Harcelés depuis quatre ans par un ménage de voisins homophobes, Laurent et Lionel sont sur le point de quitter leur ville de Vitry-sur-Seine. Comment en est-on arrivé là, en 2024 ? Témoignage et explications.
Installés ensemble depuis une trentaine d’années, dans un appartement du centre-ville de Vitry-sur-Seine, Laurent et Lionel subissent depuis 2020 les insultes et les coups de pression d’un homme et de son fils, qui ont emménagé au-dessous de chez eux. “Ils nous traitent de pédales, de fiottes. Ils coincent mon mari dans l’ascenseur et l’insultent. Notre boîte aux lettres a été souillée et fracturée. Nous recevons des appels malveillants à l’interphone ou à la porte“, énumère Laurent, 53 ans, souffrant d’une spondylarthrite qui réduit sa mobilité. Le quinquagénaire attribue au stress et à l’angoisse de cette vie une dégradation de son état de santé. “Des problèmes de peau, cardiaques, des troubles du sommeil et de la concentration, je dois même consulter un psychiatre“, explique-t-il. Lionel, son mari, septuagénaire, a pour sa part fait deux tentatives de suicide.
De nombreuses alertes sans réponse
Avant l’installation de ce nouveau voisin et de son fils à l’étage inférieur, les deux hommes n’avaient jamais eu à se plaindre du voisinage. Surpris par les premiers témoignages d’hostilité, le couple s’est immédiatement plaint au bailleur social, Valdevy, et à la mairie, puis a déposé des mains courantes au commissariat de police. Devant la récurrence des agressions, ils sont passés aux dépôts de plaintes. En octobre 2021, le voisin a été entendu par un policier, mais la situation n’a pas évolué.
“Tout le monde nous a dit de fuir, mais nous sommes bien dans cet appartement. J’ai repris le bail de ma grand-mère et je ne trouverai jamais un tel loyer. Pour pouvoir rester, nous avons dû adopter des stratégies d’évitement. Quand je sors avec mon mari, nous descendons chacun notre tour et nous nous attendons à plusieurs centaines de mètres de la résidence“, explique Laurent.
En novembre 2023, Laurent a profité d’une réunion sur le chauffage entre les locataires de la résidence et le directeur local de Valdevy, Guillaume Martin, pour l’interpeller sur leur situation. Le directeur territorial a alors indiqué qu’il lançait une enquête.
Persécution
Mais, en décembre, la tension a redoublé. Le 14 décembre, alors que le couple attend le bus, leurs deux voisins homophobes les repèrent et viennent les insulter. “J’ai voulu capter la scène avec mon téléphone portable, mais l’homme s’est énervé. Le bus est arrivé, et, comme j’allais monter dedans, il m’a attrapé par le manteau. J’ai réussi à m’extirper tout en me blessant à la main. Lorsque les portes se sont refermées, il s’est mis à frapper les vitres en criant des insultes homophobes“, raconte Laurent. Après cet épisode de violence, les deux locataires, traumatisés, passent plusieurs semaines chez des proches dans le sud de la France. “À notre retour, ils ont recommencé à nous emmerder. Ils m’ont couru après et j’ai dû me réfugier dans une boutique. Ils s’étaient postés devant la porte d’accès à la résidence. C’est la police qui est venue nous exfiltrer“.
Totalement désemparé et s’estimant abandonné par le bailleur, le couple décide de médiatiser son calvaire. “En 32 ans de couple, nous avons vécu trois situations d’homophobie. Je pense à une agression verbale subie il y a quelques années à la piscine d’Alfortville. Nous avions alors immédiatement été reçus au cabinet du maire pour être accompagnés. Là, la situation est extrême et nous attendons depuis plusieurs années que l’on nous vienne en aide”, regrette Laurent.
Vers un déménagement des victimes
De son côté, Valdevy indique s’être saisi du dossier depuis la fin octobre 2023. “Le locataire insistait pour être reçu par le directeur d’agence qui n’est pas habilité pour traiter de ce type de cas. Le bon point d’entrée est le service de médiation. Nous lui avons expliqué que la répétition des insultes pourrait permettre à Valdevy d’engager une procédure de résiliation de bail, à condition de disposer d‘attestations Cerfa“, explique Charlotte Ougier, directrice générale adjointe de Valdevy. L’institution indique par ailleurs que le voisin pourrait être expulsé pour une occupation sans droit ni titre de ce logement. “Nous avons un doute sur le fait que cette personne soit bien titulaire du bail.”
Ce mercredi après-midi, le couple a également été reçu en mairie, par le premier adjoint Luc Ladire et la conseillère municipale déléguée aux discriminations, Maeva Durand. “Depuis ma prise de fonction, on ne m’a jamais fait part d’une situation d’homophobie, quelle qu’elle soit, témoigne l’élue. La maire-adjointe regrette “un manque d’associations locales sur les questions LGBTI”, lesquelles permettent de relayer ces situations auprès des élus. “C’est d’autant plus triste que nous prenons des initiatives sur le sujet, comme, par exemple, la mise en place de safe-zone“.
“Nous avons compris qu’il fallait faire attention. Être discrets. Ne pas se tenir la main.”
De son côté, Luc Ladire s’est engagé à aider le couple à déménager hors de la ville pour garantir sa sécurité. “C’est un crève-cœur. Nous sommes contre le départ des victimes des domiciles”, insiste pourtant l’élu. “Il ne faut pas laisser penser aux gens qui harcèlent que leurs actions sont acceptables“, regrette le maire-adjoint qui promet de solliciter la préfecture pour permettre un déménagement rapide.
En attendant, Laurent et Lionel devront tenir le coup, s’imposant, plus que jamais, une discrétion à laquelle ils s’astreignent depuis déjà trop longtemps. “Il y a un décalage entre les beaux discours et la réalité, regrette, amer, Laurent. Depuis que nous vivons ensemble ici, dans les années 1990, nous avons compris qu’il fallait faire attention. Être discrets. Ne pas se tenir la main ni s’afficher comme couple gay. Aujourd’hui, ça s’est aggravé.”
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ces violences sont bien trop souvent cachées, j’ai vu que jeudi soir les insoumis de créteil organisent une soirée thematique sur la question lgbtqi+
Soutien à Laurent et Lionel !
Incroyable que les harceleurs s’en tirent et que les victimes doivent partir… en dehors de la ville. On marche sur la tête…
D’autant plus qu’ils ne devraient pas être là si on lit bien ” le voisin pourrait être expulsé pour une occupation sans droit ni titre de ce logement. “Nous avons un doute sur le fait que cette personne soit bien titulaire du bail.”
Les excuses de Maeva Durand et de Luc Ladire sont inacceptables et pathétiques ! C’est à eux de se bouger pour faire respecter “le vivre ensemble’ à Vitry sur Seine. C’est ce laxisme de la part des Mairies successives qui crée de l’incivilité à Vitry.
Charlotte Ougier? Donc si on comprend bien, ce couple est harcelé depuis 3 ans, insulté, menacé, maintenant agressé physiquement et cette personne indique qu’il faut une attestation cerfa pour ” engager une procédure de résiliation de bail” car ses agresseurs pourraient de plus occuper cet appartement “sans être titulaire d un bail”…
La mairie va elle agir pour faire déménager les victimes…
Soit c’est une mauvaise blague, soit ces personnes devraient éviter de se regarder dans un miroir pour ne pas avoir honte de leur propre image.
Et que dire de la lâcheté des voisins qui ne font pas bloc contre ce genre d’agissements … ce serait vite réglé si les autres occupants réagissaient, calmement mais fermement.
On marche sur la tête. Les victimes devraient déménager et en dehors de la ville ?
Tout va bien, dans le meilleur des mondes…
On a le prénom des Victimes, mais pas celui des suposés agresseurs ?
Pourquoi ?
Ce n’est plus possible d’être homosexuel dans nos banlieues populaires, la fuite est la seule solution, comme pour les juifs qui sont victimes des mêmes agresseurs.
Oui, vous avez totalement raison. Aujourd’hui on en vient à un degré de tolérance zéro. Les différentes communautés ne se parlent plus et chacun se croit supérieur à l’autre. Ce couple en subit malheureusement les conséquences. Soutien et courage à eux.
Entièrement d’accord avec le commentaire précédent et j’ajouterai : que fait la police ?
Ce qui est étonnant, c’est le manque de communication pour alerter les différents services de la situation (les élus sans doute, mais des associations impliquées sur ces sujets également et le bailleur en premier lieu).
La police enregistre des mains courantes, des plaintes, se déplace pour “exfiltrer”… mais n’alerte personne ?
Il y a un manquement dans le process de signalement.
Quelle honte ! Comme pour le harcèlement scolaire c’est donc aux victimes de partir !
Et les homophobes restent eux bien tranquilles et au chaud.
Et je parle pas des politiques locaux qui n’ont visiblement rien fait et l’excuse du manque d’associations locales n’est pas audible !
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