Consommation | | 23/05
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Vincennes veut supprimer les sacs plastiques sur ses marchés

Vincennes veut supprimer les sacs plastiques sur ses marchés © F. TDL

Alors que les sacs plastiques à usage unique sont désormais interdits dans les supermarchés, ils restent tolérés sur les marchés, mais les villes commencent à prendre l’initiative pour accélérer la transition. C’est le cas de Vincennes qui a annoncé la fin des sacs plastiques au marché pour septembre. Derrière les étals, les commerçants s’inquiètent toutefois de cette transition. Ambiance.

On ne peut pas tout proposer en vrac, surtout en extérieur. On n’est pas en boutique”, prévient Jérôme, fromager sur le marché Fontenay, l’un des trois de la ville. “J’insiste le plus possible pour que les clients ramènent leurs sacs plastiques mais quand ils n’en ont pas il n’y a pas le choix, on leur donne des sacs. Je ne me vois pas donner les crevettes dans la main comme ça, même un poisson, ou alors on emballe dans les papiers journaux comme avant“, confie Iberbat, poissonnier. “Il faudra du temps, je lai dit à la mairie, que d’ici septembre, ce serait compliqué“, abonde Walid, maraîcher.

Les contenants jetables alternatifs coûtent plus cher

Des sacs biodégradables ressemblant au plastique existent pourtant, mais “ça vaut une fortune, c’est le prix qui nous arrête”, témoigne un autre maraîcher. “Les pochettes en papier recyclable sont beaucoup plus chères. Si les gens ne les ramènent pas, c’est difficile pour le commerçant”, confirme Jérôme. “Pondre de nouvelles règles, c’est bien, mais il faut qu’il y ait des aides derrière ou alors une communication qui soit meilleure“, s’agace le commerçant. “C’est comme pour le traiteur libanais d’à côté, comment emballer les sauces à part acheter des barquettes en aluminium qui coûtent un bras sans augmenter les prix ?” questionne Iberbat. “Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’autre type de sacs viable pour nous. Le poisson est trop humide pour les sacs plastiques biodégradables. C’est trop fragile et cher, donc on a besoin des sacs actuels“, tranche le poissonnier. 

Il y a bien le papier Kraft, mais il ne convient pas toujours. “On ne peut pas mettre du fromage dans un papier Kraft quand il pleut. Et puis, c’est beaucoup plus cher, c’est multiplié par 5. Cela oblige à prendre sur sa marge”, confie encore le fromager. Angélique, maraîchère, voudrait pour sa part plus de temps pour se mettre en conformité, et regrette qu’aucune aide ne soit prévue.

Besoin de temps pour changer

Et puis, relève-t-elle. les affiches sont passées dans des plastifieuses ! Franchement, c’est pas terrible pour faire une pub anti-sacs plastique !” Jérôme tempère : “le panneau est en plastique, oui, mais c’est compliqué de faire autrement. Si on met un panneau en papier, il ne tiendra qu’une journée. S’il pleut, c’est terminé.”

En réalité, c’est surtout le message sur les affiches qui agace. “C’est écrit : vos commerçants s’engagent, mais il n’y a pas spécialement eu de dialogue. Le placier du marché est venu nous prévenir et on a reçu un mail de la mairie nous spécifiant qu’il fallait qu’on arrête les sacs en plastique.”

L’affiche placée sur les stands de tous les commerçants, invitant les clients à apporter leurs sacs

Comment écouler les sacs déjà achetés ? 

Walid s’interroge sur la manière dont il va pouvoir se débarrasser de ses stocks. “On va essayer de tout liquider mais je ne pense pas qu’au mois de septembre j’aurai fini. On a au moins 10 cartons en réserve, sachant qu’on tient trois mois avec un seul (il y a 2000 sacs dans chaque carton)“, calcule-t-il. “J’en ai une palette et demi, soit 54 000 sacs plastiques“, chiffre Iberbat. Jérôme, lui, a anticipé ce problème. “Aujourd’hui, j’achète les sacs à flux tendu. Quand j’ai besoin d’un carton, j’en prends un, je n’achète plus des quantités comme avant.” 

Les commerçants s’inquiètent également de réactions négatives des clients s’il n’y a plus de sacs mis à leur disposition, et de freins à l’achat.

Des clients sensibles à la transition écologique

Du côté des clients, on apprécie la transition écologique. “Je suis pour l’interdiction, affirme un habitant. Ce n’est pas un problème de ramener nos sacs, on s’y fera. Il faut venir avec des récipients de chez soi.” Une autre cliente abonde : “tous les marchés devraient généraliser cette mesure, c’est au nom de l’écologie, ce sont des choses à faire”, estime-t-elle. “Je suis d’accord avec cette mesure pour qu’il y ait moins de plastiques sur les plages, c’est terrible la pollution que ça engendre. Il ne faut absolument plus en donner“, abonde une Vincennoise. Certains questionnent toutefois la viabilité des sacs qui remplaceront le plastique. “Ceux en kraft ne sont pas toujours assez solides, ça dépend du commerçant“, se demande un consommateur.

Pas de couperet, rassure la mairie

Pour Marie-Hélène Boilot, conseillère municipale déléguée à l’écocitoyenneté, l’inquiétude est compréhensible et l’élue rappelle les étapes prévues et le contexte de la décision, les lois sur la transition énergétique et contre le gaspillage, qui ont d’abord conduit à l’interdiction des sacs plastiques à usage unique aux caisses des supermarchés avant leur bannissement intégral d’ici à 2040. C’est à cette échéance que la ville se prépare, dans le cadre de son propre programme de transition écologique. “Dès 2019, nous avons mis en place une charte zéro déchet avec les commerçants de centre-ville. En 2020, nous avons expérimenté le recyclage déchets organiques, en lien avec notre intercommunalité Paris Est Marne et Bois. Et, en 2022, le conseil municipal a voté un pacte écocitoyen à l’unanimité”, détaille l’élue.

Concernant la suppression des sacs plastiques sur les marchés, la conseillère rappelle l’enjeu écologique et de santé publique, car le plastique contient des perturbateurs endocriniens. Elle insiste sur la phase préalable de communication, indiquant que le sujet a d’ores et déjà été abordé lors d’une réunion avec des commerçants puis en réunion de quartier. “Nous communiquons aussi dans le journal municipal.”

“En aucun cas, il ne s’agit de stigmatiser les commerçants, ce sont des partenaires essentiels”, assure l’élue pour qui la seconde étape est la confrontation au terrain, pour étudier des solutions alternatives avec les commerçants et les accompagner dans le changement. Pas question d’infliger des amendes, donc, à ce stade. Mais, “toutes les parties prenantes doivent prendre leur part”, estime l’élue. Commerçants, mais aussi consommateurs, invités à avoir un pochon dans leur sac. “Il y a quelques années encore, rappelle Marie-Hélène Boilot, il y avait plein de sacs en plastique aux caisses des magasins. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.”

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