Préservation de la biodiversité et de l’eau potable, souveraineté alimentaire… Devant les députés, le président de l’Agence bio a défendu le rôle de développement économique et préservation environnementale de cette organisation, dont la mission est de structurer et développer la filière. Ce jeudi, le maire de Montreuil, où est située l’agence, a également plaidé sa cause dans un communiqué.
Installée à Montreuil, l’Agence bio, plateforme nationale chargée de promouvoir une agriculture sans pesticides ni engrais de synthèse, est menacée d’être supprimée après le vote d’un amendement de la droite sénatoriale mi-janvier, auquel la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, ne s’est pas opposée. Alors que l’heure est à la chasse aux économies, les agences sont sur la sellette et la cause environnementale n’est plus prioritaire. Cette menace a toutefois suscité une levée de boucliers des professionnels du secteur, des producteurs bio aux coopératives et certains syndicats agricoles, d’autant que la France est encore loin d’atteindre son objectif de 18% de la surface agricole utile en bio d’ici à 2027.
Face à cette bronca, la ministre de l’Agriculture a tenté de rassurer ce lundi en déclarant à l’AFP que le gouvernement ne supprimerait pas l’Agence bio. Une annonce dont s’est réjoui le président de l’Agence bio, Jean Verdier, auditionné ce mercredi par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.
“Il faut que ce soit concrétisé et gravé dans le marbre, quitte à ce qu’on regarde de façon plus large la mission de l’Agence bio et (…) peut-être, élargir ses missions”, a-t-il insisté. Pour ce dernier, la première garantie serait, bien sûr, de supprimer cet amendement budgétaire en commission mixte paritaire (la commission qui réunit des sénateurs et des députés pour finaliser une loi qui n’a pas été votée à l’identique dans les deux assemblées).
La France est la “première surface bio cultivée en Europe, le premier vignoble mondiale en bio, avec 22% de nos vignes en bio”, a-t-il rappelé, soulignant que “chaque hectare bio, c’était 30% de biodiversité en plus”. “Ce sont des captages d’eau maintenus dans la potabilité — il faut savoir qu’on en ferme 200 par an, 500 d’une façon temporaire sur les 30 000 existants” à cause notamment de “produits utilisés en agriculture”, a-t-il relevé.
“Supprimer l’Agence bio, cela reviendrait à continuer de faire décoller des avions, mais en supprimant la tour de contrôle”
Le président de l’agence a aussi soutenu l’importance de l’agriculture bio pour “la souveraineté” alimentaire française : “Chaque vache nourrie en bio, c’est autant d’importation de tourteaux de soja en moins”.
“Supprimer l’Agence bio, cela reviendrait à continuer de faire décoller des avions, mais en supprimant la tour de contrôle. On ne pourrait plus mesurer où en est la performance agricole de la France sur cette agriculture”, a renchéri la directrice de l’agence, Laure Verdeau. “Les 2,9 millions rayés par le Sénat ne sont que la partie émergée de l’iceberg de notre empreinte dans l’écosystème agricole, puisque avec 24 personnes, nous gérons les 18 millions du Fonds avenir bio et les 5 millions de la communication”, a-t-elle ajouté.
Le Fonds avenir bio est un outil crucial pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs en France, a aussi expliqué le vice-président de l’agence, Philippe Henry, rappelant qu’“entre 30 et 50% des installations étaient des projets en bio”.
Les professionnels du bio très inquiets
Depuis le vote de cet amendement, le monde professionnel de la filière bio est aussi plongé dans l’angoisse. L’agence “structure la filière” et “rééquilibre le rapport de force face au lobby des produits chimiques”: “nous avons besoin de l’Agence bio”, défend ainsi Maxime Durand, cofondateur de Beyond Green, jeune entreprise agroalimentaire française qui accompagne les agriculteurs en conversion.
L’entreprise, qui se présente comme le “premier groupe agroalimentaire spécialisé dans la transition agricole”, a accompagné 650 agriculteurs en conversion, en achetant leur production “45% plus cher qu’en conventionnel pour les aider à passer le cap des trois premières années”, délai légal avant l’obtention du label bio. “On s’occupe ensuite de toute la gestion de projet, de la transformation, de la logistique, de la distribution, avec deux marques : PourDemain, vendue dans les enseignes spécialisées en bio comme Naturalia ou Bio C’Bon, et Transition dans la grande distribution, chez Intermarché, Leclerc ou Carrefour”, explique l’ingénieur de 27 ans. “Nous avons besoin de l’Agence bio: c’est le seul opérateur de l’Etat qui est focalisé sur le bio, a fédéré les acteurs, structure les filières et qui fait la promotion de l’alimentation bio auprès des consommateurs”, poursuit Maxime Durand.
“un signal politique extrêmement fort”
S’attaquer à cette agence envoie “un signal politique extrêmement fort”: “c’est dire qu’on désinvestit le seul opérateur qui accompagne les filières durables” et c’est voir disparaître “un contrepoids face à l’ensemble des lobbys de la chimie” et plus largement de l’agriculture conventionnelle.
Le maire de Montreuil apporte son soutien à l’agence
Dans un communiqué publié ce jeudi 30 janvier, le maire de Montreuil, Patrice Bessac (PCF), a apporté le soutien de sa majorité municipale aux personnels de l’agence, basée dans sa ville, et aux organisations agricoles. “Depuis plus de 20 ans, l’Agence Bio réunit les acteurs agricoles et œuvre en faveur du soutien et du développement de l’agriculture biologique française à travers ses missions d’étude, de coordination, de financement et de communication. Sa préservation revêt au moins cinq enjeux : la transition écologique (…), la souveraineté alimentaire (…), la démocratie sociale (…), la santé humaine et du bien-être animal (…) et le soutien économique aux paysannes et paysans passés en agriculture biologique, ou en transition, dont les revenus restent encore largement insuffisants”, insiste l’édile. “L’Agence Bio est le premier opérateur qui soutient cette filière en développement.”
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