Le 9 août 1982, six personnes étaient tuées et 22 blessées dans l’explosion d’une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg puis dans une fusillade dans le quartier du Marais. Plus de quarante ans après, le procès va se tenir contre deux suspects, tandis qu’un mandat d’arrêt est en cours contre quatre autres. Explications.
L’attentat, perpétré par un commando de trois à cinq hommes, a été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal, groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Dans son ordonnance de mise en accusation rendue jeudi 30 juillet, le juge d’instruction a ordonné un procès contre deux suspects mis en examen, Abou Zayed et Hazza Taha, et quatre hommes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt.
Abou Zayed
Abou Zayed, dont le nom complet est Walid Abdulrahman Abou Zayed, est renvoyé pour assassinats et complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste. Ce Norvégien d’origine palestinienne âgé de 66 ans est considéré comme l’un des tireurs. En détention en France depuis son extradition fin 2020 depuis la Norvège, il conteste les faits. “Cette décision est une escroquerie. D’abord pour les victimes à qui on fait honteusement croire que la justice a trouvé l’un des responsables de leur douleur. Ensuite pour le droit car cette enquête n’est absolument pas terminée et ce renvoi a pour seul but de maintenir notre client en prison”, ont réagi auprès de l’AFP les avocats d’Abou Zayed, Romain Ruiz et Bruno Gendrin.
Abou Zayed avait reconnu en 2022, pour la première fois, devant le juge d’instruction, appartenir au groupe Abou Nidal. Mais il a soutenu n’être “qu’un simple administratif” au sein du comité militaire, devenu comité des opérations spéciales en 1983, de ce groupe et n’avoir “jamais” séjourné “à l’étranger, à plus forte raison pour exécuter ou superviser une opération terroriste”, est-il rappelé dans l’ordonnance.
Mais pour le juge d’instruction, Abou Zayed était “un opérationnel très actif”, un “exécutant puis superviseur” de ce comité ayant participé en Europe à des attentats et assassinats, comme l’attestent plusieurs témoignages. “Un faisceau d’indices multiples et concordants” démontre “sa participation à l’attentat” rue des Rosiers, selon le magistrat.
Hazza Taha
Hazza Taha, mis en examen au printemps dernier et placé sous contrôle judiciaire, est renvoyé pour complicité d’assassinats et de tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste. Soupçonné d’avoir caché des armes, il conteste les faits. Les investigations ont duré “43 ans durant lesquels les pistes les plus fantaisistes ont pu être évoquées, (…) les services de renseignement ont soufflé le chaud et le froid sans jamais faire le choix de la transparence, seul moyen d’offrir une chance de parvenir à la manifestation de la vérité”, ont dénoncé auprès de l’AFP ses avocats, Juliette Triquet et Florian Godest Le Gall, redoutant “un nouveau naufrage judiciaire” et annonçant faire appel de l’ordonnance.
Les déclarations de Hazza Taha n’ont pas permis de “contredire (les) accusations et (les) notes déclassifiées”, note le juge.
Mandat d’arrêt pour quatre autres suspects
Les quatre autres suspects, localisés en Cisjordanie, en Jordanie et au Koweït, font l’objet d’un mandat d’arrêt. Le juge d’instruction a ordonné un procès pour assassinats et tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste contre Hicham Harb, 70 ans, qui aurait supervisé l’attentat et serait l’un des tireurs, et Nizar Tawfiq Hamada, 64 ans, accusé d’avoir été l’un des membres du commando. La complicité a été retenue contre Amjad Atta, 72 ans environ, accusé d’avoir planifié l’attentat, et Nabil Othmane, 72 ans, mis en cause pour la préparation. L’instruction s’est notamment appuyée sur des témoignages, notes des renseignements, expertises et recoupements.
“Profond besoin de vérité”
“Sentiment ambigu pour mes clientes aujourd’hui, entre l’immense soulagement de savoir que la République n’abandonne pas ses victimes (…) et le regret de constater que c’est un procès incomplet qui s’annonce, avec plusieurs accusés réfugiés à l’étranger”, a commenté auprès de l’AFP Romain Boulet. David Père, avocat de parties civiles, rappelle l'”ascenseur émotionnel très difficile au long de la procédure avec notamment les demandes d’extradition refusées par la Jordanie”. “Mes clients (…) sont surtout animés par un profond besoin de vérité”, a observé de son côté Vincent Brengarth.
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