Justice | | 27/06
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Trois ans de prison pour l’entrepreneur qui a fait agresser Oriane Filhol à Saint-Denis

Trois ans de prison pour l’entrepreneur qui a fait agresser Oriane Filhol à Saint-Denis © Charles Henry

Dans un contexte de recrudescence de violences contre les élus, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné jeudi à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, un chef d’entreprise pour avoir commandité l’agression en décembre de l’adjointe au maire de Saint-Denis Oriane Filhol.


Chef d’entreprise engagé dans le monde associatif, Mouloud Bezzouh, 57 ans, a été reconnu coupable d’avoir envoyé des jeunes, contre la promesse de rémunération, passer à tabac Oriane Filhol alors qu’elle rentrait chez elle. Une attaque sans revendication publique ni motif apparent. Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet qui avait demandé quatre ans de prison, dont un avec sursis.

Arrêté début mars par les policiers de la Sûreté territoriale puis placé sous contrôle judiciaire, Mouloud Bezzouh n’était pas venu à l’audience du 11 juin et n’était pas non plus présent à l’annonce du délibéré. La justice a émis un mandat de dépôt à son encontre.

Ce jugement “marque un moment important sur la question de l’agression des élus locaux en France, c’est vraiment un soulagement”, a déclaré à l’AFP Katy Bontinck, première adjointe au maire PS Mathieu Hanotin, à la sortie de l’audience. “Cette réponse ferme vient marquer cette nécessité d’ouvrir les yeux sur le fait que demain la démocratie représentative n’aura plus de représentants, notamment à l’échelon local”, a-t-elle estimé.

Le 20 décembre 2023 au soir, Oriane Filhol, sixième adjointe au maire en charge des solidarités, est suivie dans une rue de Saint-Denis par deux hommes alors qu’elle sort du conseil d’administration du bailleur social de la ville et rentre à son domicile. Rattrapée alors qu’elle tente de s’enfuir, la trentenaire est passée à tabac dans le hall d’un immeuble où elle s’est réfugiée. L’agression provoque un tollé. Légèrement blessée mais fortement marquée psychologiquement, la jeune femme aux grandes lunettes rondes et à la coupe au carré est restée au procès dépourvue face à ses interrogations sur les raisons de son agression.

Vengeance contre la ville ?

“J’ai perdu une partie de ma liberté, de mon indépendance, auxquelles je tiens beaucoup. Je ne peux plus me déplacer après une certaine heure seule, j’ai besoin que des collègues me raccompagnent jusqu’à mon domicile”, a-t-elle confié au tribunal, émue.

En janvier, trois jeunes hommes de Saint-Denis, âgés de 18 à 22 ans, sont arrêtés par les enquêteurs.
À leur procès, ils expliquent s’être vu promettre 2 500 euros chacun par un mystérieux commanditaire dont ils taisent le nom – un “daron”, un “blédard” – pour frapper une personne qu’ils ne connaissaient pas.
“Il fallait juste taper et rien dire, pas de vol, rien. Moi pour 2 500 euros je frappe, même si c’est une femme”, raconte aux enquêteurs celui qui a frappé la victime. La justice a condamné les agresseurs à des peines allant de huit mois de prison avec sursis probatoire à dix-huit mois de prison dont six avec sursis probatoire. Le tribunal a estimé que deux d’entre eux ne connaissaient pas la qualité d’élue de la victime.

Interpellé début mars, Mouloud Bezzouh a reconnu en garde à vue avoir été présent sur les lieux mais démenti tout lien avec l’agression. La vidéosurveillance le montre piétinant à la sortie de la réunion d’Oriane Filhol pendant près d’une heure et demie.

À la barre au procès de juin, le maire de la ville, Mathieu Hanotin, s’est interrogé sur une éventuelle frustration du chef d’entreprise, qui avait milité pour lui lors des élections municipales. Aux abois financièrement, l’entrepreneur espérait accéder à des marchés publics de la ville pour se remettre en selle.
“Ce n’est pas notre vision d’avoir des marchés publics parce qu’on a soutenu un élu. S’il le croyait, je comprends qu’il ait pu être déçu”, a déclaré l’édile socialiste.

À l’automne dernier, le ministère de l’Intérieur avait anticipé une augmentation de 15% des agressions envers les élus sur l’ensemble de l’année 2023, après une hausse de 32% en 2022 (2.265 plaintes et signalements).

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