Histoire | Val-de-Marne | 19/02
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Val-de-Marne : une exposition itinérante éclaire la mémoire de Missak Manouchian

Val-de-Marne : une exposition itinérante éclaire la mémoire de Missak Manouchian © Thomas Tcherkézian Ed Dupuis

Alors que Missak Manouchian entre au Panthéon avec son épouse Mélinée ce 21 février 2024, le Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne propose une exposition itinérante. Celle-ci replace son histoire dans le contexte de l’action des résistants étrangers, met en lumière ses autres compagnons de route et fait place à l’art. Le sien, comme poète, mais aussi celui qu’il a inspiré, du lendemain de la guerre à aujourd’hui. Le musée lui consacre également trois journées spéciales dans ses murs. Éclairage.

L’exposition itinérante est actuellement visible sur les grilles du cimetière d’Ivry-sur-Seine, où ont été inhumés Missak Manouchian, dans le carré militaire, et Mélinée, avant leur panthéonisation.

Contexte. Qui était Missak Manouchian ?

Survivant du génocide arménien de 1915, Missak Manouchian s’est réfugié en France en 1924. Ouvrier, poète et militant communiste, il lutte dans la Résistance au sein des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée). Cette branche de la résistance fut très active, particulièrement à partir de la fin 1942. À l’été 1943, le résistant prend la tête d’une unité d’une cinquantaine de combattants, le groupe Manouchian, qui mènera une trentaine d’opérations dans la région parisienne, ciblant des hauts-gradés nazis.

Mais les FTP-MOI sont intégralement démantelés fin 1943, suite à une série de filatures. Missak Manouchian est arrêté le 16 novembre, suivi lors d’un RDV avec son supérieur, Joseph Epstein. Au total, 68 personnes sont arrêtées lors de cette opération. 23 sont immédiatement jugés et condamnés à mort. Parmi eux, les 22 hommes sont fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Beaucoup, dont Missak Manouchian, seront ensuite inhumés au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. La femme, Olga Bancic, est décapitée en Allemagne en mai 1944. Jugé un peu plus tard, Joseph Epstein est fusillé en avril 1944.

Suite à ce démantèlement, les Nazis lancent une campagne de propagande en faisant placarder 1 500 affiches rouges avec les photos de 10 membres du groupe Manouchian, l’intitulant “l’armée du crime”.

L’épouse de Missak, la résistante Mélinée Manouchian, échappe à son arrestation, prévenue par Knar Aznavourian, la mère du chanteur Charles Aznavour. Elle survivra à la guerre et rejoindra l’Arménie soviétique avant de rentrer en France.

L’exposition itinérante, actuellement visible sur les grilles du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine, circulera ensuite ailleurs en Val-de-Marne et en France. Ses douze panneaux sont disponibles en deux formats. Plus d’infos

Mise en lumière des résistants étrangers

À travers 12 panneaux didactiques et illustrés, le Musée de la Résistance nationale replace la trajectoire de Missak Manouchian dans les pas des nombreux immigrés étrangers qui ont combattu pour la France, en particulier les Francs-tireurs et partisans de la Main-d’oeuvre immigrée (FTP-MOI). “Cette exposition rappelle qu’au travers de Missak Manouchian, sont honorés tous les étrangers qui ont participé à la Résistance intérieure et qui ont donné leur vie au nom des valeurs humaines universelles qui fondent notre démocratie : la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Au Panthéon, aux côtés, de Missak Manouchian et de son épouse, figure désormais une plaque rappelant les noms de leurs 22 camarades de résistance condamnés en février 1944 ainsi que celui de Joseph Epstein, le responsable de Manouchian fusillé en avril 1944”, indique ainsi le musée. 

Au-delà des 23 condamnés après le coup de filet de novembre 1943, le musée revient sur les parcours de Mélinée, mais aussi de Joseph Epstein, responsable militaire des FTP en région parisienne.

21, 24 et 25 février : 3 journées spéciales au Musée de Champigny

En plus de son exposition itinérante, le MRN organise trois journées spéciales autour de la panthéonisation de Missak Manouchian, ce mercredi 21 février, et le week-end des 24 et 25. Programme ci-dessous.

21 février 2024

14 h 30 : Visite guidée de l’exposition permanente du Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne autour de Missak Manouchian
15 h 30 : Découverte de la nouvelle exposition itinérante du musée consacrée à Missak Manouchian
16 h 30 : Diffusion de la cérémonie de panthéonisation à l’Auditorium

Samedi 24 et dimanche 25 février 2024

15 h 30 : Visite guidée de l’exposition itinérante Missak Manouchian – Art, histoire, mémoire
17 h 00 : Conférence avec Xavier Aumage, commissaire de l’exposition Missak Manouchian – Art, histoire, mémoire

Entrée libre et gratuite
Pour tout renseignement : reservation@musee-resistance.com

L’Affiche rouge

L’un des panneaux revient aussi sur l’Affiche rouge de propagande nazie, devenue très célèbre. Celle-ci fut imprimée à 1 500 exemplaires et placardée à Paris mais aussi ailleurs en France, accompagnée de brochures et de tracts antisémites. Un film est également réalisé pour appuyer la propagande dans les actualités cinématographiques. Conçue par les service de propagande français et allemands, elle est aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France.

Manouchian à travers l’art

L’exposition met par ailleurs en lumière la manière dont la mémoire de Missak Manouchian et de son groupe a progressivement émergé, avec, par exemple, David Diamant et Justin Godart, “à l’origine, dès la Libération de l’évocation de l’histoire des “23” au travers d’expositions et de publications.”

La manière dont le héros de la Résistance, qui était lui-même poète, a inspiré les artistes, n’est pas oubliée. “Depuis son exécution jusqu’à son entrée au Panthéon, la figure du Missak Manouchian comme résistant et poète a inspiré nombre d’artistes. Déjà pendant l’Occupation, le peintre résistant Enrico Pontremoli s’empare de la propagande officielle en détournant « l’Affiche rouge». Par la suite, c’est le poème d’Aragon, mis en musique à la fin des années 1950 par Léo Ferré, qui pérennise l’histoire des «23» condamnés de février 1944”, motive le musée.

Plus récemment, la mémoire du couple et du groupe Manouchian a fait l’objet d’un album de bande dessinée, Missak, Mélinée & le groupe Manouchian (Publication aux éditions Dupuis, 2024), illustrée par Thomas Tcherkézian (image de une) sur un texte de Jean-David Morvan.

L’artiste Ernest Pignon-Ernest a également réalisé un portrait de Missak, offert au MRN à l’automne 2017, lors du lancement de la souscription citoyenne pour financer l’installation du nouveau musée. “Loin d’être anecdotiques, elles (ces œuvres) pallient le manque d’images concernant les actions clandestines. Elles illustrent aussi les biographies de Manouchian et de ses compagnons de vie et de combat.”

Présentation du portrait de Missak Manouchian offert par Ernest Pignon Ernest lors du lancement de la souscription citoyenne pour financer l’installation du nouveau musée, à l’automne 2017.

Missak Manouchian lui-même fut poète. Il cofonda notamment une revue littéraire en langue arménienne qui parut entre 1930 et 1931, dont 6 des 12 exemplaires sont conservés à la Bulac (Bibliothèque universitaire des langues et civilisations). Un recueil de poèmes édité en langue arménienne fut aussi édité à titre posthume par sa veuve et son comité de soutien. Cet ouvrage a récemment fait l’objet d’une version numérisée par la Bulac.

Une édition bilingue est parue en janvier 2024, traduite par Stéphane Cermakian, avec une double préface d’André Manoukian et de Didier Daeninckx, éditée par Points Poésie.

L’auteur de romans noirs, Didier Daenincks, qui réside par ailleurs dans le Val-de-Marne, à Fontenay-sous-Bois, vient également de signer une bande dessinée, Une vie héroique, avec le dessinateur Mako et l’illustratrice Dominique Osuch, aux éditions Les Arènes.

Les dernières lignes écrites par Missak Manouchian depuis la prison de Fresnes, ne sont pas un poème, mais une lettre à Mélinée. “Je mourrai avec 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie.”

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