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A La Courneuve, les seniors héros d’un clip de Zoshia

A La Courneuve, les seniors héros d’un clip de Zoshia © Charlie Arno-Pons

Moustache colorée en bleu, robe avec une longue traîne de tulle rose ou encore cheveux hérissés de toute part, les habitués de la maison des seniors Marcel Paul de La Courneuve se sont généreusement prêtés au jeu pour tourner le dernier clip de l’artiste Manon Brioist, alias Zoshia. Un projet musical intergénérationnel qui a aussi enrôlé les élèves de BTS du lycée Jacques Brel. Reportage. 

Au centre sportif de Marville à Saint-Denis, centre d’entraînement de l’emblématique Red Star Football Club, pas de ballon rond ce vendredi 11 avril, mais un grand voile noir sur les gradins du stade. Dans les gradins, une ambiance de folie orchestrée par des acteurs amateurs de la maison des seniors Marcel Paul de La Courneuve. “La maison accueille les seniors, à partir de 62 ans, qui ne veulent pas connaître l’isolement. Certains viennent quotidiennement, d’autres très rarement, comme à la chorale le jeudi, qui est gérée par un habitué de la maison, Dany”, explique Sylvie. Dany, du reste, est de la partie. Le moustachu, bleu de la tête aux pieds, porte un costume fleuri. “On a dû batailler pour les convaincre de tourner avec Manon. Beaucoup disaient qu’ils étaient trop vieux, mais il n’y a pas d’âge, jusqu’à la fin il faut tenter de nouvelles expériences”, reprend Sylvie, ravie de voir la mayonnaise prendre, et tout le monde à fond dans le projet. Jean et Nicole, qui ont plus de 80 ans chacun et 64 ans de mariage, sont les doyens de cette joyeuse bande. “Les voir sur ce plateau, c’est magnifique, hier, on les a filmés en haut du parc Georges Valbon, c’était un moment hors du temps”, s’émeut Zoshia. Ce tournage est le plus gros projet de Manon Brioist, compositrice, interprète, actrice, grandie dans le Nord et passée par le conservatoire régional de Lille avant de rejoindre le Cours Florent à Paris et de s’installer en Seine-Saint-Denis, à La Courneuve.

© Charlie Arno-Pons
La doyenne, Nicole, accompagnée de l’artiste Zoshia

Pour les acteurs amateurs, passer devant la caméra représente beaucoup d’émotions. “Au premier jour de tournage, on a eu deux seniors qui ont pleuré car ils étaient devant une caméra pour la première fois, c’était comme un rêve pour eux. Claudine, qui porte la robe à carreaux roses, ne voulait pas venir jusqu’au début de semaine. C’est Manon qui a insisté, disant que c’est une perle”, témoigne Thomas Laurent, coréalisateur du projet, tourné sur quatre jours. Claudine ne regrette pas. “Je les remercie d’avoir insisté, c’était une expérience incroyable, il m’a fallu avoir 64 ans pour que je ressemble à ça”, se réjouit-elle.

C’est aussi l’occasion de découvrir l’envers du décor d’un clip. “J’ai appris beaucoup de choses, notamment quand j’ai vu le matériel qu’il faut, on ne voit pas tout cela d’habitude. Maintenant, je pourrai expliquer ce qu’est un technicien de plateau”, s’amuse Annette. Rohit, lui, a craqué lorsqu’il a tourné sa première scène la veille, et se prépare à courir pour la scène de l’après-midi, ses cheveux hérissés de bombe de peinture jaune et bleu. “On ne sait pas forcément ce qui nous attend, mais on est dedans, et on va jusqu’au bout”, se motive-t-il. 

© Charlie Arno-Pons

Au départ : une interview des arrière-grands-parents

L’idée de ce clip est partie de Thomas Laurent, ami de Zoshia, rencontré à l’école de théâtre quatre ans auparavant. “Je voulais interviewer mes arrière-grands-pères avant qu’il ne soit trop tard. Je suis parti voir Jacques, 100 ans passés, et nous l’avons écouté pendant plus de trois heures avec Manon. Elle a décidé de faire comme un diptyque, où elle a mis en chanson l’entretien avec Jacques, et a eu ensuite l’idée d’écrire sa propre chanson sur les seniors”. L’enjeu était de trouver des personnes qui n’étaient pas comédiens et comédiennes à la base : “on se rendait aux thés dansants organisés par l’association La Comète pour trouver des personnes intéressées, on passait beaucoup par le bouche à oreille. Le partenariat avec la maison Marcel Paul a beaucoup aidé dans l’organisation”. La comète est devenue par la suite le lieu des répétitions théâtrales. Au total, cinq ateliers ont été réalisés, afin de les habituer à la caméra. 

© Charlie Arno-Pons
Les interprètes avec Manon Brioist à gauche et Thomas Laurent à droite

Les BTS du lycée Jacques Brel 

La dimension intergénérationnelle du projet s’est aussi appuyée sur les jeunes, en impliquant les élèves de BTS communication du lycée Jacques Brel de La Courneuve. Ces derniers ont bénéficié de cours d’écriture de scénario, de montage, par l’équipe, en amont, avant de venir participer sur place. “L’idée était de suivre le projet en voyant les premières étapes d’écriture, de production en cours, puis d’appliquer cela lors d’une visite du tournage, où chaque élève a choisi un pôle pour découvrir davantage le domaine visé”, développe Anne Bastin, professeure. “C’est la première fois que je vois un tournage, c’est impressionnant de voir comment ils sont partis de l’histoire de l’arrière-grand-père de Thomas pour réaliser tout ça”, commente Inès, en première année de BTS, qui a opéré comme clapistes dans plusieurs séquences. “On a fait un atelier théâtre avec les seniors, on a dansé avec eux”, se souvient Burak, un camarade.

© Charlie Arno-Pons
Ines dans le rôle de clapiste lors de certaines séquences

Un tournage qui ressemble à l’art de Zoshia, nourri de ce monde qui l’entoure, interprété avec humanisme. “Prochainement, on doit aller en boîte avec Chantal et Georgette, elles nous ont invitées. Elles ont tellement d’énergie, cela m’impressionne toujours, j’ai hâte”, confie l’artiste. Le clip, lui, sortira l’été prochain.

© Charlie Arno-Pons
Zoshia, alias Manon Brioist

Remerciements à Charlie Arno-Pons, photographe du tournage qui a illustré cet article. Voir son site internet.

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