Justice | | 21/05
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Un arrêté confirme la prison de Noiseau comme Projet d’intérêt général

Un arrêté confirme la prison de Noiseau comme Projet d’intérêt général © dzoko stach

Sans surprise, la préfecture a publié ce samedi 18 mai un arrêté stipulant que la future prison de Noiseau est un projet d’intérêt général. Du côté des populations et élus locaux, l’opposition au projet de maison d’arrêt de 800 places, en partie sur des terres agricoles, reste intacte.

Dans son arrêté publié le 18 mai, la préfecture motive d’abord la nécessité de construire une prison, rappelant que le projet s’inscrit dans le cadre du plan de création de 15 000 places entre 2017 et 2027, pour répondre aux problèmes de surpopulation carcérale.

Rappel du contexte
Annoncé en octobre 2018, le projet de construire une prison de 700, et désormais 800 places, à Noiseau, ville de 5 000 habitants, a immédiatement suscité la colère de la population, soutenue par un front uni d’élus de tous bords, d’un bout à l’autre du département. Mais, la maison d’arrêt de Fresnes, dotée de 1400 places, est en surpopulation chronique, parfois avec un taux de 200%. Dans ce contexte, l’objectif de construire une prison en Val-de-Marne est demeuré constant. Après avoir éliminé plusieurs sites potentiels, l’Apij (Agence publique pour l’immobilier de la Justice) a confirmé le choix de Noiseau, qui dispose encore de terres non construites, en particulier des terres agricoles, à proximité de l’ancien site France Télécom.
Début 2023, l’Apij a organisé une première concertation publique, lors de laquelle la population a massivement exprimé son refus de voir s’implanter une prison, notamment lors d’une réunion qui a attiré plus de 600 habitants en colère. Les principales réserves portent sur les risques d’embouteillage pour accéder au site, alors que les routes sont déjà encombrées et que les transports en commun sont insuffisants, la présence de terres agricoles exploitées, les risques d’inondation, les nuisances (bruit des détenus qui se hèlent par la fenêtre, lumière autour du site, éventuels drones ou hélicoptères, de la sécurité…) pour les habitants et encore le risque de dévaluation immobilière des habitations.
En juin 2023, malgré un rapport témoignant de l’hostilité des habitants, l’Agence a toutefois décidé de maintenir le projet, promettant de répondre aux réserves exprimées. Fin 2023, un appel d’offre a été lancé pour la construction. L’objectif affiché est d’ouvrir la prison en 2027.
Alors que la Région a tenté de sanctuariser le site en terres agricoles, dans son projet de schéma directeur régional, l’État a répliqué en déclarant la future prison comme Projet d’Intérêt général (PIG), ce qui lui permettra de passer au-dessus des différentes contraintes urbanistiques. La concertation concernant ce PIG, s’est tenue jusqu’au 29 mars, a déjà reçu plus d’un millier de contributions en ligne, massivement contre. Régulièrement interrogé par les parlementaires sur le sujet, le gouvernement promet d’être vigilant et de mener toutes les études préalables pour prévenir les risques mis en avant par les habitants.

Résoudre la surpopulation carcérale

À la prison de Fresnes, “qui accueillait 1839 détenus pour 1338 places au 1er mars 2024”, le taux d’occupation est ainsi de 137 %. Or, “la réduction de la surpopulation carcérale réduit les violences envers le personnel et entre les détenus, favorise la réinsertion et diminue le taux de récidive”, défend l’État en Val-de-Marne.

Pourquoi Noiseau au lieu d’un autre site en Val-de-Marne ? Sur cette question, la préfecture explique de nouveau que 6 sites ont été étudiés, avant de choisir Noiseau, notamment en raison “de sa surface, de son éloignement avec les habitations, de ses capacités de desserte.”

Nouveau chemin d’accès à la RD4

Alors que les élus alertent sur les difficultés déjà importantes de circuler dans le secteur, avec des routes très encombrées aux heures de pointe, et des dessertes très insuffisantes en transports en commun, la préfecture indique que “l’augmentation de trafic induite par la présence de l’établissement pénitentiaire est estimée à 5 % du trafic actuel à laquelle il sera notamment répondu par l’étude d’un chemin d’accès depuis la RD 4 en complément de l’accès prévu depuis la RD 136.”

Compensations

Concernant la présence d’une exploitation agricole sur le site, et l’impact de la construction sur l’environnement, la préfecture promet des “compensations”. Concernant l’environnement, l’Autorité environnementale (Ae) réalisera une étude d’impact dans le cadre de l’enquête publique à venir. Concernant l’exploitation agricole, l’expropriation fera l’objet de “compensations prévues à l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime.”

Voir l’arrêté

Colère des élus

Du côté des élus, c’est la consternation. “Si la nouvelle ne nous surprend pas réellement puisque tout a été mis en place depuis le début de l’année pour parvenir à cette issue, arrêtons nous, une fois de plus, sur la méthode méprisante utilisée :
– Madame la Préfète évoque le projet de prison à Noiseau avec nos Sénateurs et notre Députée ainsi que l’APIJ en début de semaine : ni le Maire de la Queue-en-Brie ni moi sommes invités !
– Une concertation avec le public a lieu en début d’année et c’est à son issue que la décision de lancer un PIG devait être prise : sauf si, une fois de plus, l’État estime que je ne suis pas concerné, aucun bilan de concertation n’a pour l’heure été produit ! À quoi sert donc de concerter si on signe les documents avant d’obtenir les conclusions de la concertation ???
De qui se moque-t-on ? Quel Gouvernement méprise à ce point les élus locaux ??? Je suis effaré !
Croyez bien que nous n’en resterons pas là ! Puisque l’État continue avec ses méthodes et dans son aveuglement vis-à-vis de ce projet, nous allons maintenant utiliser toutes les voies possibles de recours et d’obstruction à ce qui constituerait une catastrophe pour Noiseau, mais, au-delà, pour le Val-de-Marne !
Vous pouvez compter sur moi et sur mon engagement pour éviter l’irréparable, mais également sur les élus qui nous soutiennent. Cette prison est loin d’être construite !”
prévient le maire de Noiseau, Yvan Femel (LR) dans un communiqué.

“Par ce choix, l’État assume donc ouvertement de ne tenir aucun compte de l’avis unanimement hostile à son projet des élus locaux, des collectivités et des habitants. Il persiste et signe en faisant fi des réalités locales et des arguments développés par les villes, en premier lieu celle de Noiseau, par le Territoire GPSEA, le Département, la Région et les parlementaires toutes tendances confondues”, dénoncent la sénatrice Marie-Carole Ciuntu (LR) et le maire de Sucy, Olivier Trayaux (LR), dans un communiqué, rappelant les avis massivement négatifs émis par la population à chaque consultation sur le projet, y compris celle sur la qualification de Projet d’intérêt général (PIG). Les élus préviennent qu’ils ne lâcheront rien.

Même colère à gauche. “Depuis maintenant cinq ans, l’État s’obstine à soutenir un projet rejeté par l’ensemble des Val-de-Marnais·es, toutes tendances politiques confondues, le Conseil municipal de Noiseau, le Conseil départemental…Un projet prévoyant l’artificialisation de plusieurs hectares de terres agricoles et de zones humides, et dont les lourds impacts sur le territoire concerné ont été dès le départ, balayés d’un revers de main. Un projet présenté au nom « des conditions de travail des personnels
pénitentiaires » et de « la prise en charge des personnes détenues »… ce alors que l’État se défausse toujours de ses obligations légales concernant la rénovation du centre pénitentiaire déjà existant en Val-de-Marne, la prison de Fresnes !L’État choisit d’ignorer les nombreuses manifestations, les rassemblements, pétitions, réunions publiques de ces dernières années. Il fait aussi le choix de ne pas prendre en compte le résultat de la concertation et des 2 300 avis publiés dans ce cadre ; presque tous négatifs ! Cet arrêté inique n’entame en rien notre détermination. Pour notre groupe, le combat doit continuer par tous les moyens, avec la population et les élu·es, contre le projet”,
prévient ainsi le groupe d’opposition communiste au département, Val-de-Marne en commun.

La prochaine étape est désormais l’enquête publique pour obtenir une déclaration d’utilité publique permettant d’exproprier les exploitants sur le terrain et d’obliger les différents documents d’urbanisme à se mettre en conformité avec le projet.

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