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A Aubervilliers, la réussite du lycée Le Corbusier défie l’origine défavorisée des élèves

A Aubervilliers, la réussite du lycée Le Corbusier défie l’origine défavorisée des élèves © Lycée Le Corbusier

A Aubervilliers, le lycée Le Corbusier affiche un taux de réussite au bac et de mentions particulièrement élevé au regard de l’origine défavorisée de ses élèves. Le fruit d’un pari au long cours: miser sur des classes de seconde à effectif réduit.

Depuis plus de dix ans, ce lycée d’Aubervilliers, au nord de Paris, consacre l’essentiel de ses moyens à garder les classes de seconde à 21 élèves maximum, contre souvent plus de 30 élèves dans les autres établissements.

L’équipe porte aussi “une attention toute particulière sur le climat scolaire, au bien-vivre ensemble” et multiplie les projets culturels pour ses 1 300 élèves, explique à l’AFP le proviseur Antoine Milovanovic.

Résultat : l’établissement ressort en très bonne place dans une évaluation annuelle du ministère de l’Education nationale, les indices de valeur ajoutée des lycées (IVAL, ou IVAC pour les collèges).

Le Corbusier a obtenu un taux de réussite au bac de 90% l’an dernier alors que les attentes du ministère se situaient à 79%, au regard des catégories socioprofessionnelles des familles très en-deçà de la moyenne nationale, et d’un taux de boursier de plus de 60%, entre autres critères. Soit un IVAL de +11, l’un des plus élevés du pays pour un lycée général et technologique.

Ces indicateurs ont pour objet de prendre de la distance avec les taux bruts de réussite au bac ou au brevet, souvent les plus scrutés par les parents, et qui mettent généralement en valeur des établissements d’élite, publics ou privés, situés dans des quartiers cossus où vivent des populations aisées.

Ces établissements, comme le lycée Stanislas ou Fénélon à Paris, ressortent avec un IVAL de zéro, car au regard de leur population favorisée, ils n’ont pas de valeur ajoutée, même avec leurs 100% de réussite au bac.

“Comparaisons naïves”

Pour Julien Grenet, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l’École d’économie de Paris, les indicateurs IVAC et IVAL “alertent sur le biais de comparaisons naïves, les classements produits par beaucoup de magazines ou journaux”.

“Ce n’est pas parce qu’un établissement a 100% au bac qu’il est forcément excellent. Ses élèves auraient très bien pu avoir les mêmes résultats” ailleurs”, dit-il.

Au Corbusier, les enseignants disent n’accorder que peu d’importance à ces indices.

Diane Chamboduc, professeure d’histoire-géographie, reconnait cependant un impact sur la réputation du lycée: “et si le lycée a bonne réputation, plus de professeurs vont essayer d’avoir un poste ici, plus d’élèves tenter d’avoir une place ici, c’est un cercle vertueux”.

Sa collègue Gaëlle Adroguer, professeure de physique-chimie, ajoute que l’effet “vitrine” permet aussi à l’équipe de mieux négocier avec le rectorat pour réclamer des dotations d’heures de cours supplémentaires, ou essayer de garder celles dont ils bénéficient actuellement, malgré l’austérité budgétaire.

“L’IVAL c’est l’occasion de montrer par les chiffres que” le choix des classes à effectifs réduits “fonctionne”, ajoute-t-elle.

Un avis partagé par les élèves: “On a vraiment une pédagogie structurée au sein du lycée, donc la notation (…), elle est complètement justifiée” salue Lyna Halliche, élève de terminale et représentante au conseil de vie lycéenne.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, premier syndicat pour l’enseignement secondaire, est toutefois très critique. Les IVAC et IVAL relèvent d’une politique de “mise en concurrence des établissements” et contribuent à mettre “sous pression des collègues”, juge-t-elle, alors que la performance relève avant tout selon elle des moyens.

Le lycée Le Corbusier bénéficie notamment d’un beau bâtiment construit par un architecte reconnu il y a une vingtaine d’années. Doté de vastes volumes et d’un puits de lumière, “c’est un lieu agréable, les gens s’y sentent bien”, admet Mme Chamboduc. Cela contribue à attirer les bons élèves du département, qui participent à la réussite du lycée.

Mais un bon IVAL n’efface pas toutes les difficultés: “On reste dans le 93” et sur la plateforme de préinscription aux études supérieures “Parcoursup, les élèves sont quand même étiquetés ‘milieu populaire’, ils ont moins de chances après d’être pris dans des formations prestigieuses”, craint Mme Adroguer.

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