Initiative | Ile-de-France | 26/02
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Faire choisir les maths au lycée sans oublier les filles : le défi de l’université Paris Dauphine auprès des élèves de banlieue

Faire choisir les maths au lycée sans oublier les filles : le défi de l’université Paris Dauphine auprès des élèves de banlieue © EF

La désertion des filles dans les filières scientifiques n’est pas une fatalité, estime l’université de Paris Dauphine, qui propose des stages de maths pendant les vacances scolaires à des élèves de lycées de banlieue, pour les inciter à s’accrocher. En s’assurant d’une vraie parité filles-garçons. Reportage.

Ambiance studieuse ce mercredi des vacances d’hiver, à l’université Paris Dauphine PSL. Divisiés en deux groupes, 34 élèves de seconde issus d’une vingtaine de lycées de la banlieue parisienne, suivent des cours de mathématiques pour solidifier leur niveau et les conforter dans le choix de cette filière. Dans le cours de Bruno Descroix, professeur de maths au lycée Louise Michel de Bobigny, 8 filles et 8 garçons s’accrochent. “Je ne m’attendais pas à autant de filles, d’habitude il y a plus de garçons que de filles”, confie Maka, élève au lycée Blaise Cendrars de Sevran. “C’est vrai, quand je suis arrivée, je me suis dit : mais attend-on que des filles ?” s’exclame Minha, venue du lycée Jean Jaurès à Montreuil. Sur l’ensemble des 34 participants, 60% sont des filles.

Priorité aux filles

“Lorsque l’on a créé le programme, on voulait directement avoir un quota de jeunes filles, on a donc regardé leurs candidatures en premier. Une fois arrivés au quota, on s’est penchés sur celles des garçons. On arrive ainsi à 60% de filles pour cette année” motive Isabelle Catto, docteure et professeure en mathématiques à l’université Paris Dauphine, qui supervise le programme.

Au total, 140 élèves ont postulé à ce stage, organisé dans le cadre du programme égalité des chances de l’université, dont 34 ont été sélectionnés depuis 21 lycées, à Puteaux, Clichy-sous-Bois, Sevran, Bagnolet, Villeneuve St Georges, Gennevilliers, La Courneuve, Épinay sur Seine, Plaisir, Nanterre, Pantin, Sarcelles, Montrouge, Villeneuve la Garenne, Noisy le Sec, Les Lilas, Aubergenville, Le Plessis Robinson, Aubervilliers, Montreuil et Asnières sur Seine.

“Beaucoup de jeunes filles s’autocensurent dès le lycée” 

“Les mathématiques, c’est essentiel dans de nombreux domaines, la spécialité de sciences physiques a, par exemple, besoin de la spécialité maths experts. Sinon, on arrive à l’université sans avoir les compétences techniques nécessaires pour accéder aux différents parcours”, insiste Isabelle Catto.“Beaucoup de jeunes filles s’autocensurent dès le lycée, alors que garder les mathématiques permet de viser des métiers avec des salaires mieux rémunérés, qui sont monopolisés par des hommes”, déplore-t-elle.

“A l’université, on a 25% de filles en licence de maths mais 75% en licence d’économie gestion, illustre la professeure. On a donc créé une double licence mention économie gestion et intelligence artificielle. En mélangeant les matières, on arrive à avoir 50% de filles. De quoi prouver que cette distorsion n’est pas une fatalité.  

A l’occasion de ce stage de février, 16 heures de mathématiques sont dispensées tout au long de la semaine, alternant entre cours, révisions et ateliers. “On n’oublie pas qu’ils font cela sur leur temps de vacances, l’idée est donc d’associer de la théorie et des cas concrets lors dateliers, tout en ayant un aspect ludique”, explique Julie Toulouse, chargée du programme d’égalité des chances au sein de l’université. “Le reste de la semaine, on organise une visite dans l’entreprise mécène, Qube Research & Technology (QRT), et on propose aussi du sport, et une visite du musée des mathématiques, la Maison Poincaré, avec des ateliers sur les découvertes mathématiques.”  Les intervenants en profitent aussi pour expliquer le rôle des mathématiques dans des disciplines variées.  “L’université possède de nombreux cursus et les mathématiques sont au cœur de nombreux projets, avec un labo de mathématiques et d’informatique au cœur de Dauphine”, insiste Isabelle Catto. 

Confirmer le choix de la spécialité mathématiques

“C’est super intéressant, ça m’aide à confirmer mon choix de prendre les maths en mars prochain. On voit des notions qu’on a déjà vues, mais on s’avance aussi pour l’année prochaine”, s’enthousiasme Vansheep, lycéen au lycée Blaise Cendrars de Sevran. Le stage est réservé uniquement à des élèves de seconde car l’enjeu est de les préparer à choisir les maths expert ou maths complémentaires en première. “On veut tous prendre la spécialité mathématiques”, confirme Maka. 

Parcoursup

Pour l’université, l’autre enjeu est celui de Parcoursup, la plate-forme d’orientation vers les études supérieurs. Dans ce contexte, faire découvrir l’université parisienne à des élèves venus de la périphérie permet de commencer à se projeter, à se dire que c’est possible. “C’est la première fois que je me rends à l’université Paris Dauphine”, indique Monaïdi, du lycée François Arago de Villeneuve-Saint-Georges, qui compte bien l’ajouter à sa liste de voeux sur Parcoursup. “Je connaissais l’université de nom, je m’étais déjà renseignée sur leurs programmes, mais venir directement c’est différent”, témoigne Léa, en seconde au lycée Eugène Enaff de Bagnolet. “Même si je suis perdue sur ce que je veux faire, ça me donne une piste supplémentaire”, poursuit-elle.

© EF

“Quatre élèves ont rejoint Dauphine l’année dernière, c’est énorme pour un lycée de Bobigny”

Si les élèves se sont manifestés sur la base du volontariat, l’information a été relayée par leur établissement. “C’est ma professeure de Sciences Economiques et Sociales (SES) qui m’en a parlé”, explique Alisson, scolarisée au lycée Alfred Nobel de Clichy-sous-Bois. “Moi, c’est ma prof de maths”, pointe Monaïdi. Chaque lycée partenaire du programme d’égalité des chances de l’université dispose, en effet, d’un professeur référent qui prend en charge les initiatives proposées par Dauphine. “Des ateliers de renforcement sont dispensés par des professeurs financés par le Fonds Dauphine, à raison d’une heure et demie par semaine, pour les élèves de première et de terminale voulant travailler certaines matières comme l’anglais, les mathématiques”, cite Bruno Descroix. “Ces cours, comme le reste des initatives sont une chance pour les élèves, notamment pour les jeunes filles, car on leur montre des chemins auxquels elles ne pensaient pas”, motive le prof de maths. “L’accompagnement commence par ces stages, puis les cours de renforcement, détaille-t-il. Au lycée Louise Michel, on a aussi une classe préparatoire pour que les élèves de STMG reprennent leurs études après un bac+2, et continuent à l’université ou en école de commerce. Grâce à ce dispositif, quatre élèves ont rejoint Dauphine l’année dernière, c’est énorme pour un lycée de Bobigny”.

41 lycées partenaires en Ile-de-France

Créé en 2009, le programme d’égalité des chances de l’université s’appuie aujourd’hui sur 41 lycées partenaires dans toute l’Île-de-France. “Le stage de seconde a été travaillé pendant un an et dévoilé cette année, grâce au soutien de l’entreprise QRT, engagée dans un mécénat depuis 2022 sur les questions des sciences et des mathématiques, qui le finance en majeure partie”, détaille Julie Toulouse. Les initiatives se sont multipliées ces dernières années. “Au-delà de ce programme, il existe d’autres projets où l’on met également un quota de 50% de jeunes filles minimum, comme lors de stage de troisième où des élèves de collège, dont certains en Rep+ (Réseau d’Education très prioritaire), découvrent le métier de professeur-chercheur à l’université”, développe Isabelle Catto. “L’idée est de montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent accéder à ce genre de métier, peu importe d’où tu viens”. L’université organise aussi une après-midi des lycéennes pour les secondes, et parfois les premières. Les lycéennes y rencontrent des mathématiciennes, des chercheuses ou des femmes qui utilisent les mathématiques au quotidien dans leur profession. “Le vivier de femmes est beaucoup trop faible. On a besoin de tout le monde pour renverser le décrochage général dans les sciences !” 

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