Entreprendre | | 28/09
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À Aubervilliers, Positiv ouvre une nouvelle antenne pour booster l’entrepreneuriat local

À Aubervilliers, Positiv ouvre une nouvelle antenne pour booster l’entrepreneuriat local © Positiv

L’association nationale Positiv, qui lutte contre la précarité en aidant les jeunes avec des idées d’entreprise à formaliser leur projet et consolider leur business modèle, vient d’ouvre une antenne à Aubervilliers. Il s’agit de la troisième en Seine-Saint-Denis. Explications avec Teddy Samar, multi-entrepreneur originaire de Bondy, où il vit toujours.

Monter un business plan, chercher des financeurs, trouver une clientèle, réussir, échouer, recommencer… Pour Teddy Samar, l’engouement comme les déceptions de l’entrepreneur n’ont aucun secret. Depuis un peu plus d’un an, il est à la tête des activités de Positiv en Seine-Saint-Denis. L’association créée par Jacques Attali après les émeutes de 2005, a ouvert trois nouvelles antennes dans le département. Après Noisy-le-Grand et Neuilly-sur-Marne, la dernière s’est installée depuis le 1er septembre au 93 rue Heurtault, dans un local de l’OPH (office de l’habitat public) d’Aubervilliers.

© Ville Aubervilliers
Fatoumata Souane a lancé sa marqué des petits pots Madoudinette.

On parle de concret, d’un modèle d’activité qui peut être monétisé

L’association est née en 2005 à la suite du drame de la mort de Ziad et Bouna. Notre mission est de redonner le pouvoir d’entreprendre à des personnes qui sont éloignées, voire très éloignées de l’emploi, qui sont laissées pour compte et discriminées, pour les aider dans leur parcours d’insertion“, explique Teddy Samar. Concrètement, Positiv cherche à faciliter la création de l’activité économique dans les quartiers politique de la ville. “On aide les porteurs de projets à structurer leur idée pour que ça prenne la forme d’un business“, résume-t-il. “Business”, un terme qu’il préfère à celui d’entreprise, trop fourretout pour lui. “On parle de concret, d’un modèle d’activité qui peut être monétisé“, précise-t-il.

Pas de fausse promesse pour autant. “Les personnes doivent arriver avec une idée assez claire, assez mature de leur projet, pour qu’on puisse les aider à le structurer. Ça peut être un commerce d’alimentation, un traiteur, un service de VTC ou de transport…. Si l’offre de produit ou de service n’est pas assez définie, on les oriente vers d’autres structures“, explique le responsable territorial de l’association. Le rôle de Positiv est d’apporter les réponses au “comment je fais ?” : “On va aider à délimiter la zone d’activité, à définir l’offre de service ou d’activité et sa cible de clientèle, à se différencier de la concurrence, à établir les prix, à mettre au point une stratégie commerciale, à identifier des partenaires. Dès que l’on peut envisager un volume d’activité, on va évaluer des prévisions financières, de sorte que le porteur de projet puisse avoir une idée de comment il va pouvoir vivre de son activité“, détaille-t-il. Ce support servira aussi à convaincre les nécessaires partenaires financiers, banques ou structures de micro-crédit par exemple, comme l’Adie (association pour le droit à l’initiative économique). Parfois ce même sont les acteurs institutionnels qui orientent des porteurs de projet vers Positiv.

© DR
Teddy Samar

“Je suis devenu entrepreneur avec tout juste le bac

Teddy Samar, 43 ans, sait de quoi il parle. “J’ai arrêté l’école à 17 ans quand je suis devenu papa. Il fallait que je gagne ma vie. De fil en aiguille, je suis devenu entrepreneur avec tout juste le bac. J’ai commencé par ouvrir un magasin en 2009 aux Pavillons-sous-Bois. Je réparais des consoles de jeu, des ordinateurs et des téléphones portables“, relate-t-il. Attiré par l’e-commerce, il revend son enseigne. “C’est comme ça que j’ai rencontré Positiv en 2014. Je suis allé voir le conseiller de l’antenne de Bondy-Nord [qui est aujourd’hui le responsable de l’antenne d’Argenteuil, dans les Hauts-de-Seine]. J’ai travaillé avec lui à un business plan et j’ai obtenu un petit financement de 8 000 euros de l’Adie, que j’ai remboursé, pour financer du stock de produits capillaires”. En cinq ans, le “city commerce” grandit et finit par devenir un institut de beauté, qu’il ouvre avec son épouse rue de Belleville à Paris (20ème arrdt). Il bénéficie cette fois d’un accompagnement bien plus conséquent de la chambre de commerce et d’industrie. Las, le covid et les confinements conduiront le couple à mettre la clé sous la porte.

Entre temps, Teddy Samar a repris le chemin de l’école, un autre pari gagnant. “Je suivais des formations en digital marketing quand j’ai lancé mon city commerce. J’ai rencontré un peu par hasard le directeur du master entrepreneuriat du CNAM [conservatoire national des arts et métiers] qui m’a conseillé de faire une validation des acquis professionnels [VAP]. Ça m’a ouvert la voie pour passer un master entrepreneuriat que j’ai obtenu en novembre 2021. J’ai acquis la théorie sur tout ce que j’avais expérimenté. J’ai mis des mots sur les process, ce qui m’a permis d’accompagner à mon tour les gens qui veulent se lancer“, relate-t-il. D’abord, à l’Inseec, une école de commerce spécialisée dans le management, en tant que responsable relation entreprise, pour aider les étudiants à trouver un contrat d’alternance. En 2024, il rejoint Positiv dont il devient responsable des actions en Seine-Saint-Denis. Un concept le marque en particulier : “l’effectuation”. “Le principe est de capitaliser sur ce que l’on a, sur ses propres forces, ses propres moyens, même si c’est peu, pour faire de l’argent. C’est ce que j’ai fait“.

© OPH Aubervilliers
Positiv s’est installé dans un local de l’OPH d’Aubervilliers au 93 rue Heurtault

On aide trop souvent à créer une activité pour arrondir les fins de mois, mais rarement à voir grand. Le syndrome de l’imposteur revient beaucoup

À Aubervilliers, l’entrée des locaux de Positiv sera bientôt surmontée d’une grande enseigne sur laquelle sera inscrit “le pouvoir d’entreprendre”. Avec un taux de chômage de 20% dans la commune, 7 point au-dessus de la moyenne nationale, la création d’activité peut, de fait, être puissant un levier d’insertion. “Dans les quartiers, cette envie d’entreprendre transpire“, constate Teddy Samar. “Mais, c’est surtout parce que les gens veulent s’en sortir. Beaucoup entreprennent par défaut. Dans mon cas, j’ai pris de gros risques parce que je ne trouvais pas ma place dans le monde professionnel. Les bénéficiaires du RSA ne se lancent pas pour devenir millionnaires. Le problème est que, souvent, l’activité n’est pas déclarée par crainte de se faire sucrer les aides“, observe-t-il.

“Dans le club de foot de mon fils, tous les jeunes se battent pour être footballeur pro, alors qu’ils auraient plus de facilités à devenir avocat ou médecin”

Lors de l’inauguration de l’antenne, Teddy Samar a fait un clin d’œil au rappeur Mac Tyer du groupe Tandem qui lâche dans un de ses morceaux : “tout serait différent si la Sorbonne était domiciliée à Auber“. “Je pense qu’il y a un vrai sujet sur les modèles de représentation qu’ont les gens des quartiers. Ce sont souvent les mêmes. Dans le club de foot de mon fils, tous les jeunes se battent pour être footballeur pro, alors qu’ils auraient plus de facilités à devenir avocat ou médecin. Il y a une difficulté à se projeter dans la diversité des métiers qui existent ou, quand on veut entreprendre, dans des secteurs d’activité au-delà de ce qui revient toujours. On rencontre rarement des gens qui veulent, par exemple, devenir ingénieur. C’est toujours VTC, traiteur, artisan, couturier. On aide trop souvent à créer une activité pour arrondir les fins de mois, mais rarement à voir grand. Le syndrome de l’imposteur revient beaucoup“, analyse-t-il. Autre handicap bien concret : l’accès au nécessaire réseau de connaissances pour faire circuler un CV ou de partenaires pour lancer une entreprise.

“Tout sauf ce que nous vendent les réseaux sociaux : tu t’immatricules et, du jour au lendemain, tu pars d’installer à Dubaï

Pour Teddy Samar, le plus difficile dans la création d’une entreprise “est de s’imaginer en tant qu’entrepreneur. C’est pour cela qu’une de nos missions est de sensibiliser, en particulier les jeunes, à comprendre la posture d’entrepreneur. S’attendre à bosser dur, à être résilient et déterminé. Tout sauf ce que nous vendent les réseaux sociaux : tu t’immatricules et, du jour au lendemain, tu pars d’installer à Dubaï. L’accompagnement de Positiv sert à se poser les bonnes questions“, observe-t-il. Et, de citer deux exemples de réussite : Fatoumata Souane qui a lancé une marque de petits pots pour bébé hallal aux recettes africaines comme le mafé ; et Yannis Lemay qui a imaginé son projet de solutions capillaires contre la chute de cheveux à la maison d’arrêt de Chokona à Meaux. “L’entrepreunariat ce sont les montagnes russes. Quand je me suis lancé dans le e-commerce, je n’ai pas gagné un centime au début. Mais au bout d’un an, mon site internet était numéro 1 sur Google sur certains mots-clés, j’avais 30 appels par jours et ça roulait tout seul. Pour surmonter les moments difficiles, par exemple, faire face à un nouveau concurrent ou à une crise, il faut être suffisamment passionné par le produit ou le service que l’on vend. Dans les affaires, selon moi, l’opportunisme a des limites“, témoigne-t-il.

L’antenne de Positiv d’Aubervilliers sera ouverte au public chaque premier jeudi du mois de 14h à 16h. L’objectif de l’association est d’accompagner une centaine de porteurs de projet par an, comme dans les autres communes où elle est implantée. “On sait qu’elles ne vont pas toutes créer une boîte et s’immatriculer. Ce qui est important pour nous est de mettre en place un suivi et que le porteur de projet réussisse à s’orienter et à mieux connaitre ses objectifs“, concède Teddy Samar. À l’échelle nationale, l’association revendique 30 à 40 personnes suivies par antenne qui franchissent le pas de l’inscription au registre du commerce sur 100 accompagnées. 85% d’entre elles sont toujours en activité après trois ans.

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