Témoigner de la mutation de Gentilly sur une cinquantaine d’années, mais aussi du regard de Robert Doisneau, maître de la photographie humaniste, sur la ville de son enfance, tel est le propos de l’exposition qui se tient actuellement à la Maison Robert Doisneau. La concrétisation d’un projet initié avant la mort de l’artiste. Focus.
Né en 1912 à Gentilly, Robert Doisneau y a grandi et en est resté proche, avec son atelier dans la ville voisine de Montrouge. Alors que s’esquissait le projet d’un musée à son nom à Gentilly, l’actuelle Maison de la photographie Robert Doisneau, germa aussi l’idée d’un livre et d’une exposition consacrés à la commune. Le photographe, qui avait passé les 80 ans, y travailla. “Des centaines de négatifs conservés à l’Atelier Robert Doisneau à Montrouge permettent de retracer l’histoire de ces images. Des tirages, dont beaucoup réalisés par Doisneau lui-même, indiquent qu’un premier travail de sélection avait été amorcé”, indique Michaël Houlette, directeur de la Maison Doisneau, dans le dossier de présentation de cette exposition qui a vu enfin le jour et sera accrochée jusqu’au 15 février 2026, accompagnée d’un livre.
Car le maitre de la photographie humaniste meurt en 1994, deux ans avant l’ouverture du musée. “Nous ne saurons jamais si ce travail était considéré par Doisneau comme achevé ou encore en cours”, prévient Michaël Houlette. Avec 76 épreuves, dont de nombreuses inédites, prises sur plusieurs décennies, il y a de quoi faire, en tout cas, pour rendre compte de l’évolution du territoire et de l’ancrage de l’artiste, un “ancrage biographique, affectif et artistique, alliant familiarité et distance critique”, à travers une exposition “hommage à ce projet inabouti”.
Le Gentilly de son enfance, Robert Doisneau ne l’a pas photographié tout petit, mais il l’a imprégné. “Le décor de son enfance, partagé entre l’immeuble bourgeois où il grandit et les terrains vagues où il s’invente librement, à l’écart des normes, sera plus tard décrit par Doisneau comme une sorte de désordre, confus et pathétique”, souligne Michaël Houlette. La ville n’a alors guère de cohérence architecturale, souligne-t-il, avec ses petites usine en bord de Bièvre (à l’époque découverte) et son grand terrain vague entre les deux côteaux, “vestige des anciennes carrières qui sert de dépotoir aux excavations parisiennes”.
Formé au métier de graveur lithographe à l’école Estienne à 15 ans, Robert Doisneau se passionne rapidement pour la photographie. Il publie son premier reportage sur des joueurs de bonneteau au marché aux puces de Saint-Ouen dès 1931. Le jeune photographe, qui expérimente différents types de photos (industrielles, de presse…) au gré de ses employeurs, accumule les clichés de la banlieue dès les années 1940. De Gentilly, il donne à voir des ambiances contrastées, entre le cliché montrant un bar en bout de rue donnant sur un terrain vague et enneigé, dans lequel un homme marche seul, la foule qui encourage un cyclo cross au milieu des côteaux ou encore la réjouissante farandole des 20 ans de Josette, devant une barre de logements sociaux.

Plus tard, dans les années 1980, Robert Doisneau documente la banlieue dans le cadre d’une commande de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). L’occasion de montrer le changement opéré par la poussée des grands ensembles sur le territoire. “Robert Doisneau monte parfois sur les toits des tours afin d’adopter un point de vue surélevé, inédit. À la logique des grands ensembles, il répond par une vision d’ensemble où blocs, rues, places et espaces verts s’organisent selon une géométrie presque abstraite”, explique le directeur du musée. Dans ce nouveau paysage de béton moderne, le photographe s’attache aussi à montrer les vestiges qui contrastent, comme l’église Saint Saturnin.
A la fin des années 1980, le travail de Robert Doisneau sur Gentilly se précise, dans le cadre d’un projet de livre pour la ville, dans l’esprit d’une commande qu’il vient de réaliser pour le musée d’art et d’histoire de Saint-Denis. “Sans commande explicite et avec une grande liberté, Robert Doisneau photographie de 1989 à 1991 les gentilléens dans leur quotidien. Peu à peu, se tisse un lien de proximité, au point d’être simplement appelé par son prénom, « Robert », par de nombreuses personnes qu’il rencontre. Gentilly abrite encore des petites entreprises et des ateliers d’artisans qu’il visite avec curiosité. Il participe aux fêtes locales, aux cérémonies, aux instants de la vie communale“, explique Michaël Houlette.

“En pénétrant dans les cours d’immeubles, en s’attardant devant les pavillons et en photographiant les occupants, Doisneau voit certainement resurgir, par fragments, des souvenirs d’enfance, une mémoire ouvrière et petite-bourgeoise peut-être mais désormais atténuée, parfois méconnaissable. Il est difficile de dire quelles réminiscences précises ces lieux ravivent en lui alors qu’il les explore à nouveau, à des années de distance.”
Infos pratiques
L'exposition est à voir gratuitement jusqu'au 15 février 2026 à la Maison Robert Doisneau de Gentilly. Quelques temps forts l'accompagnent, comme des projections commentées au Lavoir numérique voisin, ou des balades contées. Un livre, "Robert Doisneau, Gentilly", accompagne aussi l'expo, au prix de 15 euros. Plus d'infos
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