Mis en demeure par le bailleur social Vilogia d’évacuer son local depuis la fin août, l’association le Tilia refuse de partir tant qu’une proposition alternative ne lui a pas été proposée. Devenu un dépôt de pains, la café associatif propose aussi des repas, des cours d’alphabétisation, de Qi Gong et encore des “thés philos”. Un îlot de vie sociale dans le quartier des Tilleuls, en plein renouvellement urbain, où les commerces, à part une pharmacie, ont fermé les uns après les autres.
“Tant qu’il y a des gens, il y a de la vie“. Après deux mises en demeure, Jalalle Essalhi, le président du Tilia, a reçu ce mercredi 10 décembre la visite d’un huissier qui a pu constater que l’association était toujours bien active. Plusieurs bénévoles et adhérents se sont rassemblés pour demander le maintien du café associatif dans le quartier des Tilleuls, et un nouveau local alternatif.
Yoga, préparation retraite, ateliers parents-enfants, café, dépôt de pain…
Dans ce qu’il reste du centre commercial des Tilleuls, le Tilia est le seul, avec la pharmacie, à garder le rideau ouvert. Yoga du rire le lundi, atelier Qi Gong le mardi, rencontres pour préparer la retraite le mercredi, ateliers parents-enfant le jeudi… le programme de décembre est maintenu. Le café est par ailleurs devenu un dépôt de pain début 2025, après la fermeture de la boulangerie, une des rares solutions de proximité dans ce quartier de 13 000 habitants, après qu’une camionnette ambulante ait été vandalisée, et l’incendie de la boulangerie temporaire installée par la mairie rue Maurice Audin. Comme la trentaine d’autres cellules, le local doit être démoli dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain. Étalé jusqu’en 2030, ce projet comprend la démolition de 900 logements sociaux, la réhabilitation de 1 900 autres, ainsi que la construction de 3 300 logements (en accession libre et sociaux) ainsi que 3 300 m² de commerces.
“Nous sommes menacés d’expulsion sans relogement, alors même que des solutions existent, qu’elles sont financées, compatibles avec l’ANRU et utile au quartier“, regrette Jalalle Essalhi. Pourtant, le Tilia “accomplit tout ce que le renouvellement urbain prétend promouvoir : cohésion sociale, participation des habitants, service de proximité“, souffle-t-il. Depuis 2023, l’association a d’ailleurs obtenu le label tiers-lieu autonomie du département et sa convention triennale vient d’être renouvelée pour la période 2025-2028. “Nous avons fait des propositions à un autre bailleur pour louer un autre local. On pourrait aussi imaginer une installation temporaire dans des bâtiments modulaires, comme ça se fait souvent“, explique de son côté Djamila Belharizi, bénévole de l’association.
“Vilogia ne dispose malheureusement d’aucune cellule commerciale alternative à proposer à l’association“
Contacté, Vilogia, qui est propriétaire des locaux, reconnait “le rôle essentiel joué par l’association Le Tilia auprès des habitants du quartier des Tilleuls et de la ville du Blanc-Mesnil. L’engagement de cette association au service des Blancs-Mesnilois fait écho aux valeurs d’entraide et de solidarité qui sont au cœur de notre mission de bailleur social. C’est précisément pour cette raison que nous avons mis à sa disposition une cellule commerciale depuis de nombreuses années, permettant à ce tiers-lieu de se développer et d’accomplir sa mission sociale“, explique le bailleur. Mais, “les termes de cette mise à disposition ont toujours été transparents : ces locaux ont été loués à l’association de manière temporaire, dans l’attente de l’entrée en phase opérationnelle du projet de renouvellement urbain du quartier des Tilleuls.” Dans le cadre du programme de rénovation urbaine, les 32 cellules commerciales de l’allée Violet Leduc appartenant à Vilogia seront ainsi démolies. Or, souligne-t-il, “si de nombreuses constructions et réhabilitations sont prévues dans le projet de renouvellement urbain, celles-ci concernent exclusivement des logements à usage d’habitation. Vilogia ne dispose donc malheureusement d’aucune cellule commerciale alternative à proposer à l’association dans le cadre de ce projet“. Vilogia précise aussi avoir informé en amont l’association, lui “permettant ainsi d’anticiper la recherche d’une solution de relocalisation.” “Nous regrettons sincèrement que les contraintes liées au projet de démolition ne nous permettent pas de poursuivre cet accompagnement ni de proposer une solution de relocalisation au sein de notre patrimoine.”
“C’est ici que les mamans viennent acheter leur baguette“
Pour les adhérents, au nombre d’environ 300, l’association est bien plus qu’un café. “C’est le seul endroit qu’il reste aux habitants du quartier. Nos enfants viennent jouer. Moi je donne des cours de français, parce qu’elle a m’a aidé. Ce qui se passe est incompréhensible. C’est très agressif de vouloir supprimer ce lieu. Personne n’est opposé à la rénovation. Mais il y a d’autres locaux“, défend encore Souhila, qui s’est installée avec sa famille aux Tilleuls depuis six ans. “C’est ici que les mamans viennent acheter leur baguette pour le petit-déjeuner des enfants le matin. Qu’est-ce qu’il va se passer si ça ferme ? Vous croyez que je vais aller en robe de chambre jusqu’au Leclerc qui est bien à 30 minutes à pied ? Je vais surtout me retrouver toute seule chez moi à regarder les murs“, complète Marie-Jo, 63 ans. Dans la petite foule devant le Tilia, Halim Belmokhtar, le co-président de la fédération des centres sociaux du 93 a tenu à faire le déplacement. “Quand le centre social a été muré, c’était le début de la décadence du quartier. Il y avait de la danse, des sorties, une crèche, un espace jeunesse, des conférences, des assistantes sociales. Il ne reste que le café associatif“, explique-t-il, rappelant la fermeture de la Maison pour tous des Tilleuls après un nouvel incendie en 2022. Une pétition lancée mi-novembre a recueilli plus de 500 signatures.
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Il aurait pu être utile de préciser que cette association se mêle aussi beaucoup de politique, en faveur de la liste d’union de la gauche aux municipales.
Ils mettent en scène leur future éviction alors qu’ils n’ont rien fait pour avoir une solution de repli depuis cet été ! C’est de la communication.
Bonjour Pierre,
Votre commentaire appelle plusieurs précisions factuelles.
Contrairement à ce que vous affirmez, Le Tilia ne découvre pas sa situation « depuis cet été ». L’association travaille à une solution de relogement depuis juin 2021, dans le cadre du projet de renouvellement urbain des Tilleuls. Elle a rencontré à plusieurs reprises les acteurs concernés, dont la municipalité en janvier 2022, ainsi que les bailleurs et partenaires institutionnels à plusieurs reprises entre 2024 et 2025.
En mars 2025, lors de l’enquête publique sur la ZAC des Tilleuls, le travail de médiation et de concertation mené par l’association a été publiquement reconnu par des élus de la majorité municipale et par la direction de l’urbanisme (vidéos à l’appui). Certaines propositions issues de cette contribution citoyenne ont d’ailleurs été reprises dans le projet.
👉 Contribution collective : https://letilia.org/2025/03/28/contribution-collective-a-lenquete-publique-sur-le-projet-de-creation-de-la-zac-des-tilleuls/.
Ce n’est qu’en dernier recours, après plusieurs années de démarches, de tentatives de dialogue et de propositions opérationnelles restées sans réponse ou bloquées, et dans l’urgence d’une procédure d’expulsion, que l’association a choisi de rendre publique sa situation. Il ne s’agit pas de « mise en scène », mais d’un appel à la responsabilité des décideurs, alors même que des solutions existent et sont financées.
S’agissant enfin de l’accusation d’engagement politique, Le Tilia est une association d’action sociale, indépendante de tout parti, et refuse toute instrumentalisation électorale. C’est précisément cette indépendance — le fait de donner la parole aux habitants sans alignement politique — qui a parfois suscité des tensions locales, comme l’ont documenté plusieurs enquêtes journalistiques, notamment Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/281224/au-blanc-mesnil-la-municipalite-reduit-au-silence-les-voix-citoyennes.
Le Tilia accueille depuis toujours toutes les personnes, quels que soient leurs engagements ou opinions. À ce titre, l’association a travaillé avec des élus et responsables de sensibilités politiques diverses, y compris l’actuel maire lorsqu’il était dans l’opposition (photos à l’appui).
Le sujet n’est donc pas partisan. Il est social, démocratique et territorial : peut-on laisser disparaître le dernier lieu de vie sociale d’un quartier, alors que des solutions existent, au seul motif qu’il ne se plie pas à des logiques de contrôle politique ?
C’est à cette question que le débat public mérite de répondre.
Tous ces éléments sont largement documentés et sourcés à cette page : https://letilia.org/sauver-le-tilia/.
Jalalle Essalhi
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