Un blaze, un lettrage ou encore une casquette transformée : douze élèves de l’Ulis (unité locale d’inclusion scolaire) du collège Georges Politzer de Bagnolet et de l’institut médico-éducatif (IME) Bernadette Coursol, se sont initiés à la culture Hip hop durant six mois. Avec l’artiste Claire Courdavault et l’association Citoyenneté jeunesse, ils présentent leurs œuvres dans une exposition à La Fabrique made in Bagnolet du 10 avril au 4 mai 2025. Reportage.
Avec ce nom qui claque, “Les Princes de la ville” est plus qu’une simple exposition, mais une véritable expérience humaine. Baptisée en hommage au disque éponyme du 113 et à Dj Medhi, elle marque l’aboutissement de six mois de travail, de découverte et de création. “L’idée était de travailler sur les valeurs du hip hop, qui sont à la base celle de paix, de l’entraide et de l’humanité. Je ne fais pas de graffiti, mais je me reconnais pleinement dans ce mouvement“, explique Claire Courdavault, l’artiste qui a proposé le projet aux élèves de l’Ulis Georges Politzer de Bagnolet et de l’institut médico-éducatif (IME) Bernadette Coursol de Montreuil qui accueille des jeunes âgés de 11 à 15 ans.

“Tout l’enjeu est d’apporter une ouverture culturelle et artistique aux élèves, mais aussi, avant, d’aiguiser leur esprit critique“
À l’origine du projet, Déborah Chicheportiche, l’enseignante coordinatrice de l’Ulis, a sollicité l’association Citoyenneté jeunesse, basée à Saint-Ouen depuis décembre dernier, pour mettre en place un parcours culture et art au collège (CAC). Ce type de projet participatif est centré sur une mise en relation directe entre les élèves et un artiste (ou, selon la nature du parcours, un scientifique ou un journaliste), durant 20 heures de pratique environ. “Du fait de leur situation de handicap, certains élèves de l’Ulis partagent leur temps entre le collège et des structures de soins. Ce temps peut être important, ce qui les empêche de participer à des projets de long terme dans leur classe ordinaire. Ce type de projet leur permet donc de prendre part à une action culturelle comme le font beaucoup d’autres jeunes“, pointe l’enseignante.
Pour l’année scolaire 2024-2025, 256 projets de ce type ont été financés par le département de la Seine-Saint-Denis dans 112 des 130 collèges qu’il compte. “Notre association répond en masse à cet appel à projets du département. Nous pilotons ainsi une quarantaine de parcours CAC par an dont 7 ou 8 concernent des dispositifs Ulis, mais aussi des classes Segpa ou UP2A. Tout l’enjeu est d’apporter une ouverture culturelle et artistique aux élèves, mais aussi, avant tout, d’aiguiser leur esprit critique“, résume Céline Gatel, coordinatrice de projet pour Citoyenneté jeunesse. La spécificité de l’association qui intervient depuis plus de 30 ans en Seine-Saint-Denis, est de chercher à véhiculer les valeurs de citoyenneté. “Dans ce projet, elles sont pleinement sous-jacentes. On passe par une porte dérobée pour réfléchir à des questions sur la fraternité, mais aussi sur les discriminations par exemple“, ajoute-t-elle.
“À travers leurs réalisations, ils ont créé une représentation de leur identité“
Dans le cadre de ce parcours Cac, les élèves de l’Ulis et de l’IME ont découvert différentes facettes de la culture hip hop : ils ont assisté à la répétition générale du concert “Hip-hop symphonique” avec Josman à la Maison de la radio, visité l’exposition “We are here” au Petit Palais et participé à une balade commentée des fresques de street art du 13ème arrdt de Paris. Durant leurs rencontres avec Claire Coudavault, ils ont expérimenté les postures de ce mouvement artistique et culturel. “J’interviens régulièrement en milieu scolaire ou dans le cadre d’association. Ça fait pleinement partie de mon engagement militant“, souligne l’artiste et qui a déjà mené un parcours CAC en 2019-2020, avec une classe de 6ème du collège Jean-Pierre Timbaud de Bobigny.
Concrètement, les élèves ont participé à huit séances de travail. Un premier volet consiste à créer son blaze [son nom], réfléchir au message qu’il véhicule, faire la recherche typographique du lettrage, réaliser le dessin, puis le matérialiser par des stickers uniques. Un second volet a porté sur la personnalisation d’une tenue hip-hop, composée d’une veste et d’une casquette. “À travers leurs réalisations, élèves ont créé une représentation de leur identité. C’est un travail de réflexion qui résonne avec les questionnements de l’adolescence sur l’identité. Comme il a été mené en commun, il a fini par les amener à s’identifier à un même équipage, une même tribu ou une crew [un groupe]”, détaille Claire Courdavault. Les élèves ont aussi été initiés au krump, une gestuelle extrême née à Los Angeles, par la danseuse Malka Amekpom-Zloto, afin d’explorer des postures corporelles en résonance avec leur identité visuelle. Même l’équipe éducative, composée de Déborah Chicheportiche, Anne Vanière et Marie Jacquemin de l’IME Bernadette Coursol, ainsi que l’AESH Frédérique Duchemin, a créé son propre blaze, sous la bannière de la Queen bee crew.
“Ce projet permet à ces adolescents de laisser une trace de leur présence en tant qu’élèves du collège“
Pour l’enseignante de l’Ulis, les retombées de cette exposition sont déjà positives. “J’avais déjà réalisé un parcours de ce type autour de la photographie mais la restitution, dans le CDI du collège s’est avérée trop peu accessible. Je voulais renouveler l’expérience en lui donnant plus d’ampleur. En sortant du collège, dans un lieu ouvert au public, l’exposition aura plus de visibilité”, insiste l’enseignante. “ Je pense que ce projet permet à ces adolescents de laisser une trace de leur présence en tant qu’élèves du collège.”
En plus des customisations des accessoires vestimentaires et des blazes, l’exposition donnera à voir un film d’Afolabi Idowu, ainsi que des tirages argentiques et numériques des photographies d’Étienne Drombois et Alain Smilo qui ont immortalisé les différentes étapes du projet. Les œuvres des élèves seront, par ailleurs, mises en perspective par la présentation d’œuvres d’artistes contemporains et d’archives originales du mouvement hip-hop de la Taxie Gallery, donnant à cette exposition plusieurs niveaux de lecture. Le parcours CAC s’achèvera en mai par une ouverture sur un autre style musical, avec l’exposition “Disco” à la Philharmonie de Paris.
Vernissage le 10 avril à 18 heures à La Fabrique Made in Bagnolet
11, rue Vaillant Couturier, à Bagnolet.
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