Régulièrement menacée de fermeture depuis une dizaine d’années, la maternité des Lilas a reçu le coup de grâce. Vétuste, en déficit, et confrontée à une baisse des actes, l’établissement s’est vu retirer sa certification par la Haute autorité de la santé. Un protocole prévoit la création d’un centre de santé de l’AP-HP dans le bâtiment actuel, notamment pour maintenir le suivi physiologique des femmes durant leur grossesse, et la reconstitution d’une maternité de niveau 1 à l’hôpital Tenon.
“L’avenir de cette maternité aurait pu être différent“. Le maire (PS) des Lilas, Lionel Benharous, n’a pas mâché ses mots mercredi devant le conseil municipal, fustigeant “combien sera lourde la responsabilité devant l’histoire de celles et de ceux qui ne l’ont pas permis. Je pense à certains directeurs de l’ARS, à certains dirigeants politiques“, et tout particulièrement à l’ancien président socialiste François Hollande qui avait promis de reconstruire l’établissement sur un autre site en plein campagne électorale en 2012. “Le refus de reconstruire cette maternité aura donc été une erreur à la fois sur le plan sanitaire, un recul pour le droit des femmes et une gabegie financière“, lâche-t-il.
“Un renouvellement de l’autorisation paraît peu probable, voire impossible“
Pétitions et mobilisations n’auront pas suffi à sauver cette maternité fondée en 1964 qui résume à elle seule un demi-siècle de lutte pour l’égalité femme-homme et le droit à l’avortement, qui est devenue une des rares structures à apporter un accompagnement gratuit aux personnes LGBTQI+. “De nombreux éléments convergent vers une fermeture de la maternité des Lilas, et ce depuis plusieurs années : la maternité a perdu sa certification par la Haute autorité de santé, signe que les conditions de sécurité n’y sont plus optimales ; l’activité décline ; le gestionnaire n’arrive plus à assurer la soutenabilité financière de l’activité et une cessation de paiement est possible“, constate, pour sa part, l’ARS Ile-de-France. “À la lumière de ces éléments et dans un contexte de renouvellement des autorisations d’activité, qui, pour les maternités, intervient à la rentrée 2025, un renouvellement de l’autorisation paraît peu probable, voire impossible“, fait-elle savoir. “La fin de l’été s’annonçait comme une hypothèse de plus en plus crédible“, résume Lionel Benharous en faisant référence à la fermeture de la maternité des Franciscaines à Versailles le 1er juillet, et de la clinique Vauban à Livry-Gargan, en mai 2023, toutes deux de niveau 1.
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Un projet de transformation de la maternité des Lilas
“Pour ne pas se résigner” à une fermeture, la municipalité a donc cherché à “sauver tout ce qui peut l’être“. Des efforts qui ont abouti à la signature le 26 juin d’un protocole sur la transformation de la maternité des Lilas. Autour de la table, l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et Batiger, qui a signé une promesse de vente pour l’achat des murs, et le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Un protocole approuvé mercredi matin par l’association Naissance, qui porte la maternité, et par 80% des personnels. Selon Lionel Benharous, l’initiative de la ville s’est révélée décisive : “l’AP HP n’avait aucune intention d’ouvrir un centre de santé, l’ARS n’avait aucune envie de développer une maternité supplémentaire à Tenon“, estime-t-il, précisant s’être engagé à retirer la délibération sur le protocole en cas de rejet par les salariés. “En ne signant pas [le protocole] c’était l’occasion pour les autres partenaires de se désengager et de fermer purement et simplement la maternité en disant [qu’ils étaient] allés jusqu’au bout du protocole“, ajoute-t-il.
Une maternité à Tenon
Au grand dam des élus et des syndicats qui avaient poussé pour la reconstitution d’une maternité à l’hôpital de Montreuil, le projet prévoit la création d’une unité physiologique de maternité à l’hôpital Tenon, adossée à l’actuel maternité de niveau 2, qui sera gérée par l’AP-HP. “Ce ne sera pas la maternité des Lilas“, concède Lionel Benharous. Concrètement, cette unité, aménagée dans l’aile d’hospitalisation de Tenon aujourd’hui inoccupée, comprendra dix lits. Elle permettra d'”offrir aux femmes enceintes le souhaitant, et ayant une grossesse à bas-risque, une prise en charge plus naturelle et respectueuse du processus de l’accouchement, tout en assurant une sécurité optimale grâce à la présence de ressources médicales spécialisées“, précise l’ARS Île-de-France. En cas de complication, le plateau technique de Tenon (bloc opératoire, service de radiologie, d’embolisation, de réanimation, unité de néonatologie) permettra une prise en charge rapide.
Un centre de soins aux Lilas
Le protocole comporte aussi tout un volet pour maintenir une offre médicale sur le site de la rue du Coq français. L’AP-HP doit, en effet, installer un centre de soins pour la santé des femmes et des mères, qui assurera le suivi physiologique des femmes qui accoucheront à Tenon. Il reprendra les activités qui font la spécificité de la maternité des Lilas : le suivi des couples LGBTQI+ et le centre d’orthogénie, essentiel pour garantir un accès concret à l’avortement, en plus d’une compétence pour le traitement de l’endométriose. “Ce centre serait porté par l’AP-HP, avec ses équipes, ce qui ferait de ce centre le premier centre de soins universitaire de notre région“, souligne l’ARS Dans le reste du bâtiment, Batiger prévoit d’ouvrir deux structures avec Hôtel social 93, un lit halte soins santé (LHSS) et un lit d’accueil médicalisé (LAM) à destination de personnes en grande précarité.
Dans le protocole, seul le projet de déménagement de la PMI de la rue du garde-chasse dans le site actuel de la maternité des Lilas reste pour l’heure incertain, le conseil départemental attendant des garanties sur un soutien financier. “L’ARS ne sera pas quitte d’une négociation qui sera très serrée“, fait d’ailleurs savoir, Daniel Guiraud, ancien maire des Lilas et vice-président du département chargé des finances. Les travaux sont prévus par phases durant un à un an et demi, pour éviter toute interruption d’activité.
“La signature de ce protocole doit marquer le début d’une lutte“
Le conseil municipal des Lilas a par ailleurs adopté à l’unanimité un vœu sur table pour demander le respect du protocole par l’ensemble des signataires et “l’engagement de l’État de débloquer les moyens nécessaires pour procéder à la fermeture de la maternité dans le respect des patientes suivies par l’établissement et du personnel.” Autrement dit, en garantissant le temps nécessaire et “en accordant aux salariés qui le souhaiteront des conditions financières, le reclassement et de la formation dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.” Association Naissance, élus, syndicats, “tous m’ont tenu la même position : il faut que ce protocole soit adopté, mais la signature de ce protocole doit marquer début d’une lutte pour obtenir des conditions de fermeture de la maternité qui, à la fois pour les patients et les salariés, soient satisfaisantes“, signale Lionel Benharous. Or, rappelle-t-il, l’ARS Île-de-France n’a pas donné à l’association Naissance de garanties sur la poursuite des activités, sachant “qu’elle est aujourd’hui complètement dépendante de l’ARS qui peut, à un moment ou un autre, couper les budgets et la conduire au dépôt de bilan quasi immédiatement.”
De son côté, l’ARS Île-de-France précise que “le calendrier et les modalités d’un arrêt de la maternité elle-même ne sont pas arrêtés et font l‘objet de discussions entre la direction de l’ARS Île-de-France et l’association Naissance, qui est gestionnaire de la maternité.” Le seul engagement qu’elle évoque est celui l’AP-HP qui s’engage “à examiner les candidatures des salariés de la maternité des Lilas pour ses recrutements et la constitution des équipes nécessaires” à la maternité de Tenon. Celle-ci a été rénovée en 2018 et compte sept salles d’accouchement et quatre salles de pré-travail, trois salles opératoires, une salle de surveillance post-interventionnelle de quatre places, neuf lits de néonatalogie (avec un projet de réouverture des 12 lits en cours) et 38 chambres individuelles, plus deux chambres doubles de suites de couche.
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