Augmentation du nombre de réfugiés, crise du Covid, effet des nouvelles mesures sur l’immigration: à quelques jours de son départ de la direction de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), Julien Boucher affirme “l’impérieuse” nécessité de “neutralité” face aux attaques du droit d’asile.
Il “est temps de passer la main” après six ans en poste, confie Juline Boucher, qui quittera le 15 avril ses fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’organisme chargé d’instruire les demandes d’asile en France.
Deux mandats aux cours desquels il a rempli, dit-il, “une mission pleine de sens” consistant à appliquer, en “toute indépendance”, le droit “fondamental” de fournir un refuge aux personnes fuyant des persécutions dans leur pays.
“Cette indépendance, je ne l’ai jamais comprise comme étant une liberté d’agir en fonction d’orientations personnelles, mais au contraire comme une exigence impérieuse: celle d’appliquer de la manière la plus neutre, rigoureuse et impartiale les textes qui régissent l’action de l’Ofpra”, explique M. Boucher.
“Incontestablement, il y a à l’échelle internationale des contestations du droit d’asile, mais ma conviction c’est qu’en France il est profondément ancré dans les valeurs de la République”, souligne le haut fonctionnaire alors que l’immigration agite des débats récurrents dans l’Hexagone, au rythme des fréquentes déclarations du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui veut diminuer la présence des étrangers.
158 000 demandes examinées en 2024
Après la chute du pouvoir de Bachar al-Assad, le ministre avait annoncé “travailler sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie”. L’Ofpra lui avait alors rappelé son “indépendance fonctionnelle” et qu’elle seule pouvait prendre une telle décision.
En six ans, Julien Boucher a vu l’établissement “changer de dimension passant de 800 à plus de 1 000 agents”. Des officiers de protection chargés d’évaluer quelque 158 000 demandes en 2024, dont les missions se sont “complexifiées”: évaluations des vulnérabilités, détections des risques de menaces à l’ordre public… Fin 2023, des agents avaient été en grève pendant plusieurs mois pour dénoncer “une politique du chiffre”.
Actuellement, les délais de traitement des demandes d’asile sont d’“environ quatre mois et demi”, “niveau le plus bas depuis une quinzaine d’années qui positionne l’Ofpra parmi les autorités les plus performantes d’Europe”, se félicite l’énarque, âgé de 48 ans.
Le taux de protection accordé par l’Ofpra, dont l’activité dépend des grandes crises internationales, a constamment augmenté (39% des demandeurs ont obtenu une mesure en 2024).
“On parle peu du Soudan, mais c’est le pays où se situe le plus important déplacement forcé au monde (12 millions de personnes)”, sans compter la violence des gangs en Haïti, le conflit en République démocratique du Congo ou encore le régime taliban en Afghanistan et l’Ukraine, énumère-t-il.
Les effets du Covid
Autre fait marquant, la pandémie de Covid face à laquelle l’établissement public aura fait preuve de “résilience”, assure-t-il, afin que “la chaîne de l’asile ne soit pas mise à l’arrêt et n’empêche pas l’accès aux droits d’asile”.
Pendant la crise sanitaire le nombre de premières demandes d’asile avait chuté en 2020 à 81 500.
A quelques jours de quitter le bâtiment aux vitres fumées de Fontenay-sous-Bois, un regret toutefois: des délais encore trop longs pour établir des documents d’état civil aux réfugiés (dix mois en moyenne).
“On a presque doublé le nombre d’actes établis au cours de ces six dernières années, mais on n’est pas encore sur des délais satisfaisants. Ne pas disposer des documents d’état civil peut être un obstacle pour un certain nombre de démarches de la vie quotidienne“, reconnaît M. Boucher qui retrouvera prochainement le Conseil d’Etat.
Autres dossiers majeurs qui attendent son successeur, dont on ignore encore l’identité, la mise en oeuvre du Pacte européen asile et migration, qui prévoit une nouvelle procédure de filtrage aux frontières de l’UE, afin d’accélérer le traitement de certaines demandes d’asile, et la déclinaison de la dernière loi immigration.
Adoptée en janvier 2024, elle prévoit le déploiement progressif de pôles territoriaux en remplacement des guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (Guda). Une première expérience pilote est attendue d’ici l’été à Cergy-Pontoise.
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