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À Bagnolet, le théâtre de l’Échangeur joue sa survie

À Bagnolet, le théâtre de l’Échangeur joue sa survie © CH

Depuis l’annonce d’une nouvelle coupe de son financement par le ministère de la culture, le théâtre de l’Échangeur est en sursis. Créé à Bagnolet, il était devenu un laboratoire de création des arts du spectacle à l’échelle de l’Ile-de-France, tout en contribuant à la vie culturelle de la ville. Contexte avec Régis Hébette, fondateur du lieu et de la compagnie Public Chéri.

262 jours avant la fermeture“, interpellait la dernière assemblée du collectif des Amis de L’Échangeur, qui s’est tenue le 15 octobre. La 6ème depuis le 16 juin et le lancement de la mobilisation mêlant compagnies, artistes, habitants et élus, pour convaincre le ministère de la culture de revenir sur sa décision de réduire de 60 000 euros sa subvention annuelle. “J’ai appris la nouvelle de la Drac (Ndlr : direction régionale des affaires culturelles, représentation du ministère de la Culture à l’échelon régional), officieusement, en avril dernier. C’est devenu officiel à la mi-mai. Dans ces conditions, on doit être réaliste : on ne pourra pas tenir au-delà de juin prochain“, résume Régis Hébette, le fondateur de la compagnie Public Chéri et du théâtre de l’Échangeur.

© L'Echangeur
Depuis le 15 juin, le collectif des Amis de l’Echangeur a organisé six assemblées.

On peut gérer le déficit de 2025 parce qu’on a bien géré l’affaire depuis 30 ans, mais au-delà de juin 2026, ce ne sera pas possible

Cette baisse de subvention, confirmée le 2 octobre, fait passer l’accompagnement de l’Etat de 180 000 à 100 000 euros, après une première coupe de 20 000 euros en 2024. Un coup de grâce pour l’institution fondée en 1995, dans une impasse de l’avenue Gallieni, à deux pas de l’échangeur autoroutier de Bagnolet. “On a une plaquette de saison, avec des engagements qui sont pris. On peut gérer le déficit de 2025 parce que l’on a bien géré l’affaire depuis 30 ans, mais au-delà de juin 2026, ce ne sera pas possible“, explique Régis Hébette.

De son côté, la Drac motive cette baisse de subvention par la baisse de fréquentation de l’Échangeur. En réponse à une interpellation de Sarah Legrain, députée (LFI) de Paris, la ministre (LR) de la culture, Rachida Dati, invite d’ailleurs le théâtre, dans un courrier du 27 août, “à présenter un projet et un modèle économique viables sur la base desquels le ministère pourra allouer la subvention provisionnée pour 2025“. La ministre déplore aussi que “les représentants de l’association n’ont pas souhaité s’engager dans ce dialogue, exprimant par voie de presse leurs inquiétudes et mettant en cause les partenaires publics“. De quoi inquiéter un peu plus Régis Hébette. “Est-ce à dire que notre financement public pour 2025 qui a été notifié par un document public en mai, est remis en question et soumis à condition ? Ce serait totalement illégal“, estime-t-il.

Concernant la fréquentation, Régis Hébette estime qu’elle reste “bonne”, avec “environ 7 000 spectateurs par an depuis que le nombre de dates a été réduit à une centaine par an [116 en 2025], contre 150 dates auparavant“. Avec l’inflation et notamment l’envolée des coûts de l’énergie, l’activité de location est montée en puissance à 200 jours par an. “On accueille environ 80 équipes [compagnies de théâtre, ensembles musicaux ou de danse], dont 17 en résidence de création, 12 implantées sur site dans des espaces de répétitions ou de bureaux ou les deux, et une trentaine en programmation“, énumère Régis Hébette. Autant de compagnies qui viennent de toute l’Ile-de-France et même au-delà.

Sur un budget global d’environ 800 000 euros en 2025, la billetterie de l’Échangeur ne représente que 6 à 7%, dont 70% des recettes sont reversées aux compagnies. “La capacité d’autofinancement du théâtre en général est très faible. Le théâtre public réalise 10 à 15% de recettes propres. Nous, sur l’ensemble de nos activités, c’est 25%. Or, nous maintenons parallèlement un très fort ancrage local, à travers par exemple les ateliers gratuits avec les associations, les scolaires, le conservatoire… J’ai longtemps pensé que l’on était un modèle d’avenir, parce que nous avions la capacité d’assurer des missions de service public à moindre coût. Mais je ne le pense plus, en tous cas à court terme“, déplore Régis Hébette. Le metteur en scène a même dû mettre en veille les représentations de sa compagnie, Public Chéri, depuis avril. “Si je n’ai plus ma place en tant qu’artiste, je ne continuerai pas. Ça ne m’intéresse pas de faire de location d’espace. Je ferai autre chose“, lâche-t-il.

© CH
La grande salle de 150 places de l’Echangeur en cours de préparation, le 23 octobre.

Un outil au service des compagnies

À sa création, le théâtre de l’Échangeur se limitait à la “petite salle” actuelle de 90 places et au bar. Il s’agrandit à partir de la fin des années 1990, en reprenant progressivement les anciens locaux d’entreprises qui l’entourent : d’abord le pavillon situé à l’entrée de l’impasse, où s’installe l’administration, puis le hangar où la grande salle ouvrira en 2008. Viennent ensuite les espaces dédiées aux compagnies en résidence. Au total, l’espace s’exprime désormais sur 2 000 m2. “La logique de cette maison, c’est avant tout d’être un outil au service des compagnies. Pour les faire venir, on leur propose des espaces et du temps pour les répétitions et les représentations. On a voulu les plus grands plateaux possibles, pour offrir le plus de possibilités scéniques. La taille du plateau attire les compagnies qui veulent jouer dans les grandes maisons, mais qui n’ont pas la capacité de se produire… Elle est aussi attractive pour celles qui ont déjà un peu de visibilité. On a pensé tout ça en se demandant dans quelles conditions, nous-mêmes, comme équipe artistique, on accepterait de venir dans un lieu qui n’a pas de quoi nous payer“, précise le metteur en scène.

Les collectivités locales se mobilisent

Le fait que l’on soit en danger de fermeture a entrainé une prise de conscience au niveau local“, constate Régis Hébette. Le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis est notamment revenu sur sa décision de réduire sa subvention annuelle de 15 000 euros, sur un total de 100 000 euros. De son côté, le conseil municipal de Bagnolet a voté le 16 octobre à l’unanimité une subvention exceptionnelle de 20 000 euros, portant son financement total à 165 000 euros en 2025. “C’est finalement la municipalité qui est devenue notre principal partenaire. C’est le seul qui ait maintenu un niveau de subvention au-dessus de l’inflation“, le directeur de l’Échangeur. La région Ile-de-France maintient pour sa part son apport à hauteur de 120 000 euros depuis 2015.

Une réunion d’un comité de suivi associant tous les financeurs du théâtre devrait se tenir le 7 novembre

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