La scène relatée par une enseignante et photo-documentée dans Médiapart est ahurissante. Des élèves qui jouent le rôle de détenus, en train de faire des pompes au sol, une matraque sur le dos pour l’un d’eux… Jeudi 6 novembre, le rallye citoyen organisé au lycée professionnel Michelet de Fontenay-sous-Bois, pour développer l’esprit de défense dans les établissements scolaires, a pour le moins dérapé. Contexte et positions.
Pour sensibiliser les jeunes à la défense, des trinômes académiques ont été créés en 1987. Ils fédèrent, au niveau local, une académie avec l’autorité militaire et un représentant de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Ces trinômes académiques organisent diverses actions de sensibilisation dont des rallyes citoyens, pour faire connaître les métiers de la défense, ses acteurs, les enjeux… en proposant des ateliers pratiques en parallèle des présentations.
C’est dans ce contexte qu’était organisé un rallye citoyen au lycée professionnel Michelet de Fontenay-sous-Bois, ce jeudi 6 novembre. Dans un article publié ce 11 novembre dans le journal Mediapart, cet atelier a dérapé à plusieurs reprises lors de jeux rôles. L’un d’eux consistait à placer les élèves dans le peau de détenus, ces derniers devant, selon le témoignage d’une enseignante, commencer par vider leurs poches comme s’ils entraient en prison, avant de devoir faire des pompes, matraque sur le dos pour l’un d’eux. Suivait un autre jeu de rôle dans le quel un ado enfilait le matériel de protection tandis que d’autres l’attaquaient. Un élève s’est ensuite retrouvé “plaqué au sol”, “menotté face contre terre” et “plaqué au mur”, par des équipiers, relate l’enseignante à Mediapart, faisant état de deux blessés à la fin de ce jeu de rôle. L’atelier s’est poursuivi l’après-midi par des jeux tout aussi toniques, racontés par un autre enseignant.
Un dérapage que des professeurs ont fait remonter, ainsi que le syndicat CGT, qui dénonce dans un communiqué “l’ingérence des ministères des Armées et de l’Intérieur dans les établissements scolaires. (…) Cette valorisation de la force physique et armée sont aux antipodes du modèle émancipateur porté par notre organisation syndicale pour l’éducation.” Et le syndicat de condamner en particulier “les ateliers mettant en scène les élèves comme des « détenus » devant se confronter aux agents pénitentiaires. (…). Ils sont spécifiquement choquants et ils mettent en danger les élèves et les personnels. Plusieurs mineurs ont été blessés et des collègues ont été très choqué-es. Faire des pompes et les multiplier en cas d’échec, utiliser un faux FAMAS laser pour apprendre à tirer, asséner des coups de matraque et de poing dans des boucliers portés par des élèves : comment le ministère de l’Éducation Nationale peut-il accepter de telles dérives ?” questionne la CGT Educ’Action.
Enquête administrative
“Le rallye citoyen du lycée Michelet à Fontenay-sous-Bois (94) a été organisé dans le cadre des actions menées par le trinôme académique dont l’objectif est de développer l’esprit de Défense. Des activités présentant les différents métiers de la Défense et de la Sécurité ont été organisées à cette occasion. A la suite de signalements sur le déroulement d’un atelier, le recteur a décidé de diligenter une enquête administrative afin de l’éclairer sur les faits”, indique le rectorat, sollicité par 94 Citoyens.
Le syndicat réclame, au-delà de l’enquête administrative du rectorat, la mise en place d’une cellule d’écoute psychologique, l’information aux familles, un “travail pédagogique de déconstruction des idées virilistes, sexistes et violentes, véhiculées par les militaires et les agents de la pénitentiaire”, et l’arrêt de ce type d’atelier.
“cet atelier visait à faire comprendre le métier de surveillant pénitentiaire“
Dans une note explicative réagissant à l’incident, dont 94 Citoyens a eu connaissance, la référente « classe défense » au sein de l’équipe enseignante, rappelle pour sa part que “les activités du Rallye citoyen étaient toutes encadrées par des intervenants formés, avec présence d’adultes de l’établissement et, dans le cas de certains ateliers, de professionnels comme les pompiers.” L’enseignante fait par ailleurs état de “nombreux bilans de satisfaction recueillis auprès des élèves (plus de 100 retours, unanimement positifs, que je mets à disposition).”
Concernant le jeu de rôles lors duquel les élèves faisaient office de détenus, la référente explique que “cet atelier visait à faire comprendre le métier de surveillant pénitentiaire à travers une mise en situation, sans contrainte d’y participer.” A propos des pompes effectuées par des élèves, elle précise que “certains ateliers proposaient des défis d’endurance simulant un cadre professionnel exigeant ; tous les élèves avaient la possibilité d’arrêter ou de ne pas effectuer certains gestes et l’encadrement veillait à ce que la dignité de chacun soit respectée.”
Concernant l’atelier de tir laser avec un faux FAMAs, la référente de la classe défense explique qu’“il était strictement non-violent (simulateur)”, supervisé par le trinôme académique et validé par les instances. “Son objectif était d’éveiller l’esprit critique sur la sécurité collective, non d’encourager la violence.”
Concernant l’ensemble de la journée, la professeure ajoute que “Le Rallye citoyen comportait, outre l’atelier en question, des ateliers avec l’ANNOM (intergénérationnel), l’ONACVG, les chiens guides d’aveugle, les pompiers, autant d’actions impulsant la citoyenneté, la solidarité, l’égalité et la prévention des discriminations. Ainsi, le message de prévention et de non-violence était pleinement respecté et incarné dans la pluralité des propositions.”
Actualisation 13h (position rectorat + note de la référente classe défense)

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