Théâtre | | 01/12
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Comédie musicale : les enfants du Créa Aulnay-sous-Bois cartonnent à l’Opéra Bastille

Comédie musicale : les enfants du Créa Aulnay-sous-Bois cartonnent à l’Opéra Bastille © CH

Du rythme, de la danse, une enquête… La comédie musicale Martin Squelette interprétée par le chœur de scène du Créa d’Aulnay-sous-Bois s’apprête à résonner à l’opéra Bastille, avec 6 dates déjà complètes du 1er au 6 décembre. Un succès pour la pédagogie unique du Créa (centre de création vocale et scénique) qui s’apprête à fêter ses 40 ans.

Sur les planches de l’amphithéâtre Olivier Messiaen, situé juste en dessous de la grande scène de l’Opéra Bastille, les 40 enfants âgés de 11 à 17 ans du chœur de scène du Créa ne sont pas encore costumés ce mercredi après-midi, mais ils s’échauffent déjà depuis une heure. “Prenez bien tout l’espace“, leur rappelle la chorégraphe, Alice Pavlidis. Viennent ensuite les vocalises, avec Sandrine Baudey, la cheffe de chœur, qui reprend chaque voix tout en veillant au placement sur la scène. “Quand vous me suivez, ça donne le poil qui se hérisse“, les félicite-t-elle.

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Les jeunes artistes du choeur de scène du Créa s’échauffent sur la scène de l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille.

On se prépare depuis un an. On prend tous beaucoup de plaisir. Je suis impatiente de voir le public

Dans cette nouvelle configuration, plus petite que celle du théâtre Jacques Prévert où elle a l’habitude de jouer à Aulnay-sous-Bois, la troupe a dû adapter ses placements. À la veille de la première, Eden ne ressent pas du tout de pression. Elle a même hâte. “On se prépare depuis un an. On prend tous beaucoup de plaisir. Je suis impatiente de voir le public. C’est un honneur de jouer dans à l’Opéra Bastille, surtout à notre âge“, se réjouit-elle.

Les jeunes artistes font ce lundi après-midi leur première représentation dans cette salle parisienne. “C’est un de nos cinq chœurs, le plus mûr artistiquement parce qu’ils ont des capacités bien plus importantes pour monter des œuvres d’opéra d’une certaine envergure. C’est le cas de Martin Squelette d’Isabelle Aboulker, qui est techniquement musclé à chanter“, explique Claire Grojsman. Fille du fondateur du Créa, Didier Grojsman, elle a été elle-même été un “bébé Créa” avant de reprendre les rênes de l’association en 2021.

Pour cette nouvelle programmation de l’Académie de l’Opéra Bastille, le Créa a choisi de reprendre une adaptation du roman de Pierre Véry, Les Disparus de Saint-Agil (1938). L’intrigue (paroles signées Christian Eymery) racontée comme un polar se déroule dans un internat. Trois élèves créent une association secrète, Les Chiches Capons, pour préparer leur projet de départ pour l’Amérique. Mais deux d’entre eux disparaissent… Commandé en 1995 par le Créa, l’opéra-polar était alors joué avec des adultes, puis repris en 2005 avec une autre mise en scène. Dans cette nouvelle version, le metteur en scène, Pascal Neyron, qui est co-directeur de l’Opéra de Reims, a pris le parti de faire jouer les adultes par des enfants et de “travailler avec eux leur façon de voir les adultes“.

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Claire Grojsman

L’idée est de permettre à tout enfant d’accéder à une pratique artistique, mais encadrée par des professionnels

Chaque année, le Créa – centre de création vocale et scénique, forme environ 150 interprètes (170 en 2025) en moyenne de 4 ans à de grands adultes, principalement de la Seine-Saint-Denis. “L’idée est de permettre à tout enfant d’accéder à une pratique artistique, mais encadré par des professionnels“, résume Claire Grojsman. “Tout est parti d’un chœur d’enfants. Il y a 40 ans, mon père, qui travaillait comme conseiller pédagogique d’éducation musicale, s’est mis en tête de trouver une salle de spectacle. Pour lui, il était fondamental d’associer la voix et la scène, c’est-à-dire le jeu, l’interprétation et le travail du corps. Il a fait tous les théâtres de la Seine-Saint-Denis et il est tombé sur Christian Landy, le directeur du théâtre Jacques Prévert, qui a été bluffé par son travail“, relate-t-elle. Didier Grojsman fonde alors le Créa, avec une philosophie de la pratique artistique sans sélection, ni audition. “Mais, avec au contraire, de la mixité sociale, des sexes et des niveaux“, résume-t-elle.

À 15 ans, Eden a déja cinq ans de pratique au Créa qu’elle a connu dans le cadre d’un projet de classe à la maternelle. Avec une parenthèse de deux ans dédiée au handball, elle a décidé de reprendre le chemin du théâtre Jacques Prévert. “Ça me manquait. J’ai toujours aimé danser et faire du théâtre“, commente-t-elle. Élève de 2de du lycée Jean Zay d’Aulnay, elle a pourtant un emploi du temps bien chargé avec des cours de tennis et de hip hop. Il faut en effet compter deux heures de cours par semaine et sept samedis après-midi et dimanches dans l’année, sans compter les stages en avril et août. Même passion pour Adrien, 13 ans, qui vit à Villemomble. “Je voulais faire du théâtre, de la danse et du chant, mais je ne trouvais pas d’endroit où faire les trois en même temps“, explique-t-il. Lui aussi a une semaine remplie avec des cours musique et de natation. “C’est un peu lourd parfois, mais ça fait du bien d’avoir des coupures avec le Créa. On est dans une bulle de vivre-ensemble où on apprend tous à se connaitre“, souligne l’adolescent.

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Le Créa reprend cette année l’opéra-polar Martin Squelette.

“la démarche du Créa est de transmettre”

Reconnu par l’Éducation nationale comme institution partenaire de référence en matière d’éducation artistique et culturelle (EAC), le Créa a un solide ancrage local à Aulnay-sous-Bois, avec la crèche Macht Henri Thibault pour sensibiliser les personnels à sa méthode, le CHI Robert Ballanger et aussi le Festival “Il était une voix”. En 2023, il a également inauguré une classe CHAM (classe à horaires aménagés) art du spectacle à dominante vocale au collège Gérard Philippe, en partenariat avec le conservatoire de musique et de danse à rayonnement départemental de la commune.

Le rayonnement du Créa dépasse désormais la Seine-Saint- Denis. De la maternelle au collège, l’institution a développé des projets avec sept académies, dont celle de Créteil, et des institutions comme Cadence, le pole musical régional du Grand Est, le conservatoire Nina Simone de Pontault-Combault (Essonne)… Le Créa participe aussi, dans certains collèges, au dispositif In situ de résidences d’artistes porté par le département. “On touche environ 1 500 enfants par semaine via les projets EAC. Mais, au-delà l’enfant, on forme les personnes qui l’encadrent, parce que la démarche du Créa est de transmettre cette belle philosophie et cette pratique artistique des arts de la scène. Nous ne sommes pas des prestataires. Quand on va dans une classe, on instaure un vrai partenariat avec l’enseignant qui doit s’approprier le projet. L’idée n’est pas d’en faire un chef de chœur, mais qu’il développe nos outils, comme les temps de vocalise ou de concentration, les jeux de communication. Tout ça créé, au-delà du chant, une émulation et de la cohésion de groupe qui dépasse le cadre scolaire“, explique Claire Grojsman. À chaque création, dont 35 commandes d’opéra et spectacles musicaux… le Créa met à disposition livrets, partition, recueil de chanson, permettant ainsi à plusieurs centaines de chorales d’écoles, maîtrises, conservatoires et écoles de musique ou associations de chant de reprendre ses œuvres. Une mission portée par une dizaine de salariés.

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“Faire des graffs ça marche bien. Mais faire chanter et danser des ados de 4ème, ce n’est pas du tout la même chose

Lors de la saison 2026-2027, le Créa fêtera ses 40 ans et celle de la “méthode Grojsman”. “On est à l’opéra de la Bastille, alors que l’on est dans une pratique amateur“, fait remarquer la directrice qui veut développer encore davantage les actions du Créa dans les quartiers dits sensibles. “Ce sont les projets EAC que l’on a mis en place dans les écoles qui nous permette de faire venir des enfants ces quartiers”, souligne Claire Grojsman. “Dans les projets In Situ du département par exemple, on voit bien que faire des graffs ça marche bien. Mais faire chanter et danser des ados de 4ème, ce n’est pas du tout la même chose. Au début, ils sont souvent hyper mal à l’aise. Ne serait-ce que se toucher, c’est mal vu. On a senti notamment la montée du fait religieux. Il y a aussi la génération zapping pour laquelle se concentrer sur une pratique et un projet sont plus compliqué. Mais il ne faut pas lâcher“, analyse-t-elle.

Tout est fait pour faciliter l’intégration de nouveaux-venus dans les chœurs. “Comme il n’y a pas de sélection, certains enfants ne chantent pas forcément très juste quand ils arrivent ou ne sont pas à l’aise dans le corps. Mais ils sont accompagnés par des parrains ou des marraines. On met aussi l’accent sur le droit à l’erreur parce que se planter permet aussi de construire l’enfant“, signale Claire Grojsman. Les résultats sont là. “Scolairement, j’ai appris à parler et à me sentir bien en public. Avant, j’étais vraiment timide. Maintenant, c’est devenu plus facile de faire des exposés“, confie Eden. “Je me rends compte que le théâtre ou l’opéra, c’est un monde complètement différent. C’est vraiment une chance de le connaître et de pouvoir le vivre“, abonde Adrien. Pas de concession sur la présence en revanche. “On attend des enfants qu’ils s’engagent sur le projet. Ce n’est pas à la carte, prévient Claire Grojsman. Mais une fois qu’on est rentré, en général, on ne repart pas!”

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