Exaspéré, Jérémie Dulin a asséné un coup “ni adéquat, ni légitime”. Le policier l’a reconnu mardi devant les assises de Seine-Saint-Denis, où il est jugé avec deux autres collègues pour des violences policières sur Théo lors de son interpellation.
Le 2 février 2017, ce gardien de la paix devait “être absent” après avoir été arrêté par le médecin. Mais le chef de bord a “une responsabilité” envers ses agents, explique le fonctionnaire de police, crâne rasé, barbe fournie.
Deux gestes lui sont reprochés : une bousculade et des tirs de gaz lacrymogène sur Théo alors qu’il est menotté. “C’est un mauvais geste que je n’aurais pas dû faire”, admet le policier. “Tout ça est issu d’un déroulement de choses qui me font commettre cette action-là”, enchaîne-t-il.
Avec son équipage de la brigade spécialisée de terrain (BST), il décide d’effectuer un contrôle sur un groupe d’une dizaine de jeunes dans la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois, “un lieu bien connu de vente de stupéfiants”, assure M. Dulin. “On est là pour déranger leurs affaires”.
C’est dans ce contexte que le contrôle d’identité dégénère. “Je vois quelqu’un qui est grand, balèze, qui a porté des coups à mes collègues, essaye de se soustraire au menottage”, selon le récit du fonctionnaire, qui va effectuer “un amener au sol” sur la victime mais échoue à la maîtriser. “C’est la première fois que je perdais le contrôle sur une interpellation”, confie le policier, qui assure que “la majorité des contrôles se passaient bien”.
“Peut-être qu’à ce moment-là, j’étais désabusé”, ajoute-t-il. Au cours de son interrogatoire, le gardien de la paix, 42 ans, originaire des Landes, revient longuement sur son quotidien en banlieue parisienne. “Chaque fois que la BST rentrait dans une cité (…) c’était toujours une défiance, (des) insultes, un sentiment d’hostilité permanent”, affirme le chef d’équipage. L’objectif de leur descente était de “faire bouger les jeunes qui squattent les halls d’immeuble” et s’adonnent au trafic de drogue.
Le jour où Théo se fait contrôler, M. Dulin ne l’avait “jamais croisé pendant quatre ans” de fonction, “jamais vu sur le point de deal”.
Une brigade décriée
Lors de son interpellation, il va recevoir un violent coup avec la pointe d’un bâton télescopique de défense (BTD) dans son anus. Et une fois menotté, le jeune homme va recevoir un coup dans le ventre, se faire bousculer. Sa tête est projetée contre un muret. La scène est captée par la vidéosurveillance de la ville.
Un geste “ni adéquat, ni justifié, ni légitime, j’en ai bien conscience”, dit M. Dulin, qui a eu “sept ans pour bien avaler ce geste”.
“Je suis sur un pic d’adrénaline”, “il y a de la crispation, de l’exaspération, de l’énervement”, se justifie-t-il.
Pour les trois tirs de gaz lacrymogène ? Un “départ involontaire”, jure l’agent, qui est désormais en poste dans son sud-ouest natal.
– “Vous avez la maladie de Parkinson ?”, raille Me Philippe-Henry Honegger, avocat de la partie civile.
Le coup de poing asséné dans le ventre est “léger”, promet le gardien de la paix Tony Hochart, 31 ans. “C’est pour lui couper la respiration”, poursuit le fonctionnaire à la BAC de Lille, sous les yeux ébahis de la présidente.
Théo sera embarqué au commissariat d’Aulnay-sous-Bois pour y être placé en garde à vue. Il présente alors des saignements abondants sur son visage, ses fesses, son t-shirt. La banquette arrière du véhicule de police est aussi tachée de sang.
Mais les fonctionnaires n’ont rien vu des blessures. “Il ne se plaint jamais”, répondent successivement MM. Dulin et Hochart à la barre.
Ce sont d’autres policiers au commissariat qui vont se rendre compte de la gravité de l’état de santé de la victime et vont déclencher les secours.
Interrogé sur la réputation de la BST, qui a fait l’objet de plusieurs plaintes, Jérémie Dulin, poursuivi pour des violences volontaires, estime que ce sont “des balivernes”. Il ne “faut pas nous faire passer pour le croque-mitaine dans l’histoire”.
Le procès se poursuit mercredi avec l’interrogatoire du policier auteur du coup de matraque télescopique.
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