Combattre les préjugés et se débarrasser des stéréotypes pour oser se projeter, tel est l’objet du nouveau programme de sensibilisation en milieu scolaire de l’association Asmae. Objectif : promouvoir l’accès aux carrières scientifiques et techniques des filles. Reportage dans une classe de seconde, au lycée professionnel Robert Keller de Cachan.
Sur les 21 élèves de cette seconde Science et Techniques Médico-Sociales (STMS), 20 sont des filles. La plupart se prédestinent aux métiers de la santé. Pour la proviseure, Fatma Makhlouf, “il est important de leur faire comprendre qu’elle peuvent viser des études supérieures où elles veulent”. C’est dans cette optique que se tient l’atelier proposé par l’association Asmae, fondée par Sœur Emmanuelle en 1980,
“Cela n’a rien à voir avec le genre, c’est avec l’éducation que l’on donne”
L’intervention se déroule sur une heure. “Est-ce que vous pensez qu’il y a de l’équité en 2025 ?”, lance Massilia, médecin. Dans la classe, les premières réactions se font timides. Puis la discussion se concrétise, lorsque l’on aborde des stéréotypes auxquels les élèves se confrontent déjà. “Les filles sont obligés de mettre des jupes”, “les filles ne jouent pas au foot”, “les filles font le ménage”, “les garçons ne pleurent pas”, “les garçons sont forts”. Tous ces préjugés, les intervenantes, Massilia et Lynda, tentent de les déconstruire en racontant l’histoire de femmes scientifiques oubliées de l’histoire, d’Ada Lovelace, pionnière de l’informatique, à la mise en orbite du premier homme dans l’espace grâce aux travaux de l’afro-américaine Katherine Johnson. “L’idée est de faire comprendre que dès le plus jeune âge, il est nécessaire d’inculquer des valeurs égales aux garçons et aux filles. En Suède par exemple, les filles sont meilleures en maths car on les stimule sur tous les sujets et leur ouvre les possibilités. Cela n’a rien à voir avec le genre, c’est avec la société, l’éducation que l’on donne”, défend Massilia.
L’effet Matilda
Les élèves, bien que presque exclusivement des filles, reconnaissent plus facilement les images d’hommes scientifiques que de femmes. C’est l’effet Matilda, développent les intervenantes, du nom de Matilda Joslyn Gage, militante féministe américaine du 19e siècle, qui a travaillé sur l’invisibilisation des femmes scientifiques. L’effet Matilda désigne la tendance à attribuer à tort les réalisations scientifiques des femmes à leurs collègues masculins. “L’exemple de la première photographie faite d’un ADN par Rosalind Franklin est méconnu” explique Massilia aux élèves. La scientifique n’a même pas été citée par ses collègues lorsqu”ils ont gagné le prix Nobel en 1962, en partie grâce à ses travaux.
“On découvre des noms qu’on ne connaissait pas forcément”, témoigne Natidji, 15 ans, en sortant de l’atelier. “Ce serait judicieux de proposer cet atelier aux élèves de troisième en pleine orientation pour le lycée”, estime Eléana. “J’aurais aimé aborder davantage la question des droits des femmes, expliquer pourquoi les cadres sont plus des hommes”, ajoute-t-elle.
“On a déjà eu des campagnes autour des droits de l’enfant, du cyberharcèlement ou encore de l’égalité au sens large, on se centre dorénavant sur l’égalité hommes-femmes dans le domaine scientifique”, motive Lynda. Le nouveau programme est encore en rodage. “On va l’adapter davantage en proposant d’autres noms de femmes issus d’autres métiers, comme dans le domaine de la santé”, indique Massilia, qui regrette pour sa part qu’il n’y ait pas eu d’autres garçons dans la classe. “Quand on parle d’égalité, on a tendance à se focaliser sur les filles et à négliger les garçons, il est important d’inclure tout le monde, sans délaisser un genre”.
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