Zéro de conduite, tel est le nom de la série du collège Jean Vigo d’Épinay-sur-Seine, réalisée par Radouane Abbassi, professeur de mathématiques, plus connu sous son alias de rappeur, Great Teacher Issaba, avec les élèves et personnels du collège. La projection de la première a fait salle comble. Ambiance.
Au cœur du Pôle Musical d’Orgemont (PMO) d’Épinay-sur-Seine le mercredi 18 juin, de nombreuses familles se sont réunies pour assister à la première d’un événement un peu spécial : une série sur la vie de leurs enfants, au sein du collège Jean Vigo. C’est aussi le moment des retrouvailles, où les grands frères et grandes sœurs renouent avec leur ancien collège, pour voir leurs cadets et benjamins à l’écran. “Quand je passe, tu filmes d’accord ?” demande l’un d’eux à son grand frère, tandis que toute la salle ne cesse de se chauffer.
Bataille de quatre couleurs, élection des délégués, chanson de rap
La série raconte le quotidien décalé des élèves : compétition de quatre couleurs pour savoir qui aura la plus grande collection, élection des délégués, clash entre les professeurs d’espagnol et de sport. Justine, alors en troisième, a participé au tournage en tant qu’assistante réalisatrice, et se souvient de chaque moment de tournage : “on venait nous chercher entre les cours quelques minutes, puis on revenait une fois la scène terminée”. Toutes les classes sont mélangées, et tout se passe au coeur du collège, à part l’enregistrement des chansons, réalisées dans un studio à Montreuil, où Great Teacher Issaba enregistre : “c’est la seule partie que j’ai supervisé, de l’écriture des paroles aux rythmes donnés aux morceaux, car j’avais une idée précise en tête”. Chaque épisode cache un morceau enregistré par un élève, ou par un professeur.
“Chacun a pu participer, que ce soit au scénario, à la régie, ou encore à l’acting.”
On retrouve les élèves à la figuration comme dans les rôles plus importants, le temps d’un épisode ou plus. “Chacun a pu participer, que ce soit au scénario, à la régie, ou encore à l’acting. J’avais préparé des listes pour qu’ils puissent s’inscrire aux différents ateliers, et permuter s’ils le voulaient” détaille Radouane Abassi, qui a débuté le projet en 2022. “J’ai aidé dans l’organisation lors des phases de tournage, et je tourne des vidéos avec un téléphone et un stabilisateur pour montrer les coulisses. Monsieur Abbassi va se charger ensuite de monter tout ça”, explique Justine, désormais en première, mais toujours impliquée dans le projet. L’équipe professionnelle est composée de seulement quatre personnes : Noswil comme chef opérateur, Køhn comme ingénieur du son pour les sessions d’enregistrement des chansons, Skud au montage et à l’étalonnage, aidé par le prof de maths. “Pour le scénario, je me suis réuni avec un groupe d’élèves, on a lancé la balle à tour de rôle : ils m’ont donné leurs idées, parfois des bouts de phrases, et je les ai repris pour créer quelque chose de constructif. Il y a vraiment un travail collaboratif derrière tout ça” insiste l’enseignant.

Créer du lien entre les professeurs et leurs élèves
Première à l’écran pour les élèves, mais aussi pour Jonas Goubault, professeur de musique au collège et Alexandre Schon, professeur d’histoire-géographie, devenu professeur d’anglais dans la série : “il voulait que je prenne au jeu d’un professeur d’anglais amoureux secrètement de la professeur de français”. Plusieurs professeurs ont changé de matière le temps d’un tournage, le professeur d’Espagnol est devenu professeur de sport, et vice-versa. “On retrouve beaucoup de spontanéité chez les élèves, ils ne se prennent pas la tête, c’est impressionnant”, explique le prof d’histoire-géo.
Ce projet a aussi permis d’améliorer les relations avec les élèves, qui peuvent s’avérer conflictuelles à certains moments : “on apprend beaucoup d’eux au quotidien, c’est une ouverture d’esprit permanente, et ce genre de projet le démontre. Je viens de Montpellier, je découvre énormément de choses que je ne connaissais pas, c’est ce qui m’a donné envie de continuer d’enseigner en Seine-Saint-Denis”, poursuit Alexandre Schon. Mettre le quartier d’Orgemont au cœur de la série permet à n’importe quel habitant de se l’approprier, en particulier les collégiens et collégiennes, et de créer un projet pour eux, fabriqué par eux : “Ce qu’on fait, on le fait pour les élèves, et on est très content du résultat” soutient Jonas Goubault.
Forger le souvenir, au service de l’image des banlieues
C’est dans la liesse que s’achève la première. Beaucoup ont pu se voir à l’écran, et les retours se font sans moquerie. “Ça reste un souvenir gravé pour tout le collège” conclut Malak, ancienne élève de Jean Vigo. Radouane Abassi, lui, aimerait continuer le projet : “Je réfléchis à comment organiser la suite, j’aurai bien aimé garder les mêmes acteurs, mais les générations changent.” Une chose est sûre, il veut continuer de représenter le quotidien de ses élèves et de la banlieue : “Zéro de Conduite, c’était le titre d’un film réalisé par Jean Vigo, censuré dès sa sortie car considéré comme anti-français. je veux montrer que peu importe l’image que l’on donne au premier abord, il faut se battre pour en donner une autre, et j’espère que la série sera dans cette lignée.”
Les six épisodes, d’une durée de 5 à 10 minutes, sont désormais tous disponibles sur la chaîne Youtube de Radouane Abbassi. Pour accéder à sa chaîne cliquez ici
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