Permettre de libérer la parole, de créer les conditions du dialogue, c’est l’objectif de la “roue de la protection”. L’Observatoire départemental des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis a dévoilé mardi ce nouvel outil pour repérer les victimes des violences sexuelles en particulier des jeunes.
Salle comble, mardi, à la bourse du travail Clara Zetkin de Bobigny. A l’occasion de la 22ème rencontre de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes, plusieurs centaines de professionnels de l’assistance sociale ont pu longuement applaudir l’inscription, la veille, du droit à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dans la constitution.
Un outil inspiré du disque de grossesse
Cette année, la structure dirigée par Ernestine Ronai a voulu mettre le focus sur l’exploitation sexuelle des femmes et des mineures. “L’idée est de créer les conditions favorables à la libération de la parole“, explique la directrice de l’Observatoire. “C’est un signal politique fort que nous avons voulu envoyer“, pointe, de son côté, Stéphane Troussel. “L’heure n’est plus au diagnostic, mais à l’action.”
Pour les acteurs de terrain, le repérage des victimes reste, en effet, un enjeu capital. “Notre mission est de repérer les facteurs de vulnérabilité. Nous sommes face à des personnes qui, au moment où on les rencontre, ne se reconnaissent comme victimes de violences sexuelles“, remarque Marie Pellieux, directrice adjointe de l’Amicale du nid 93, qui mène des mesures d’évaluation ou d’accompagnement auprès des personnes en situation ou en danger de prostitution.
L’outil, inspiré du “disque de grossesse” utilisé par les gynécologues, est composé de trois roues concentriques que les victimes sont invitées à manipuler. La première propose une graduation d’états ressentis, allant du plus clair au plus sombre, du “je suis contente” au “je suis désespérée”. De la même manière, la deuxième roue, baptisée “je vis“, échelonne des situations du mauve foncé et au bleu clair, du “je m’entends bien avec la famille” au “j’ai envie de me suicider“. La troisième roue recense des besoins comme, par exemple, “j’ai envie de me sentir libre“.
“La roue lui a permis d’exprimer ce qu’elle venait de vivre”
Marie Pellieux prend le cas de Fara, une jeune femme déjà connue de l’Amicale du nid et qui a, relate-t-elle, “lancé un appel au secours” après une énième fugue. “Fara avait été en mesure d’appeler à l’aide, mais elle était prostrée, elle n’était plus du tout en mesure de pouvoir s’exprimer. La collègue qui l’a prise en charge lui a proposé d’utiliser la roue. Fara avait pointé “je me sens coupable”, “je reçois des propositions d’inconnus sur les réseaux” et, pour exprimer ses besoins : “j’ai besoin de comprendre comment j’en suis arrivé là“. La roue lui a permis d’avoir un temps pour revenir à la réalité et d’exprimer ce qu’elle venait de vivre. La collègue a ensuite pu recréer un échange“, observe-t-elle.
“Cet outil permettra de repérer des situations de risque ou de violences sexuelles avérées le plus en amont possible“, estime Clélie Pellottiero, cheffe de service adjointe à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui considère que “la roue de la protection permet aux jeunes de s’exprimer avec leurs mots à eux. On a souvent tendance, les professionnels, à poser nos mots sur ce qu’on perçoit de la situation.”
La roue de la protection s’ajoutera à d’autres dispositifs d’évaluation tels que le violentomètre ou le michtomètre, porté par l’association Agir contre la Prostitution des Enfants (ACPE), mais décrié par l’Observatoire départemental des violences envers les femmes. “Il emploi un language qui est non respectueux du jeune“, estime le juge Édouard Durand, ancien co-président de la Commission indépendante contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). “Je crois que la roue de la protection est le premier outil qui prend conscience que les enfants ont des besoins. On attend toujours de personnes dont le langage a été bafoué d’être les premières à instaurer la parole avec nous. En réalité, on attend quelque chose d’impossible. C’est pourquoi 160 000 enfants victimes chaque année n’ont pas de visage“, ajoute-t-il.
Après avoir été expérimentée par plusieurs structures, comme l’Amicale du nid 93, le centre Hubertine Auclert, Une femme un toit ou le LAO Pow’her, la roue de la protection devrait être diffusée en mai ou juin auprès des professionnels de l’ASE, des centres de planification ou des infirmières scolaires.
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