De l’appareillage électrique basse tension au hip hop… À l’abandon depuis une trentaine d’années, les anciennes halles de l’entreprise Béromet, avenue Faidherbe à Montreuil, sont devenues depuis juin dernier le siège de Yard, agence événementielle dédiée aux cultures urbaines, à l’initiative notamment des Flammes et du festival Yardland. Visite avec Yoan Prat, cofondateur.
La cérémonie des Flammes, qui a fait place au rap et au R&B dans la musique française, le festival Yardland à l’hippodrome de Vincennes… voilà quelques unes des initiatives de l’agence d’événementiel Yard, dédiée aux cultures urbaines. Créée en 2014, la PME qui a démarré dans Paris intramuros, vient de franchir le périph en beauté, s’offrant 1 600 m² dans une ancienne manufacture. “C’est la première fois qu’on a nos propres bureaux. On les a toujours partagés, d’abord avec Mk2 puis avec Sid Lee, rue du Paradis, dans le 10ème arrondissement“, pointe Yoan Prat, cofondateur de Yard.
Plus qu’un QG d’entreprise, l’agence a souhaite créé un lieu ouvert aux associations, artistes et jeunes marques en quête de lieux de réunion inspirants pour brainstormer. Un lieu capable d’accueillir des évènements aussi, comme prochainement la soirée annuelle de l’association La rue tourne.
Passé le portail d’entrée, un grand panneau au-dessus de l’allée intérieure donne le ton : “Yard c’est ici”. À l’intérieur, une partie est ouverte au public avec un hall dédié à l’événementiel, des salles de réunion de différentes tailles avec oy sans mobilier, entièrement modulables, un espace cuisine qui se découvre derrière des miroirs… Au-delà, un mur de casiers annonce la partie réservée aux équipes. La soixantaine de salariés se sont répartis sur trois étages. Sur la terrasse, une grosse cheminée et la toiture en dents de scie signalent le passé industriel du lieu.

“La première visite nous a fait peur“
Les photos avant-après en disent long sur les travaux qui ont été nécessaires pour relooker complètement cet ancien entrepôt de l’entreprise montreuilloise Béromet, où étaient stockés des appareils électriques basse tension. “La première visite nous a fait peur. C’était totalement abandonné depuis une trentaine d’années. On a trouvé l’offre sur le Bon coin“, confie Yoan Prat. “On a tout de suite vu qu’il y avait du potentiel, mais sans vraiment y croire, à cause de l’ampleur des travaux. Et puis après une deuxième visite avec des architectes, un diagnostic a révélé qu’il n’y avait de gros soucis.” Pour la réhabilitation des quatre halles de cet ancien entrepôt, Yard a fait appel au cabinet Exbrayat Enrico Architectes avec un budget de 4,5 millions d’euros. Un beau budget. “Mais c’est lissé sur le long terme, parce qu’on sera là durant neuf ans. C’est le deal avec le propriétaire. On ne serait jamais engagé dans autant de travaux sans cette garantie!”

Eviter la spéculation sur les friches d’intérêt patrimonial
Propriété du groupe montreuillois Béromet, le site a la particularité d’avoir été classé au titre de son intérêt patrimonial dans le plan local d’urbanisme (PLU) adopté en 2018. “Si on ne fait rien, la plupart du temps, des promoteurs proposent de tout raser et de faire des opérations de logement. La pression immobilière, notamment dans le secteur de l’avenue Faidherbe [situé derrière la mairie] était énorme. Lorsque l’on est arrivé aux affaires en 2014, des pavillons et des sites d’activités entiers disparaissaient. Par le classement au PLU, on a donc voulu éviter toute logique de spéculation et encourager la préservation du bâti, mais aussi la possibilité d’y recréer de l’emploi“, explique Gaylord Le Chéquer, premier adjoint au maire (PCF) de Montreuil, chargé de l’urbanisme. “Ce qui est très intéressant, c’est que l’entreprise Béromet, n’ayant plus d’activité sur ce site, se posait la question de le vendre dans les meilleures conditions. Mais elle a joué le jeu en acceptant le classement et en participant activement à la recherche d’acteurs pour reprendre le lieu. Aujourd’hui, c’est une réussite que son site accueille Yard.”

Objectif banlieue est
Dans le choix de l’agence, le prix du mètre carré a forcément compté. “Avec ce que l’on voulait faire, c’était impossible financièrement à Paris“, concède Yoan Prat. Au-delà du loyer, “il y avait du sens à venir ici. On avait déjà essayé d’implanter le festival Yardland [qui se tient depuis 2023 à l’hippodrome de Vincennes] au parc des Guilands”, situé à quelques centaines de mètres, commente Yoan Prat. “On avait aussi aidé le Club athlétique de Montreuil en refaisant leur logo et leur support de communication. On a fait toute une opération avec Nike et LeBron James à Bagnolet. Il y avait donc une appétence pour être dans le coin.”
Autre objectif : se rapprocher de sa communauté. “Ça a toujours été important pour nous d’être dans la banlieue est, avec la volonté de sortir de Paris, d’être très hyper local“, prolonge Yoan Prat qui vit à Bagnolet depuis six ans. À l’origine, Yard est née de la rencontre entre des joueurs de basket à Charenton-le-Pont, où a joué Tom Brunet. “La culture rap décrit bien notre ADN à l’intersection de la musique, du sport, de la mode et de l’art. Notre essor est venu du fait que c’était une culture de niche au début, qui est devenue maintenant la culture mainstream. On était là au bon moment, mais je pense aussi qu’on a contribué à faire évoluer les choses. L’importance d’un lieu comme celui-là, d’un festival comme le Yardland ou d’une cérémonie comme les Flammes, c’est de permettre aux acteurs de cette culture de s’exprimer.”
Côté pub et marketing, l’agence a surfé sur le développement de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). C’est dans cette logique qu’elle a fait venir Nike et LeBron James à Bagnolet en 2018. “Au lieu d’investir dans un marketing gratuit et de l’achat média où il ne reste rien, autant pousser Nike à construire un terrain de basket qui restera!” C’est aussi avec la marque de sport américaine que s’est opérée la réhabilitation du terrain de foot qui jouxte l’école primaire Louis Pasteur à Bondy, où Kylian Mbappé a appris à jouer.
 
  
 
 
  
 
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