Entreprendre | Val-de-Marne | 13/01
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Apesa Val-de-Marne : l’association qui prend soin des chefs et cheffes d’entreprise au bout du rouleau

Apesa Val-de-Marne : l’association qui prend soin des chefs et cheffes d’entreprise au bout du rouleau © CD

Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë. Le sigle de l’Apesa 94 annonce la couleur. L’association, qui vient de fêter sa première année en Val-de-Marne, aide les entrepreneuses et entrepreneurs en détresse psychologique. Explications et mode d’emploi pour aider, ou y faire appel.

“Je regrette d’avoir rendu les clés de mon local, j’aurais dû m’y enfermer et y mettre le feu.” Ces paroles de détresse, Aymeric Berger (photo), président de l’Apesa 94 et vice-président du Tribunal de commerce, les a entendues alors qu’il s’apprêtait à prononcer la liquidation judiciaire de l’entrepreneur. À l’issue de l’audience, il est revenu le voir pour échanger. “Parfois, il suffit de poser les mots et de dédramatiser pour reprendre le dessus”, témoigne l’entrepreneur, qui organisait une réunion de présentation de l’association fin décembre. Parfois, il faut davantage, une aide psychologique professionnelle est nécessaire.

Des problèmes inextricables qui s’accumulent

Avant même la liquidation judiciaire, les sources de stress et de détresse des chefs et cheffes d’entreprise ne manquent pas : impayé, perte d’un gros client, problèmes de trésorerie, procédure judiciaire… Autant de tracas qui finissent par donner l’impression que l’on n’a plus de marge de manœuvre. “Une spirale infernale dans laquelle on se sent dépassé et où la seule issue finit par être de disparaître soi-même”, résume Aymeric Berger. L’enjeu est de transformer cette détresse en une vie nouvelle, retrouver une raison d’être, une raison d’en être, une raison d’y être.”

Accompagner la personne dirigeante en détresse dans ce rebond psychologique, c’est justement l’enjeu de l’association Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë. C’est en 2013 que la première Apesa a vu le jour, à l’initiative des greffiers du tribunal de commerce de Saintes, en lien avec des psychologues. Depuis 2016, l’initiative a pris une dimension nationale et fédère aujourd’hui 96 associations locales, toutes indépendantes. En Val-de-Marne, Le mouvement a été impulsé par le président du Tribunal de commerce et les greffiers en chef.

Identifier la détresse, au-delà de la façade du tout va bien

La première étape consiste dans le repérage de cette détresse, qui n’a rien d’évident. Pudeur, égo ? Difficile de confier ses difficultés lorsque l’on doit toujours être gonflé à bloc pour inspirer confiance. “La dernière fois que j’ai exposé au salon du bâtiment et que j’ai demandé à mes confrères et à mes consœurs comment cela se passait, tout le monde me disait : ‘Cela va bien, cela va bien’. Jusqu’à ce que je finisse par dire : ‘Suis-je la seule à trouver la situation compliquée en ce moment ?’ Ce fut le déclic pour que chacun se confie sur les difficultés du moment”, confie Sally Bennacer, présidente de la CCI du Val-de-Marne et dirigeante d’Art & Blind.

Des sentinelles formées pour poser les bonnes questions

Pour déceler les signaux d’une détresse psychologique, l’association s’appuie sur des sentinelles bénévoles, que le métier ou l’engagement associatif conduit à côtoyer des dirigeants. Au niveau national, les Apesa comptent ainsi 15 000 sentinelles. Dans le Val-de-Marne, une quinzaine de personnes veillent. “Ce n’est pas facile de lancer la conversation sur les difficultés, confirme Florence Goltzmann, collaboratrice du Medef de l’Est parisien, et sentinelle. Mais, au bout d’une heure, une heure et demie, les personnes se dévoilent malgré tout.”

Chaque sentinelle est d’abord formée par des psychologues cliniciens afin d’apprendre à poser les bonnes questions. Celles qui conduiront éventuellement à demander : “Avez-vous pensé au suicide ?” Si la situation semble critique, la sentinelle déclenche une fiche d’alerte auprès de l’association. “J’ai eu une personne qui m’a dit : – oui, j’y pense tous les jours”, confie Aymeric Berger.

Étanchéité totale entre les lanceurs d’alerte et les psychologues

Une fois la fiche alerte déclenchée, celle-ci est transmise à une association de psychologues qui prennent le relais. Ils contactent les dirigeants concernés et proposent un suivi d’un maximum de cinq séances. “Une fois la fiche alerte envoyée, nous n’avons aucune information sur ce qu’il advient. Les seuls retours que nous avons sont les facteurs envoyées par l’association de psychologues, qui nous permettent de savoir combien de personnes ont été suivies, mais nous ne savons même pas lesquelles parmi celles qui ont été signalées”, indique Aurélie Gossin, greffière en chef au Tribunal de commerce, et sentinelle. Une “étanchéité essentielle”, insiste Aymeric Berger, à la fois sentinelle et juge au Tribunal de commerce. “Cela nous permet de pouvoir continuer d’exercer en toute indépendance.”

Déjà onze alertes et six personnes aidées en Val-de-Marne

“Au total, l’Apesa 94 a transmis six fiches alertes en 2024 et cinq en 2023”, chiffre Aurélie Gossin. Quatre personnes ont accepté d’être aidées psychologiquement en 2024, après deux en 2023. Si la majorité des alertes provenaient de sentinelles internes au tribunal de commerce, le plus souvent au moment d’une liquidation judiciaire, deux alertes sont aussi venues de sentinelles extérieures au tribunal. Un bilan déjà actif pour la jeune association, marquée par la disparition du premier président de l’Apesa 94, Christian Fosse, ancien premier vice-président du Tribunal de commerce.

Au-delà de l’aide psy, s’appuyer le Tribunal de commerce avant d’en arriver à la liquidation

Le vice-président du Tribunal de commerce rappelle aussi qu’avant d’en arriver à la liquidation judiciaire, étape douloureuse pour des chefs et cheffes d’entreprises, il est possible d’être accompagné par le Tribunal, en toute confidentialité, pour avoir, par exemple, un mandataire ad hoc ou un conciliateur afin de négocier les dettes, toujours en toute confidentialité, avec l’Urssaf ou la banque, s’il ne s’agit que d’un problème de trésorerie passager, ou encore pour poser à plat la situation, afin d’anticiper les décisions lorsque l’on a encore le choix.

“En liquidation judiciaire, on se retrouve confronté à soi-même, confie un ancien dirigeant dans la restauration, qui a mis la clef sous la porte après une procédure judiciaire. Heureusement que j’avais des enfants encore à l’école, je me suis dit que je devais me battre, mais c’était une période très compliquée. Je suis très content qu’il existe aujourd’hui une association” pour aider les personnes en détresse, poursuit-il. Aujourd’hui, j’ai rebondi. Je suis autoentrepreneur dans les énergies renouvelables, et travaille un peu dans la restauration, mais pas comme dirigeant.”

Appel aux dons et aux bénévoles

En ce début d’année 2025, l’Apesa 94 cherche à la fois de nouveaux membres, des sentinelles, et fait aussi appel aux dons pour rémunérer les psychologues. “Une vie coûte 425 euros”, résume Aymeric Berger, à propos du prix des cinq séances de suivi psychologique.

Pour faire un don, déductible des impôts, ou proposer de devenir une sentinelle, lorsque l’on est en contact avec des dirigeants et dirigeantes d’entreprises, envoyer un mail à contact94@apesa-france.com

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