Société | | 13/06
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A Pantin, MSF propose un espace de répit aux adolescentes en exil

A Pantin, MSF propose un espace de répit aux adolescentes en exil © Méryl Sotty MSF

Jeannette* tricote un bandeau en laine en prenant son goûter avec d’autres adolescentes au centre d’accueil de jour pour mineurs en exil non-accompagnés de Médecins sans frontières à Pantin, réservé exclusivement aux jeunes filles depuis près d’un an.

“Je me sens en sécurité” en présence seulement de filles “car les garçons ne sont pas tous bien”, confie Jeannette, qui dit avoir 16 ans et est originaire de République démocratique du Congo. Elle est arrivée en France en février et vient au centre tous les jours où elle n’a pas cours de français. La nuit, elle dort dans un hôtel social de l’est parisien.

Ce centre est le seul en région parisienne à n’accueillir que des jeunes filles. Elles sont en moyenne une quarantaine par jour à s’y rendre, pour y passer la journée ou quelques heures.

Elles ont accès à des consultations médicales avec une infirmière et une sage-femme, des séances avec une psychologue, et surtout un accompagnement socio-juridique avec des assistants sociaux et des juristes.

Une aide indispensable pour ces adolescentes qui n’ont pas été reconnues mineures par les départements et ont déposé des recours. En attendant leur audience devant le juge des enfants, elles ne sont pas prises en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et ne peuvent pas non plus accéder aux centres pour les majeurs et les familles.

Entre deux consultations et rendez-vous, elles peuvent se divertir lors d’ateliers pédagogiques ou ludiques: dessin, peinture, jeux, théâtre, mais aussi ateliers sur la vie affective et la santé sexuelle, les addictions ou encore les dangers d’une trop longue exposition aux écrans.

Le centre permet aussi à ces adolescentes qui dorment dans des habitats précaires de se doucher, de prendre des repas chauds et de se reposer: dans la salle de repos dédiée, certaines dorment quand d’autres discutent en se tressant les cheveux.

Venir au centre “enlève du stress” à Nassi*, 16 ans, elle aussi et originaire de RDC. Scolarisée, elle vient à Pantin après les cours.

“On enlève ce qu’on a dans la tête” lors des consultations, raconte la jeune fille, qui rêve de devenir infirmière et dont les yeux s’illuminent quand elle raconte sa visite au Louvre et sa découverte de La Joconde lors d’une sortie organisée par le centre.

“Elles ont toutes ou presque fui des violences de genre”

Car quasiment toutes ces jeunes filles, âgées de 13 à 17 ans, “ont des vies émaillées de traumatismes”, raconte Victorine Sagot-Priez, psychologue.

Elles ont toutes ou presque fui des violences de genre dans leur pays d’origine, abonde Véga Levaillant, responsable sociojuridique, comme des viols, violences intra-familiales, mariages forcés, excision.

Et des violences, notamment sexuelles, “il y en a aussi sur le parcours migratoire”, ajoute-t-elle.

“Etre en non-mixité favorise la parole”

Etre en non-mixité favorise la parole sur ces violences et permet aux professionnels de repérer des situations qui nécessitent des soins physiques et psychologiques en urgence, selon Véga Levaillant.

Dans ce “lieu de répit”, elles sont de plus en plus nombreuses à venir tous les jours depuis juillet 2024, quand MSF a décidé de ne l’ouvrir qu’aux filles, après avoir constaté leur grande vulnérabilité.

“La mixité ne favorise pas les jeunes filles, elles ne viennent pas quand il y a trop de garçons”, souligne Ali Besnaci, coordinateur du centre.

Le pari de la non-mixité a donc “fonctionné”, selon lui; depuis près d’un an, “c’est un lieu qu’à elles, elles s’y sentent mieux, elles viennent en nombre et en parlent entre elles”.

“Les hommes qu’elles ont rencontrés dans leur vie les ont violentées, trahies, leur ont menti; être ici leur permet de baisser le seuil de vigilance”, explique Victorine Sagot-Priez, donc le fait d’être entre filles “permet aux symptômes de stress post-traumatique, comme l’hyper-vigilance, de se calmer”.

Construire “une identité d’adolescente”

Et surtout, être entre elles est “un dispositif thérapeutique” qui leur permet de se construire “une identité d’adolescente” en créant des liens d’amitié.

Un lien indispensable à l’extérieur du centre, qui ferme à 18h et n’est ouvert que la semaine, souligne Véga Levaillant: “faire face à toutes ces petites violences du quotidien, c’est quand même pas du tout la même chose quand on est toute seule que quand on est une petite dizaine”.

*Les prénoms ont été modifiés

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