La poignante dernière lettre de Guy Môquet commençant par ce résolu “Je vais mourir”, le brouillon manuscrit du poème “Liberté” de Paul Éluard, la plus grande collection mondiale de presse clandestine de la Seconde guerre mondiale… Le Musée de la Résistance nationale (RMN) de Champigny, abrite un fonds exceptionnel de près d’un million d’objets et documents. Et pourtant, l’institution, créée en 1985, a bien failli ne pas fêter ses quarante ans.
Imaginée par d’anciens résistants et leurs famille, réunis dans l’Association des amis du musée de la résistance nationale (AAMRN) dès 1965, le musée a parcouru un sacré chemin. La collection, d’abord constituée de pièces données par les cheminots d’Ivry-sur-Seine, est passée de 250 000 pièces en 1985, lors de son inauguration dans un ancien hôtel particulier des hauteurs de la ville, avenue Marx Dormoy, à plus d’un million.

En 2020, le musée s’est installé à l’espace Aimé Césaire (propriété du département), dont le magistral porte-à-faux, architecturé par Dominique et Giovanni Lelli, anime les bords de Marne.

Des bisbilles internes qui ont fragilisé le musée
L’institution fait aussi partie d’un réseau (MRN) de musées et associations contribuant à cette mémoire, que l’AAMRN a cofondé en 1998. Mais cette structuration en réseau et les liens qui en ont découlé ont suscité une crise de gouvernance, laquelle a démarré en 2021 par des déclarations de souffrance au travail du personnel du musée, en raison du management du directeur qui avait été mis à disposition par le réseau. S’est ensuivi une discorde entre les deux structures associatives qui se partagent la gouvernance du musée, portant sur la propriété des collections. Une crise qui a abouti à un audit de l’Etat et une mission de la Direction des affaires culturelles, pour tenter de sortir de l’ornière. A cela, ce sont ajoutées des difficultés financières, liées notamment à des diminutions de subventions, cela malgré une fréquentation en hausse.
Groupement d’intérêt public
Dans ce contexte de crise, le musée a annoncé fin avril une réforme de sa gouvernance, pour passer d’une gestion associative à un Groupement d’Intérêt public (GIP). Concrètement, la gestion du musée réunira désormais plusieurs partenaires publics et privés : la ville de Champigny-sur-Marne, le département du Val-de-Marne, celui de la Seine-Saint-Denis, l’AAMRN, le réseau MRN, et potentiellement d’autres acteurs à venir. “Cette nouvelle structure affirmera ce qui doit rester au coeur de ce projet local : la transmission, la médiation, l’accueil des publics scolaires et une programmation culturelle ambitieuse. Car un musée, ce n’est pas seulement une collection, c’est un projet culturel, éducatif et démocratique“, résume George Duffau-Epstein, président de l’AAMRN. “Nous voulons un GIP val-de-marnais, resserré, robuste et pérenne. On reste dans un GIP local, avec l’appui important aussi de notre voisin de la Seine-Saint-Denis“, souligne la secrétaire générale de l’association, Martine Meisel.

Prévu pour se mettre en place d’ici septembre, ce nouveau cadre juridique permettra aussi aux collectivités contributrices de prendre part à la gouvernance. “Avec les 80 ans de la Libération cette année, nous entrons dans une nouvelle ère. Les témoins directs de la Seconde guerre mondiale et de la Résistance disparaissent progressivement. Il est devenu essentiel d’assurer la transmission, et, pour nous, cela passe par un musée mieux structuré et soutenu“, reprend le président, fils du FTP-MOI Joseph Epstein, fusillé au mont Valérien en 1944.
Un appel aux dons, lancé en juin 2024 a par ailleurs permis de récolter 85 000 euros, avec des contributions de personnalités comme le chanteur Grand Corps Malade, la famille du photographe Robert Doisneau, ou encore le mathématicien Cédric Villani.
Fréquentation en hausse et ancrage local
En 2024, le musée a accueilli environ 12 000 visiteurs, soit une hausse de 35 % par rapport à l’année précédente, notamment grâce à l’exposition “Robert Doisneau, l’esprit de résistance”. Près de 40 % des visiteurs sont des groupes scolaires, en grande majorité issus du Val-de-Marne.
Le musée, qui emploie sept salariés, fonctionne avec un budget annuel estimé à 700 000 euros. La direction espère aussi une reprise en charge par l’Etat du poste de conservateur pour alléger les charges, comme ce fut le cas jusqu’à fin 2024. En attendant, un partenariat avec France Archives permet de valoriser les documents existants, et plusieurs projets d’expositions sont aussi en attente de financements.
D’autres pistes ont été suggérées pour améliorer l’attractivité du lieu comme l’ouverture d’un café, alors que le site est parfaitement situé face à la Marne, le développement de la boutique, une programmation culturelle dans l’auditorium…. Pour l’heure, l’équipe du musée insiste toutefois sur la priorité à donner à la consolidation du GIP, à la numérisation des archives et à la création de fac-similés pour préserver les originaux.
“Aujourd’hui, pour préserver cette transmission, nous avons besoin d’aide”
L’arrivée de la ligne 15 du métro à Champigny-sur-Marne, début 2027, devrait aussi contribuer à faciliter l’accès au musée, qui ne sera plus non plus le seul espace muséal dans ce coin des bords de Marne, alors qu’un musée intercommunal se prépare à Joinville, à côté de la guinguette Chez Gégène. En attendant, La RATP a offert une campagne d’affichage dans les transports franciliens. “Le Musée de la Résistance est un trésor national dont la France a besoin, plaide George Duffau-Epstein. C’est par la médiation que cette collection prend toute sa force et qu’elle devient le point de départ d’une parole partagée, d’un échange et d’un apprentissage. Aujourd’hui, pour préserver cette transmission, nous avons besoin d’aide.”
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