Justice | Ile-de-France | 02/06
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“connasse”, “morue”, “salope” : d’ex-cadres d’Ubisoft au tribunal de Bobigny pour harcèlement moral et sexuel

“connasse”, “morue”, “salope” : d’ex-cadres d’Ubisoft au tribunal de Bobigny pour harcèlement moral et sexuel © WCC

“connasse”, “laideron”, “salope”, “morue” Autant de petits noms sympas qu’affectionnait Thomas François, alias Tommy, pour désigner ses collègues femmes. Cet adepte, aussi, du ligotage sur une chaise ou du jeu “chat bite”, ex-cadre dirigeant d’Ubisoft, comparaît au tribunal de Bobigny à partir de ce lundi, avec deux collègues. Un soulagement pour les victime qui regrettent néanmoins qu’Ubisoft, géant du jeu vidéo, ne soit pas poursuivi en tant que personne morale pour harcèlement sexuel et moral systémique.

Initialement prévu en mars, le procès ne s’ouvre que ce lundi devant le tribunal correctionnel en raison de la transmission très tardive aux parties d’un nombre conséquent de pièces de ce dossier, fruit de deux ans d’enquête.

En juillet 2020, une vague de témoignages anonymes, suivie par des enquêtes de Libération et Numérama (site web d’actualité sur l’informatique et le numérique), jette l’opprobre sur le studio qui comptait alors 20 000 employés à travers le monde.

Serge Hascoët, numéro 2 du groupe en sa qualité de directeur créatif, démissionne dans la foulée. Thomas François et Guillaume Patrux sont eux licenciés pour faute grave.

Ce sont ces trois hommes qui se retrouvent devant le tribunal de lundi à vendredi, suspectés d’avoir mené et encouragé un management toxique au sein de l’entreprise, selon des sources proches du dossier.

Ses habitudes au bureau : diffuser des films pornographiques avec le son sur haut-parleur

Les témoignages accablants des plaignantes contre Thomas, dit “Tommy” François, alors vice-président du service éditorial d’Ubisoft, exposent l’atmosphère qu’il a fait régner dans les locaux à Montreuil, aux portes de Paris.

Sur la période de prévention retenue par la justice, de janvier 2012 à juillet 2020, Thomas François avait entre 38 et 46 ans.

Ses habitudes au bureau : diffuser des films pornographiques avec le son sur haut-parleur, embrasser par surprise des salariés sur la bouche, jouer à “chat-bite”, commenter en public le physique des employées qu’il traite de “connasse”, “laideron”, “salope” ou “morue”…

Alors qu’elle porte une jupe, Tommy François oblige une jeune collaboratrice qu’il vient d’embaucher à faire le poirier dans l’open-space. Il ligote à une chaise cette même employée, la place dans l’ascenseur et l’envoie à un autre étage. Ou encore lui barbouille le visage de feutre, puis la contraint à suivre une réunion sans pouvoir se laver.

Outre ces accusations, il est poursuivi pour tentative d’agression sexuelle, ayant voulu, lors d’une fête de Noël, embrasser de force une jeune employée, maintenue par d’autres collègues.

Car Tommy François incitait par ailleurs “ses subordonnés à agir de même, usant notamment à cette fin de son aura et de sa position hiérarchique élevée au sein de la société”, selon un rapport d’enquête consulté par l’AFP.

Accusé d’être tout aussi adepte de propos libidineux et de questions intrusives de nature sexuelle, Serge Hascoët est par ailleurs accusé de commentaires et actes racistes. Après les attentats de 2015, il aurait demandé à une employée de confession musulmane si elle adhérait aux idées du groupe État islamique.
Cette assistante de direction pouvait retrouver des images de sandwich au bacon en fond d’écran de son ordinateur, de la nourriture déposée sur son bureau pendant le mois du ramadan. Âgé de 59 ans, il va répondre au tribunal de Bobigny des accusations tant de complicité que de harcèlement moral et sexuel.

Troisième prévenu dans ce procès, l’ancien game director Guillaume Patrux, 39 ans, est lui renvoyé pour harcèlement moral.

Peur de déposer plainte et ressources humaines pas à la hauteur

Des dizaines de témoins ont été entendus lors de l’enquête, mais “un grand nombre renonçait à déposer plainte par crainte des réactions du milieu du jeu vidéo”, selon le rapport dont l’AFP a eu connaissance.

Lors de leurs auditions, ces personnes ont déploré “l’inertie des ressources humaines pourtant alertées sur ces comportements”, signale cette même source.

Cinq ans après le scandale révélé dans les médias, les plaignantes sont satisfaites “qu’il y ait des hauts cadres qui soient poursuivis, car c’est suffisamment rare”, souligne Me Maude Beckers.

Mais reste “un grand regret”, ajoute l’avocate de six des huit parties civiles au procès : “que le procureur de la République n’ait pas poursuivi la personne morale Ubisoft”.

En défense, Me Jean-Guillaume Le Minter, conseil de l’ancien numéro 2 d’Ubisoft, déplore “la fragilité du dossier concernant les accusations contre Serge Hascoët” qui ne seraient, selon lui, que “du purement déclaratif, avec des déclarations qui sont contredites par de nombreux témoignages et qui ne sont étayées par aucune preuve matérielle”.

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