Quarante-trois ans après l’attentat antisémite de la rue des Rosiers à Paris, ce dossier connaît une nouvelle étape judiciaire : la cour d’appel de Paris statuera le 24 novembre sur la tenue ou non d’assises spéciales, alors que ce procès est contesté par deux accusés.
L’appel contre ce renvoi en procès, formé par les avocats des deux accusés, a été étudié en audience lundi à huis clos, devant la chambre de l’instruction.
Et la décision a donc été mise en délibéré fin novembre, ont indiqué à l’AFP les avocats des accusés. Une tendance pour la suite ? Le parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance de renvoi.
Dans cette dernière, fin juillet, des juges d’instruction antiterroristes ont ordonné un procès devant la cour d’assises spéciale contre six hommes suspectés d’être impliqués dans cet attentat qui avait fait six morts rue des Rosiers à Paris en 1982, dont Abou Zayed, principal suspect entre les mains de la justice, aujourd’hui sexagénaire.
Outre Abou Zayed, Norvégien d’origine palestinienne, considéré comme l’un des tireurs et détenu en France depuis 2020, il y a un autre mis en examen, Hazza Taha, soupçonné d’avoir caché des armes à l’époque, sous contrôle judiciaire.
Tous deux contestent les faits et ont donc fait appel.
Le camp de M. Zayed, représenté par Mes Romain Ruiz, Raphaël Kempf et Bruno Gendrin, a fait savoir à l’AFP qu’il avait plaidé que, cinq ans après une mise en examen “contestable”, “aucun élément” n’est venu étayer les indices. Et d’affirmer que l’accusation repose sur “la base” de “trois témoignages fragiles et particulièrement contradictoires”.
Ces avocats estiment que leur client n’a pu “contredire efficacement” l’accusation, faute d'”écrits” que M. Zayed “n’a jamais eu en main pour n’avoir jamais été un cadre du groupe Abou Nidal”. L’attentat a été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal.
M. Zayed a admis son appartenance passée à ce groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) mais réfute les faits dont on l’accuse.
Pour rappel, le 9 août 1982, six personnes ont été tuées et 22 blessées, dans le quartier juif du Marais, dans l’explosion d’une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg puis dans une fusillade perpétrée par un commando de trois à cinq hommes.
“Un faisceau d’indices multiples et concordants” démontre “sa participation à l’attentat” rue des Rosiers, a conclu un magistrat instructeur, dans l’ordonnance de mise en accusation rendue en juillet et dont l’AFP a eu connaissance.
Me Yassine Bouzrou, avocat de M. Taha, a fait savoir à l’AFP qu’il avait prononcé devant la cour des « déclarations évolutives, fluctuantes et contradictoires » de témoins.
Et a également pointé des “notes de renseignements caviardées” qui “ne démontrent ni l’appartenance d’Hazza Taha au mouvement Abou Nidal, ni son implication dans les armes ayant servi à l’attentat”.
“C’est à la cour d’assises qu’il reviendra d’examiner ces charges“
Les déclarations de Hazza Taha n’ont pas permis de “contredire (les) accusations et (les) notes déclassifiées”, relève pour sa part le juge d’instruction dans l’ordonnance de renvoi.
En quittant la salle d’audience, Me Francis Szpiner, avocat des parties civiles, a battu en brèche auprès de l’AFP les plaidoiries de la défense des accusés.
“Quand les gens viennent discuter des charges, c’est qu’il existe des charges”, a-t-il affirmé, concluant : “C’est à la cour d’assises qu’il reviendra d’examiner ces charges. Demander aujourd’hui un non-lieu n’a pas de sens”.
Ce dossier a été marqué par de nombreux rebondissements. Le Palestinien Hicham Harb, superviseur allégué de l’attentat, a été arrêté par les autorités palestiniennes, comme confirmé mi-septembre par le Parquet national antiterroriste (Pnat), informé par Interpol.
Cette “avancée procédurale majeure”, selon le Pnat, interroge depuis les acteurs du dossier, qui se demandent dans un premier temps si cette extradition aura bien lieu, au vu de la situation diplomatique particulière des Territoires palestiniens, que la France vient de reconnaître comme Etat.
Les différentes parties se demandent également si cette nouveauté majeure pourrait repousser la tenue d’un procès ou si une première audience va se tenir, y compris en l’absence d’un protagoniste majeur.
Par Philippe GRELARD et Guillaume DAUDIN
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