deux adultes marchaient l’un à côté de l’autre, suivis de leurs petits”, raconte-t-il.
– Sauropode en taille réelle –
Spécialistes des reptiles marins, des insectes ou de la flore ont sélectionné des organismes jouant un rôle important dans la biodiversité de l’époque, mais aussi dont des fossiles complets ont été découverts, afin de pouvoir transmettre les explications les plus précises possibles au fabricant chinois des lanternes lumineuses.
Pour les couleurs, les chercheurs se sont inspirés des animaux contemporains. A l’image des poissons des récifs coralliens, des oiseaux ou des insectes actuels, “il n’y a aucune raison pour que le Jurassique n’ait pas été coloré”, souligne M. Clément.
Parmi les 200 espèces sélectionnées, un tiers – ptérodactyles, stégosaures, libellules géantes… – sont familières. Mais les autres plongent le visiteur dans un monde inconnu.
Comme l’étrange thylacocéphale, une sorte de crustacé d’une quinzaine de centimètres aux yeux protubérants et aux longues pattes lui permettant d’attraper ses proies. Ou l’inquiétant metopacanthus, un poisson cartilagineux arborant une fausse mâchoire sur le front, dont on pense qu’elle pouvait servir à impressionner les prédateurs.
De la vie marine du Jurassique inférieur (-201 à -175 millions d’années), en passant par les abysses ou un archipel du Jurassique supérieur (-150 millions d’années), la promenade nocturne est organisée en cinq tableaux, rassemblant des organismes contemporains les uns des autres, mais qui ont aussi souvent été trouvés sur un même site de fouilles.
Comme le dernier tableau sur le début du Crétacé (-140 millions d’années), qui rassemble des découvertes faites sur le site d’Angeac (Charente), un des plus importants d’Europe.
Entre marécages et conifères – l’herbe n’existait pas à l’époque, pas plus que les plantes à fleurs -, crocodiles, tortues, mammifères, insectes y déambulaient au milieu des dinosaures.
L’un d’entre eux – un sauropode de 10 m de haut et 25 m de long – a été reproduit en taille réelle et installé tout près de l’entrée de la galerie de paléontologie du Muséum. D’où le squelette fossilisé d’un iguanodon peut admirer par les fenêtres les couleurs éclatantes de sa version lumineuse…
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