Economie circulaire | | 04/09
Réagir Par

À Montreuil, La Venelle dépoussière la seconde main et offre un cadre pérenne aux activités ESS

À Montreuil, La Venelle dépoussière la seconde main et offre un cadre pérenne aux activités ESS

Vêtements, déco, puériculture, mobilier, matériel audiovisuel et même accessoires de sport : le “Village du réemploi solidaire” a ouvert ce mercredi 3 septembre aux abords de la rue de Paris à Montreuil. Unique en France, cette venelle -son autre nom – du secteur Volpetier accueille huit boutiques avec pour objectif de développer l’économie circulaire et l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. Reportage.

C’est incroyable, on ne dirait pas du tout que c’est de l’occasion“, s’étonne Myriam, une riveraine venue par curiosité et qui passe en revue les portants de La Collecterie. “Beaucoup de gens nous disent ça. Cet endroit montre que l’on peut proposer de la seconde dans une belle boutique et pas forcément dans un hangar moche“, se réjouit Séverine Bellec, la directrice de l’association qui avait remporté en 2017 l’appel à projets de la mairie de Montreuil pour créer le village du réemploi.

Lire : À Montreuil, La Collecterie va ouvrir un concept-store de la récup au Village du réemploi

© CH
L’association Neptune ouvre sa 3ème boutique à La Venelle exclusivement sur le textile.

On est sur le haut de gamme de la seconde main

De la déco au sport en passant par le vêtement, le mobilier, l’électroménager, la puériculture ou le matériel audiovisuel, l’offre d’articles de seconde main à la Venelle – l’autre nom du village – est unique en France. En tout, les huit boutiques, plus le café La Passerelle, se répartissent sur 1 800 mètres carrés. “On est sur le haut de gamme de la seconde main. Chez Neptune, par exemple, il y a de vraies cabines d’essayage. D’habitude, on y va, on se désape vite fait“, relate en souriant Cécile, 48 ans, qui travaille dans l’ESS. Mais surtout, note-t-elle, “il n’y avait pas de boutiques comme ça avant dans ce quartier, ça apporte vraiment un côté village avec les habitations.” De fait, la requalification du secteur Volpelier de la ZAC Fraternité s’est accompagnée de la création de 116 logements (dont 30% dans le parc social) livrés avant l’été, qui surplombent La Venelle autour du jardin partagé.

Ça va marcher du feu à fond, c’est beau, il y a plein de choses et les gens prennent de plus en conscience qu’il faut arrêter la surconsommation. Moi, c’est ma fille qui m’a sensibilisé à cet enjeu“, commente Michèle. Les bras chargés de vestes et de chemisiers, elle patiente avec sa fille, pour passer à la caisse. “Le neuf ça pollue. Et on trouve plein de choses en seconde main à pas cher. J’ai commencé à aller dans les friperies au lycée pour avoir des fringues à 1 euro. Et j’ai continué“, explique Marie, 25 ans. Et question choix, elle n’est pas déçue. “Pour moi, l’enjeu écologique prime, mais je trouve aussi des choses plus originales que dans les magasins, des vêtements qu’on ne trouverait pas ailleurs“, ajoute-t-elle.

Même les enfants peuvent y trouver leur compte. Des livres, des jouets, des habits à petits prix regorgent chez Emmaüs Coup de main. L’association, créée à l’origine pour venir en aide aux Roms roumains, a installé dans la Venelle sa 8ème boutique, uniquement dédiée à la puériculture. “Les jouets passent par l’atelier de Pantin où tout est “reconditionné, vérifié, recompté”, explique Aurélia Dalbarade, directrice générale d’Emaüs Coup de main. Et pour les sportifs, la Recyclerie du sport ouvre aussi un atelier de réparation de vélo (moyennant une cotisation annuelle à l’association).

© CH
Emaüs Coup de main ouvre à La Venelle une boutique pour la petite enfance du réemploi.

Beaucoup d’acteurs font du réemploi, mais dans une démarche mercantile, sans faire de l’insertion.”

Beaucoup de gens pensent que la seconde main c’est pour les petits portefeuilles. Mais au-delà de l’aspect financier, on vient chercher une autre façon de consommer qui plus réfléchit. Quand on regarde la quantité de neuf qui est produit aujourd’hui, ça n’a aucun sens. Et c’est aussi une manière de soutenir une activité qui créée de l’emploi. En fait, ce projet est tellement évident“, souligne Jennifer Auger, chargée de développement de Neptune.

© CH
Laura Blanche a installé ses oeuvres dans la galerie d’art de la boutique de Neptune.

Pour autant, il aura fallu huit ans de travail pour concrétiser le projet. “C’est l’aboutissement d’un énorme travail collectif. Le fait de réunir autant d’associations sur un projet commun est assez exceptionnel : on vient tous d’univers différents, on a tous des conseils d’administration différents, des entrées sur le réemploi qui sont souvent différentes. Le premier boulot de Neptune c’est de faire de l’insertion. La seconde main c’est notre support d’activité“, remarque Jean-Marc Brunet, le directeur de Neptune. Et d’insister sur le terme de réemploi “solidaire“, parce que, souligne-t-il “beaucoup d’acteurs font du réemploi, mais dans une démarche mercantile sans faire de l’insertion.” L’association montreuilloise créée il y a une trentaine d’années va d’ailleurs recruter huit salariés en parcours d’insertion pour gérer sa nouvelle boutique, où elle ne vend que des fripes. Pour se distinguer, elle a aménagé une galerie d’art textile où l’artiste Laura Blanche a installé ses œuvres, tout en textile recyclé. Une innovation visant à “faire entrer l’art dans l’environnement quotidien des salariés en parcours“, indique Jean-Marc Brunet. L’atelier de couture, actuellement situé dans le quartier de la mairie de Montreuil, va aussi ouvrir pour la création de pièces à base de textile upcyclé et initier le grand public.

À La Collecterie, ce sont quatre salariés en insertion qui sont affectés à la nouvelle boutique, dont Loïs, 22 ans, qui veut développer une activité de tatoueur. Du côté d’Envie, c’est la quarantaine de salariés en parcours d’insertion de l’antenne à Trappes (Yvelines) qui opéreront la nouvelle boutique de l’association. Pour ce gros acteur de l’ESS (économie sociale et solidaire) à l’échelle nationale (3 000 salariés en insertion), c’est seulement la troisième implantation en Ile-de-France. La plupart des appareils de petits et de gros électroménagers qu’elle revend proviennent des reprises à l’achat que pratiquent les gros distributeurs. Ils sont bien sûr réparés et reconditionnés, ce qui permet à Envie de proposer des lave-linge, fours ou micro-onde 50% moins chers que le prix neuf, mais avec une garantie de deux ans. “Il y a évidemment un intérêt économique, mais une machine reconditionnée, c’est un impact carbone divisé par deux. C’est aussi un enjeu social puisque cela permet à des personnes éloignées de l’emploi d’être formées aux métiers du reconditionnement, aujourd’hui très recherchés mais qui vont inévitablement prendre de l’essor“, pointe Marie Baulu, responsable de projet développement Ile-de-France. “Cette boutique va nous permettre d’être plus visible et de toucher plus de clients, donc potentiellement d’accroitre notre gisement parce que lorsqu’on livre un appareil, on peut créer une nouvelle boucle de réemploi à l’échelle locale“, précise-t-elle.

© CH
Camille Muret et Fanny Muller de l’Atelier R-are

Ce projet permet de faire sortir les entreprises de l’ESS de la précarité des conventions d’occupation temporaire

Coût de l’investissement pour réaliser ce village du réemploi : près de 6 millions d’euros dont 1,8 million d’euros de subvention de l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) pour l’achat et les travaux des locaux et 3,6 millions de prêt sur 25 ans de la Banque des territoires, dont l’intercommunalité Est Ensemble s’est portée garante à 50%. Spécificité du montage financier : les neuf structures partie prenantes deviendront propriétaires de leurs murs. “C’est très bien que Neptune devienne propriétaire de ses locaux dans 25 ans, mais ce n’est pas l’enjeu pour nous. On a embarqué le projet dans une logique d’ancrage territorial et d’ouverture. Grâce au partage d’expériences avec les autres acteurs, on réfléchit déjà à changer nos pratiques sur l’intégration de salariés en parcours“, relate Jean-Marc Brunet.

© CH

Pour la Ressourcerie du spectacle, qui propose chaines hifi, amplis projecteurs et même un bar à outils, l’installation dans La Venelle est un vrai pari sur l’avenir. “On nous a proposé de rejoindre la foncière quand on a commencé à développer la vente, en plus de la location et de la prestation. Donc, pour nous c’est une super vitrine, on est à côté de Paris. Mais, surtout, au Crapo [tiers-lieu à Vitry-sur-Seine], on a 1500 mètres carrés remplis de matériel audiovisuel et notre contrat [Epfif] ne prévoit que quatre mois de préavis. Maintenant, on a un lieu où l’on sait que l’on a de la pérennité“, explique Bobby Van de Bruck. “Il est clair que d’une certaine façon, ce projet permet de faire sortir les entreprises de l’ESS de la précarité des conventions d’occupation temporaire“, observe Camille Muret de l’Atelier R-are, chantier d’insertion centré sur la menuiserie qui ouvre sa première boutique pour le grand public. “C’est une activité qui fait sens parce que ça permet aussi à nos salariés en parcours de montrer leur savoir-faire et de sensibiliser un plus large éventail de gens aux enjeux du réemploi du bois tout s’initiant à le travailler“. Le café du village du réemploi, La Passerrelle, où tout un espace sera dédié aux ateliers d’initiation et de sensibilisation, ouvrira d’ailleurs ce samedi.

Lire : De la désindustrialisation à la transition écologique: le parcours symbolique de l’usine de piles Saft à Noisy-Romainville

Au global, selon la ville de Montreuil, le projet doit permettre de contribuer à récupérer 1 000 tonnes d’objets par an, à créer 50 postes de salariés dont 80% en insertion et à offrir 5 000 places d’initiation et de formation au recyclage et à la réparation dans les dizaines d’ateliers programmés par les acteurs associatifs.

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
Aucun commentaire

    N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

    Ajouter une photo
    Ajouter une photo

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    Vous chargez l'article suivant