Avec l’épuisement des recours en justice, Le Pré-Saint-Gervais va lancer la transformation de l’ancienne usine de salaison Busso le 1er septembre. Le Préàvie, un tiers-lieu développé par Soukmachines dans le cadre d’un accord d’urbanisme transitoire (loyers pas chers contre occupation temporaire), devra donc partir, avec regrets.
“C’est un gros choc, surtout au bout de six ans et demi, parce qu’on s’enracine, on s’attache au lieu. Il y aussi beaucoup de tristesse dans la ville. Le Préàvie a très bien marché. Beaucoup de riverains venaient à la guinguette, et on compte entre 250 et 300 personnes qui travaillaient dans nos locaux, dont beaucoup de Gervaisiens“, déplore Yoann Till-Dimet, le fondateur de Soukmachines. La municipalité du Pré-Saint-Gervais a, en effet, demandé au collectif spécialisé dans la reconversion de sites inoccupés de quitter la parcelle de l’ancienne usine de salaisons Busso au 1er septembre prochain.

“L’Epfif et la Cogedim se devaient d’avancer“
Située entre l’avenue Gabriel Péri et la rue Danton, la friche industrielle de 5 000 mètres carrés a été rachetée par l’Epfif, l’établissement public foncier d’Ile-de-France, en 2012. Elle doit être transformée en un ensemble composé de 97 logements avec son jardin et d’un espace vert de près de 3 000 mètres carrés. Après une série de concertations publiques en 2018-2019, c’est le groupement porté par Cogedim, avec le cabinet d’architectes Chartier Dalix et le paysagiste Coloco, qui est choisi. Parallèlement, Soukmachines remporte l’appel à manifestation d’intérêt O’Tempo lancé par l’intercommunalité Est Ensemble et la ville du Pré-Saint-Gervais, pour une occupation d’une durée de deux ans du site.
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Le projet, dont le permis de construire a été attribué en juillet 2022 avec deux ans retard à cause de la crise sanitaire, était jusqu’à présent gelé par une procédure en justice. Au cœur des débats de l’élection municipale partielle, le projet Busso reste controversé, une partie des habitants dénonçant la bétonisation de la ville. “Le Conseil d’État a rejeté définitivement tous les recours contre le projet fin février. À partir de là, l’Epfif et la Cogedim se devaient d’avancer“, défend la ville. Le maire (PS), Laurent Baron a toutefois négocié avec les deux parties en faveur “d’un calendrier plus détendu que prévu” pour repousser de six mois la libération des lieux, poursuit la ville.

“On était prêt à s’engager sur 12 millions d’euros“
Si elle est arrivée plus brutalement que prévue, l’échéance était donc attendue. “L’occupation était prévue pour être temporaire et, depuis trois ans, nous savons que nous sommes en sursis, avec un bail qui est renouvelé tous les trois mois. Mais on essaye toujours de voir quelles sont les possibilités pour que cette histoire puisse continuer“, explique Yoan Till-Dimet. Concrètement, le collectif a envoyé une note d’intention de rachat du site à la mairie il y a environ un an. “On était prêt à s’engager sur 12 millions d’euros. On leur a expliqué que si une banque nous prêtait l’argent, on était en totale capacité de rentabiliser le projet sur vingt ans parce que c’est un lieu qui a des ressources incroyables largement sous-exploitées. Les gens viennent chez nous parce que l’environnement que l’on crée favorise le développement de leur activité. Nous ne sommes qu’à 20% de nos capacités parce que, justement, nous ne pouvons pas nous projeter“, insiste-t-il. Une solution avec de nombreuses inconnues, admet néanmoins Yoann Till-Dimet. “Notre travail est de respecter les conventions, mais aussi de voir comment on peut pérenniser ce lieu. Notre objectif était surtout d’essayer de mettre les acteurs et nos partenaires autour de la table pour trouver une solution.”
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“Si l’occupation a tenu si longtemps, c’est parce que d’une certaine manière, on a collectivement fermé les yeux“
Cette proposition à laquelle la mairie n’a pas répondu, rappelant le principe de l’urbanisme transitoire. “Le modèle économique même de Soukmachines est fondé sur l’occupation temporaire c’est-à-dire en franchise de loyer. Une acquisition du site de leur part supposerait donc de relever les loyers des résidents. Par ailleurs, si l’occupation a tenu si longtemps, c’est parce que d’une certaine manière, on a collectivement fermé les yeux. Le site n’est pas fait pour accueillir du public. Financer le rachat du site, les travaux de dépollution et ceux de remise en état pour en faire un ERP (Etablissement recevant du public) nécessiterait au bas mot 15 millions d’euros“, pointe-t-on dans l’entourage de Laurent Baron.
De son coté, le principal groupe d’opposition du maire, Alternative Gervaisienne, continue de protester contre le projet immobilier prévu. “Nous ne sommes pas dans la critique pour critiquer. Il n’y a pas d’autre lieu de lien social, de culture, équivalent. À un moment où la culture est fragilisée, notre ville a la chance d’avoir cette structure, pourquoi ne pas chercher à le préserver ? Pourquoi ne pas avoir consulté la population par référendum comme aux Lilas pour le projet des Sentes ?“, questionne Grégoire Roger, ex-tête de liste aux élections municipales partielles de 2021, qui dénonce le “flou” de la décision. “La signature entre l’EPFIF et Cogedim est-elle effective ? Le projet va-t-il être revu par Cogedim ?“, interroge-t-il, suggérant que celui-ci pourrait même le revendre. “L’opposition voulait il y a encore quelques semaines raser Busso pour faire pousser une forêt urbaine“, rétorque la ville qui précise que la signature est imminente. Quant à la remise en question du projet pour des enjeux écologiques, elle l’estime complètement décalé. “La ville n’aurait jamais pu financer seule les travaux de dépollution du site“, sachant que l’espace vert adjacent lui sera rétrocédé pour 1 euro symbolique.
“Plus de 90% des gens que l’on accueille ne peuvent pas se payer les prix du marché”
Soukmachines a aussi proposé des alternatives pour rester implanté au Pré-Saint-Gervais comme l’ancien centre technique municipal, mais celui-ci est déjà utilisé comme base de vie pour les divers chantiers en cours dans la ville, rappelle la mairie. “On ne connait pas forcément tous les enjeux locaux lorsque l’on arrive sur un site. Aux Salaisons, les crispations étaient déjà très fortes“, soupire encore Yoann Till-Dimet dont la stabilité de Soukmachines est à nouveau remise en question. “Avec cette fermeture, nous avons un enjeu d’équilibre financier. Il faut savoir qu’on a 1 000 personnes sur liste d’attente sur ce lieu. Nous y sommes aussi beaucoup attachés parce que c’est un territoire historique de notre activité avec la Halle Papin à Pantin, où nous avons été présents pendant près de six ans aussi“, rappelle-t-il.
En attendant, les quelque 300 résidents devront trouver de nouveaux locaux. Certains auraient déjà prévu de s’installer dans les deux autres tiers-lieux de Soukmachines à Epinay-sur-Seine et à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). “On a une demande énorme de lieux de travail à loyer modéré parce qu’il n’y en a pas. On atteint les limites de l’emballement sur les tiers lieux. Très bien, mais après ? La question de l’accessibilité à des ateliers conviviaux et pas chers reste entière. Plus de 90% des gens que l’on accueillent ne peuvent pas se payer les loyers du marché. Et on est pas les seuls acteurs.”
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